jeudi 29 avril 2021

Visite du théâtre de l'Odéon

Visite guidée du théâtre de l'Odéon (11minutes) 

Molière: cours du jeudi 29 avril: la structure dramaturgique des pièces suggèrent-elles un mouvement vers l'émancipation des femmes?

 

Structure dramaturgique : vers une émancipation ?

Mariage forcé ou empêché dans 3 pièces : décision paternelle imposée aux filles, engage leur corps et leur avenir, nie leurs aspirations et désirs, impossibilité de refuser ce qu’on leur impose.

Mais inversion de ce début  au cours de la pièce:

Tartuffe= récit d’une expulsion

Ecole des femmes : récit d’une fuite

Amour médecin : récit d’un enlèvement

Un mouvement vient mettre une situation de domination à mal, s’agit d’une vraie émancipation cependant ?

A.      Possessions et surfaces de projection

« Rien de plus impertinent et de plus ridicule que d’amasser du bien avec de grands travaux et élever une fille avec beaucoup de soin et de tendresse, pour se dépouiller de l’un et de l’autre entre les mains d’un homme qui ne nous touche de rien. Non, non : je me moque de cet usage et je veux garder mon bien et ma fille pour moi. I,5 Sganarelle même plan détenir une fortune et « posséder » une fille

Quantité d’expression qui traduisent la possession par le père ou le mari : métaphores culinaires d’Alain « Potage de l’homme », Arnolphe « mitonné Agnès pour lui pendant 13 ans »

Vouées par statut et par éducation à la passivité et à la consommation.

+ cire que l’on façonne : forme parfaite que le père ou le futur mari pourra lui donner : Pygmalion. «  Pour se faire une femme au gré de son souhait ».

Pères refusent l’idée que leur fille puisse éprouver du désir pour un homme : aveuglement pour Orgon, stratégie d’enfermement pour Arnolphe, recours à la médecine. «  humeurs putrides tenaces et conglutineuses qui sont contenues dans le bas ventre » Amour médecin II,5 moins un état pathologique de Lucinde que manifestations du désir que la jeune femme éprouve pour Clitandre dans la vision qu’en ont les médecins et Sganarelle pour qui toute forme de désir féminin est considéré comme une impureté.

Mise en scène Braunschweig : détruire l’idée qu’une jeune fille puisse être maintenue en état de pureté parce qu’elle serait coupée du monde. Série de projections video, donnent corps aux pulsions troubles qui agitent Agnès, personnage diamétralement opposé au fantasme d’Arnolphe d’innocence : principale innovation de ma mise en scène : «  Suzanne Aubert fait vraiment exister le personnage comme un vrai autre, avec une vraie identité face à Arnolphe. C’est là que la video apporte quelque chose puisqu’on créée trois petites séquences videos, dont deux qui sont ce que j’appelle « les bulles d’Agnès » des moments où on la voir seule et qui nous donnent un peu accès à son intimité. »

Filles d’abord caractérisée par uen sorte de passivité, docilité, paralysie traduites physiquement au début des pièces : Lucinde déplacé en charrette contraste avec l’hyperactivité de Clitandre, prise d’assaut du père, Mariane qui tient constamment le bras du frère ou de Dorine, Ecole des Femmes : maintien d’Agnès avec calme étrange et visage impassible.

Quand la volonté du père s’impose : action des filles d’autodestruction : Elmire est malade dit Dorine, Mariane annonce qu’elle compte se suicider «  De me donner la mort si on me violente » et Lucinde se réfugie dans le mutisme et la maladie, avec aussi menace de suicide dans les propos de Lisette ;

Agnès conduite à risque puisqu’elle fugue avec son amant et se réfugie chez lui : suicide social à l’époque dont Horace a conscience : il pourrait la déshonorer « Et quels fâcheux périls elle pourrait courir/ si j’étais maintenant homme à la moins chérir ;3v 1414-1415

Placer les femmes dans une situation sans issue qui les  pousse dans leur derniers retranchements et les oblige à se mettre en danger parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’opposer frontalement.

