samedi 23 mars 2019

la question du père dans Illusions Comiques



La question du père dans illusions comiques
Père ressuscité, père défiguré

Définitions du théâtre: «  évangile des enfants sans père », « un fleuve qui remonte à sa source »
Pour l’orphelin le retour du père est la bonne nouvelle.
Génération de PY, d’après mai 68 : sans père, l’enfant est-il  abandonné ou libéré ? Allégé ou exilé du sens, écrasé par l’effroi de la perte ou exalté par l’ivresse de la quête ?

Fils aux prises avec un père dans l’œuvre de PY
Maman envahissante, mon père, quelques apparitions qui ponctuent la couse folle de Moi-Même P67,78,101 
Pas présent à l’acte 1 sauf pape, nom qui signifie père et qui l’appelle « mon fils », n’entre en scène acte II que pour renier son descendant et mettre en cause la filiation : «  Tu nous as couvert de honte !  Et d’ailleurs il m’est venu une idée, tu ne peux pas être mon fils. Il coule dans mes veines un honneur que tu ne soupçonnes pas.…P67 souvenir du Cid, Don Diègue de de Don Louis du Dom Juan de Molière

Temps du procès et prison : visite du père : cadre du praticable devient cellule comme il a été coulisse et confiserie, poète en costume de bagnard à rayures cf Dalton ou Brother des frères Cohen ;
Père change lui d’état civil »je ne veux plus de ce nom qui nous relie » : casquette de cuir sur la tête = Brecht :  «  c’est un nom qui a fait ses preuves »

Acte III dernière apparition : retrouvailles avec le fils, reprise du patronyme : comédie tjrs réconciliation au dénouement : «  Quand tu écrivais dans ce cahier bleu, j’étais fier de toi. Si tu redeviens cet enfant au dos un peu voûté sur son ouvrage alors je pense que mon nom ne me fera plus peur. » P101

A rapprocher d’Orlando, autre pièce de Py
Père théâtral = image brouillée du père céleste, « sale gueule » plus que sainte Face, nombreux pères bourreaux
Peut-on aimer son père ? et si oui comment ?: avec le père se joue la relation au passé, à l’héritage, à l’autorité, à Dieu : enjeu politique quand votre père est dictateur dans Les vainqueurs, qu’il a torturé en Algérie comme dans l’Exaltation du labyrinthe, ou qu’il est ancien Mao devenu milliardaire dans Les Enfants de saturne, enjeu moral et humain quand il vous a battu à coups de ceinture ou violé rendant l’idée de pardon ou de miséricorde insupportable comme dans jeunesse, enjeu spirituel aussi car cette même violence rend l’affirmation d’un Dieu père inaudible.

Génération 68 : le rapport avec le père est assez violent. Il y en a un qui le prostitue, un autre veut le sauter, un troisième veut l’assassiner…Enfin c’est le rapport que ma génération a eu avec les soixante huitards ! la génération de 68 débute en voulant tuer le père puis continue en cherchant à tuer le fils. Elle refuse absolument d’être père, c’est normal, c’est leur histoire. » dans les Inrocck. A propos d’orlando

Cf amputation par les pères des mains des enfants, castration détournée mais pas seulement : mains clouées du Christ, mains coupées qui témoignent de la violence paternelle cf la jeune fille le diable et le moulin, condamner les fils à l’impuissance.
A opposer aux mains offertes, signe d’un refus de toute maîtrise, de toute mainmise, emerveillement renouvelé devant les mains acquises cf fin de La jeune fille…
Fécondité paradoxale des blessures et des mutilations.
Révolte à rebours du fils contre le père cynique : «  les pères salissent les fils, mais les fils sauvent les pères » in Exaltation… rédemption inversée ?

Importance dans l’œuvre de Py de Les aventures de Paco Goliard, sa première pièce.
« le rapport au père est l’un de mes sujets fondateurs » programme d’orlando
Père joué par  Bruno Sermonne, père théâtral à qui Py rend hommage, mort en novembre 2013 laissant «  deux générations d’orphelins de sa parole »

La première scène entre un père et son fils est une scène de reconnaissance et d’embrassade.Retour du père porté disparu. Père qui sait se montrer fils : entend la voix qui l’appelle, africaine, voix maternelle : » un coup de tonnerre/c’est ce qu’il faut, mon fils/pour s »arracher de la base !/pour être décroché du repère/et noyé dans la joie. » Paco Goliard.
La mort du père n’est plus révolte prométhéenne mais nouveau confort intellectuel.
Œuvre de Py commence donc par cette résurrection théâtrale du père, tourner la page du XXème siècle, ressassement du meurtre du père qui avait ouvert le XIXème siècle cf Orion dans Apocalypse Joyeuse pas se laisser dicter sa conduite par « le siècle dernier, celui des drapeaux, des marteaux, des épées qui a fatigué les mains de l’humanité ». différent pour Py le père n’est pas mort, il s’est régénéré à la source africaine et il a à nouveau une parole à offrir à son fils » révélation d’une vie héroïque et brutale » (…°)
«  Tout homme qui jouit d'un récit avoue qu’il n’a pas perdu la foi en la Providence "  Py préface de l’Apocalypse joyeuse à la face de ceux qui ont réduit la scène à un lieu d’inanités muettes cf Beckett ;
Importance de la voix du père, scène où le fils tète le père : y-t-il quelque chose à boire dans la tétée paternelle ? une présence, pas une certitude sauf celle que le père existe.
Le théâtre, Hamlet en sait quelque chose, est le lieu où le père peut encore apparaître, parce que c’est un lieu vertical .
Le théâtre se souvient du père, lui rend hommage et l’attend .
Dédicace de la Servante : « A mon père, nous les chasseurs »
Dans la suite de l’œuvre, image du père moins positive.
Py aime jouer avec la paronomase : fils ( tissu) fils enfant cf « L’incantation est incarnation à une lettre près » Chez Py tout père porte donc avec lui l’histoire sanglante du XXème siècle.