dimanche 10 juin 2018

L'impureté au théâtre: entretien avec Michel fau

Entretien avec Michel Fau

Avec Michel Fau, comédien, metteur en scène. Son spectacle Nevrotik Hôtel, qu’il interprète aux côtés d’Antoine Kahan, est programmé le 31 juillet au festival de théâtre de Figeac (Lot), après un passage aux Bouffes du Nord (Paris) tout le mois de mai et avant de poursuivre sa tournée en 2019. Ce nouveau tour de chant raconte l'étrange histoire d'une vieille dame dévastée par la vie, seule dans une chambre d'hôtel en bord de mer, qui propose à un joli groom agaçant un contrat funèbre et délicat… Une fois de plus, Michel Fau joue des clichés, des apparences, des caricatures : “pour les détourner, s’en moquer, les sublimer [...] parce que je ne veux pas qu’il y ait une pensée unique au théâtre” nous confie-t-il au micro.
Il suffit que l'on me dise que l'on n'a pas le droit de dire ou de montrer quelque chose sur une scène, pour qu'aussitôt j'aie évidemment envie de le faire. [...] Je n'ai pas tellement la notion du bon ni du mauvais goût.
« La pureté n’est pas absolue, la pureté n’est pas pure : la pureté, c’est une certaine façon de ne pas voir le mal où, en effet, il ne se trouve pas. L’impur voit le mal partout, et en jouit » écrit le philosophe André Comte-Sponville. A sa suite, nous l’affirmons : le théâtre n’est pas le lieu du pur mais le lieu de l’impur. Et par impur, nous voulons dire : le banal, le trivial, l’ordinaire, le vulgaire, le choquant, le kitsch, le grotesque, le transgressif, le mauvais genre, la faute de goût. Tout ce qui va surprendre, choquer, agacer, énerver, stimuler, réveiller et secouer le public. C’est parce qu’il est impur que le théâtre nous fait jouir, art à jamais hérétique et, pour toujours, hédoniste.
L'être humain est fait de contrastes et de contradictions. Or l'art n'est pas là pour tout éclairer, tout expliquer.
Les spectacles de Michel Fau franchissent allègrement les limites imposées par les convenances. Qu'il se travestisse en diva flamboyante dans Nevrotik Hôtel ou qu’il exhibe son corps nu sur les plateaux, qu'il joue sur les scènes du théâtre public ou celles du privé, Michel Fau affiche une saine et salutaire insolence quant aux codes de "bonne conduite" et du “bon goût” qui entravent parfois la fantaisie du théâtre.  Dans son parcours, dans son geste artistique, l'impur s'affirme comme la marque de l'authenticité.
J'aime beaucoup le travail sur le cliché, les apparences, les idées toutes faites, les conventions, les images d’Épinal. Parce que la vie en est pleine [...]. Aller à fond là-dedans me permet de raconter des choses profondes, qui touchent à l'humain.
Avec les voix (INA) de l'écrivain Colette, du cinéaste Claude Chabrol, et du trio Jacques Higelin / Brigitte Fontaine / Rufus.
J'aimerais trouver des acteurs qui en font trop, qui parlent faux.
Je trouve que la caricature est très noble. Dès lors que c'est un geste artistique, la caricature m'inspire. Au contraire le désir de coller à la réalité écarte toute folie, tout lyrisme.