Situation de violence dans lesquelles elles apprennent l’identité de leur époux non désiré cf recommandations du mariage III,2 (Edes Fe) II, 2 Tartuffe Comment exprimer sans parler tout ce qui les agite lorsqu’elles découvrent ce à quoi elles sont vouées ? cf mise en scène des Maximes par Braunschweig travail corporel évocateur.

B.      Surveiller et punir

 

Objet possédé et jalousement gardé traduit par des scénos qui construisent l’isolement et l’enfermement.

Confinement d’Agnès : cloture du couvent, surveillance d’Alain et Georgette + le « savetier du coin de la rue » « dans la maison toujours il prétend la tenir » « rentrez » Bezace : Agnès dans la trappe, dans les dessous de la plateforme cf Natascha Kampusch. (wikipédia)

Agnès cherche à s’échapper, passe son temps sur le balcon «  intenable » «  Venez, belle, venez/ qu’on ne saurait tenir, et qui vous mutinez » v 1719

Tartuffe : c’est Elmire qu’on cherche à brider, isoler : scandale quand elle reçoit des visites, circulation des personnages entre intérieur et extérieur révélatrice : seuls les hommes vont et viennent librement : orgon rentre de voyage, Tartufe va rendre ses devoirs pieux, Valère rend visite à Mariane, Cléangte entre et sort à sa guise, les femmes sauf Mme Pernelle sont confinées ; les objets entrent par les  hommes dans la mise en scène de Braunschweig : croissants, croix, champagne ou valise d’argent de Valère .

Amour médecin : lorsque Lucinde doit être auscultée, Sganarelle refuse de s’éloigner. Scéno = espace hybride dont les frontières entre public et privé sont floues, dedans dehors, les voisins apparaissent aux fenêtres, maisons mobiles. Maison verte censée figurée celle de Sganarelle apparaît d’une trappe au début de la pièce : impression du père omniprésent lorsque le père chasse sa fille en lui balançant ses peluches, dans quel espace se trouve Lucinde et où pourrait-elle se réfugier puisque son père semble gouverner l’ensemble du plateau, a la fin de la scène s’assoit au bord du plateau comme retenue dans les  limites de cet espace dépourvu de vrai dehors.

Surveillance : Amour médecin, maisons= postes de surveillance, d’observation

Enfermement : Edes femmes : promontoire prison, Tartuffe : vaste salon blanc se transforme en cave, cachot aux issues inaccessibles.

Edes femmes Braunschweig : deux types d’oppression ( enfermement et surveillance) en inventant espace fantasmatique, cage de verre ou vivarium qui fait d’Agnès un animal de laboratoire.

 

C.      Objets désirées et sujets désirants

 

Manière dont le désir agit comme l’élan émancipateur qui fait finalement passé les femmes du statut d’objets désirées à sujets désirants. Corps qui s’éveillent au désir. Cf Ecole des femmes en rapport intertextuel avec  Ecoles des filles 1655 dialogue érotique dans lequel une jeune fille bien informée en matière de sexualité apprend à sa cousine tout ce qu’il faut savoir sur le sujet.

 

Amour médecin : Lucinde capable de ^rendre des initiatives avec Clitandre, elle le déshabille de manière résolue

Début de Tartuffe : moment muet : Mariane et Valère s’embrassent dans la chambre de Mariane, Valère regarde du porno, Elmire et Cléante devisent en buvant.

Ecole des femmes Acte II scène 5, Agnès montre l’endroit de son plaisir, quiproquo dans la robe de mariée qu’Arnolphe lui offre et qui symbolise à ses yeux une promesse de liberté et de plaisir qui se mue bientôt en menace d’asservissement. Manière dont la violence du désir chez les femmes vas se retourner en désir de violence pour les hommes : pulsion où s’affronterait l’attraction sexuelle et le désir de domination. Fait écho à la scène 4 de l’acte V lorsqu’Arnolphe après l’avoir supplié et échoue à se faire aimer la menace d’une gourmade ou de quelques coups de poings violences conjugales aujourd’hui.

 

D . L’émancipation, à quel prix ?

Dénouement fait coïncider la fin du pouvoir absolu des pères avec l’affirmation de la volonté des filles.

