samedi 23 novembre 2013

Point de vue sur le théâtre dans le théâtre dans Hamlet



MAURICE ABITEBOUL : LE THÉÂTRE DANS LE THÉÂTRE

Maurice ABITEBOUL montre comment, dans Hamlet, « représentation théâtrale, certes, la pièce apporte aussi au spectateur la re-présentation d’une action que le protagoniste projette hors de sa conscience pour lui donner vie – une seconde vie – sur la scène ».

On assiste ainsi dans la pièce à diverses mises en abyme, situées à des niveaux différents de représentation. La plus célèbre, celle qui occupe une place centrale dans la pièce, la fameuse scène de « la pièce dans la pièce » précisément, nous permet d’observer les réactions du prince Hamlet devant la manière dont se comportent le roi et la reine lors d’une pantomime et d’une pièce censées « prendre la conscience du roi ». « Observer, scruter, ce sont bien là des postures de spectateurs : il est clair, en effet, que pour Hamlet et Horatio, le spectacle est alors dans la salle et non pas sur la scène seulement ». 
Cette scène offre ainsi des reflets, ou des échos, de la mise en abyme et, de ce fait, « signale la mise en œuvre dans Hamlet d’une multiplicité de points de vue, soulignant ainsi un sens de la pluralité et de la relativité propre à l’esprit baroque du temps ». Chacun des personnages de la pièce, en  vérité, est, à un moment ou à un autre, « le  sujet de l’intérêt ou de la curiosité d’un autre  personnage qui, à son tour devenu spectateur, l’observe et le scrute, faisant alors de lui la cible de son regard ». C’est ainsi, par exemple, que Hamlet et le roi Claudius sont, l’un et l’autre, tour à tour, « l’objet et le sujet d’une perception théâtralisée » (scène où Hamlet et Ophélie sont espionnés par Claudius et Polonius à l’affût ; scène du roi en prières sous le  regard d’Hamlet). La « scène de l’alcôve », où Polonius, trop curieux, dissimulé derrière  une tenture, est assassiné par Hamlet, constitue un chef-d’œuvre du genre. Tant d’autres encore seraient à citer : scène du cimetière, pour l’enterrement d’Ophélie (scène spectaculaire et pathétique), scène finale du duel entre Laërte et Hamlet, mise en scène et supervisée, en quelque sorte, par Claudius, véritable « organisateur de spectacle » (scène à la fois spectaculaire et dramatique). Il n’est pas jusqu’à la scène inaugurale de la révélation du Spectre faite à son fils qui ne participe de cette mise en abyme généralisée, fonctionnant véritablement « comme une scène primitive évoquée en tant que  théâtre dans le théâtre».
Dans ce cas, comme dans tous les autres, « la re-présentation  vivace de la scène évoquée,  véritable scène dans la scène , fonctionne en effet comme in  stimulus dramatique destiné à  restituer un moment théâtral dans toute sa force et toute son intensité ». Le  spectacle dans le spectacle a alors pour effet de « créer une distance (temporelle ou/et spatiale) qui favorise la méditation ». On peut en conclure que « l’instant de la  présence dramatique, l’instant présent de la présentation, [...] a toujours tout à gagner du jeu de la re-présentation– et donc d’une mise en abyme qui lui donne tout son relief .



Dans Hamlet on peut distinguer six « souricières » ou situations piégées qui jouent un rôle dramaturgique capital.
1.     1  Entretien Hamlet-Ophélie (III,1), piège tendu à Hamlet par Claudius et Polonius. Ophélie leur sert d’instrument. Hamlet se laisse prendre mais c’est Ophélie, abandonnée par le Prince qui fera les frais de l’opération.
2.       2. Le spectacle du meurtre de Gonzague (III,2) Piège tendu à Claudius par Hamlet. Claudius se laisse prendre selon Hamlet, mais Hamlet lui-même apparaît comme dangereux à Claudius, double révélation donc.
3.       3. Entretien Hamlet Gertrude (III,4) organisé par Polonius. Cela se termine par la mort de celui-ci, pris à son propre piège.
4.       4. Lettre de Claudius (IV,3) visant à faire mourir Hamlet envoyé en Angleterre. Guet-apens découvert par Hamlet qui renverse la situation et tend à Rosencrantz et Gulidenstern un contre-piège.
5.       5. Contre lettre (V,2) substitution des lettres par Hamlet. Les deux faux amis sont morts.
6.  6.     Poison ( V,2) Une épée empoisonnée et une coupe empoisonnée mettent fin à la vie d’Hamlet mais celui-ci entraîne dans la mort l’instigateur du piège Claudius.