mardi 14 novembre 2017

Rappel 26 novembre Les Bas-Fonds de Gorki au TNS



Les Bas-Fonds de Maxime Gorki d'après la traduction d'André Markowicz, adaptation et mise en scène Éric Lacascade (  durée du spectacle 2h40, début à 16H) 

Site de la Compagnie 

Sur fond d’une Russie révolutionnaire, le dramaturge décrit d’une
manière très réaliste la vie d’un groupe de déclassés, d’exclus, de
marginaux et de voleurs vivant à la marge de la société moscovite.
D’un monde ancien en train de disparaître à un monde nouveau qui
n’a pas encore vu le jour, la communauté des Bas-fonds, parcelle
d’humanité abandonnée, est à la dérive. Les pires monstres y
surgissent comme les plus belles chimères. Tensions, conflits,
passions, chacun lutte avec l’énergie du désespoir pour sa survie et
l’union de ces solitudes crée une situation explosive.


« Gorki est un phénomène littéraire, politique et philosophique complexe : autodidacte  sacré père des lettres soviétiques, militant bolchevique émigré après la révolution, vagabond anarchisant devenu porte-parole de Staline... « Canonisé » de son vivant, accusé après la fin de l'U.R.S.S. d'avoir été le chantre du goulag, l'homme intéresse plus que l'œuvre, qui fournit pourtant, dès les premiers récits, la clé de ces contradictions.
Gorki –« l'Amer » : ce nom de plume, choisi en 1892, traduit bien la source et le but de toute l'activité de l'écrivain. Celui qui a connu dès son enfance, une réalité sordide et cruelle aspire à la transfigurer par la raison, la volonté et le travail, à créer « une vie plus belle et plus humaine ». Dût-il pour cela mentir, ou semer des illusions. Gorki est l'un des bâtisseurs, et l'une des victimes, de l'utopie communiste du XXe siècle. Il incarne les révoltes, les espoirs et les errements de son époque. »
(http://www.universalis.fr/encyclopedie/maxime-gorki/)

Gorki a raconté sa vie dans une trilogie autobiographique : Enfance/ Ma vie d'enfant (1914), En gagnant mon pain (1915-1916),Mes universités(1923).


Une pièce tragique mais humaniste:
Dans un asile de nuit, des personnages vivent et se disputent. Tous sont des déclassés ayant subi des revers et contraints pour survivre de camper dans des locaux désaffectés.
Dans les vapeurs d'alcool, ils se côtoient, s'affrontent, se désirent, se trompent. Certains sont appelés par leur nom, d'autres par leur fonction (L'acteur, Le baron). Un vagabond arrive, Louka, incarnant la sagesse et la bonté. Il leur rappelle que la compassion est tout ce qu'il peut leur rester d'humanité. Mais les ressentiments et les rivalités auront raison de ce discours humaniste. Les « bas-fonds » représentent à la fois l'endroit interlope
dans lequel sont confinés et oubliés les personnages mais aussi la condition humaine qui, à force de renoncements, s'enlise et se condamne.
L'issue de cette pièce est sombre : les hommes sont un à un écrasés par le sort ou par autrui. La fantaisie domine cependant et fait la part belle au cynisme et à l'humour noir.
Les Bas-fonds illustre aussi certaines préoccupations politiques et sociales de Gorki. Dans l'acte IV, un personnage, Satine, se lance dans un vaste monologue qui prend parfois des allures de manifeste. L'auteur, par ce discours politique, manifeste ainsi sa foi profonde en l'homme. 
 
Éric Lacascade et l’œuvre de Gorki
Éric Lacascade est artiste associé au TNB et directeur pédagogique de l’Ecole Supérieure d'art dramatique de ce théâtre depuis 2013. Après Les Barbares en 2006 et Les Estivants en 2009, c'est la troisième pièce du dramaturge russe qu'il monte. Il met en avant le caractère violent et particulièrement moderne du théâtre de Gorki. Ainsi, son adaptation de Les Bas-fonds s'attache à montrer les enjeux contemporains de la pièce,qui dépassent sensiblement le contexte de la Russie de 1900. Ces personnages déclassés, occupant des lieux de services publics transformés en campements de fortune, pourraient incarner des réfugiés (politiques, climatiques) contraints pour survivre de se contenter d'expédients. Se posent alors les questions de l'humanité et de l'éthique :
« Comment vivre quand l'abîme de la précarité, de la misère et du malheur s'ouvre chaque jour un peu plus sous nos pieds ? ». Eric Lacascade insiste sur la nécessité de représenter cette partie marginale de la population qui cristallise les tensions de notre
société : « Dans l'état de crise que nous vivons, s'attacher à décrire et à comprendre ces
exclus permet aussi de mieux nous comprendre nous-mêmes ».

Les Bas-fonds de Gorki est l'une des premières pièces dont les personnages principaux appartiennent au sous prolétariat, ce qui était alors particulièrement novateur. 

Interview d'Eric Lacascade  sur France Culture


"J'essaie de faire un théâtre excentré : le centre n'est ni l'acteur, ni le texte, ni le metteur en scène, ni la scénographie."
"Je ne sens pas le centre dans notre époque : j'ai donc fait un théâtre de l'époque, un théâtre de la multiplicité."
"J'aime ce réalisme poétique du cinéma français à la Renoir : c'est une des définitions de mon théâtre."
"Dans une pièce à multiple niveaux de lecture, j'ai travaillé à ne pas fermer le sens, pour que chaque spectateur fasse son montage poétique"
"Entre optimisme de la volonté et pessimisme de la raison, Gorki comme moi avons du mal à croire en un homme meilleur."
"D'un théâtre adressé aux dieux on est passé à un théâtre qui s'adresse à l'homme : et aujourd'hui, pour qui est-il ?"
Eric Lacascade, La Grande Table