Edes femmes Agnès affirme sa volonté : « je veux rester ici » dernière réplique d’Arnolphe qui a tant parlé : Oh ! Onomatopée soudain frappé d’aphasie

Amour médecin : Lucinde veut le contrat tout de suite «  Je veux avoir le contrat dans mes mains »

Tartuffe : Mariane s’adresse au faux dévot pour dénoncer l’hypocrisie de sa manœuvre avec une ironie mordante bien éloignée du ton suppliant qui était le sien auparavant : «  Vous avez de ceci grande gloire à prétendre/ et cet emploi pour vous est fort honnête à prendre » v 1873-1874. Orgon ne peut que faire autre chose que d’accorder sa fille à Valère qui vient de lui porter secours.

Passage cependant d’une domination à une autre plus que libération. Du père au mari, même s’il est amoureux + souffrances et épreuves qu’elles ont dû traverser pour conquérir cette émancipation de la tutelle paternelle.

Agnès a découvert que son fiancé est un imprudent incapable qui n’ose pas affronter son père pour l’épouser et ne répond à sa supplication qu’en reconnaissant son impuissance et sa lâcheté : «  Je ne sais où j’en suis, tant ma douleur est forte » v1725 certes dénouement heureux retrouvailles avec la famille, dans la mise en scène de Bezace Agnès retrouve sa famille et Arnolphe est exclus mais quid de la petite fille qui revient dans le même costume. Dénouement différent chez Braunschweig : préfère s’enfuir par la salle, pleine de défiance et Horace doit la poursuivre, ne rejoint pas ceux qui prétendent lui venir en aide.

« je ne vois pas la fin comme quelque chose de si négatif. A l afin de la pièce, je lui fais fuir le plateau. Que va-t-elle faire en quittant le plateau ? ça on ne sait pas. Mais peut-être l’expérience qui lui a été donnée de vivre pendant ces 2 heures de représentation et pendant cette vie qu’elle a menée jusque là va lui donner des armes pour se battre dans l’existence… Ce qui est sûr, c’est qu’à un moment donné, elle a dit « non » à ce monde-là, et dire « non » c’est le début de l’émancipation. »

Dénouement pour Elmire interroge aussi : dans quel état va-t-elle retrouver son mari ? Orgon libéré ? détruit, Torse nu sous son par-dessus, visage ravagé d’inquiétude hagard paraît plutôt détruit chez Braunschweig.

Plus amoureux ? pas sûr. Avec tout ce que son mari l’a obligé à subir. Peut-on ressortir indemne du piège qu’elle a tendu à Tartuffe : cf v1369 : « Au moins je vais toucher une étrange matière »

Expérience où elle risque de laisser une partie d’elle-même.

 Cf la scène de la table chez Braunschweig Elmire finit par obéir aux ordres de Tartuffe dans un état de sidération jusqu’au moment où il l’embrasse longuement, au cours du baiser quelque chose se passe en elle qui se manifeste par le mouvement de son bras et de son buste. D’abord immobile et contrainte, elle finit par répondre activement au baiser. Trouble que fait naître la scène Elmire subit l’emprise de séduction que lui imposent tartuffe et Orgon, mais semble débordée par son désir. Travail sur la lumière verdâtre dominé par des bruits d’écoulements = entrer dans les égouts de la conscience. Cf Metoo aujourdhui réaction par rapport à cette sorte d’abandon d’Elmire : violence sexuelle s’achevant par le plaiir et le consentement de la victime mais le traitement de la scène renvoie aussi à l’esthétique du cinéma de David Lynch (sur le site de la Cinémathèque ): expression du fantasme d’Arnolphe qui se glisse lui-même dans les ébats. Donc scène très ambivalentes.

Seuls rapports harmonieux entre hommes et femmes au final = rapport frère/sœur : Cléante pour Elimire et Damis pour Mariane. Pas entreprise de domination. mais véritable complicité.

lundi 26 avril 2021

Captation d'une Ecole des Femmes mise en scène par une femme: Catherine Anne

 Pour celles qui souhaiteraient parler de la place des femmes au théâtre, il pourrait être intéressant de prendre connaissance de la vision de l'Ecole des femmes par une metteuse en scène:

 

"Agnès hier et aujourd'hui, diptyque"

Ecole des Femmes , mise en scène Catherine Anne ( captation intégrale)

Deux pièces montées dans la même scénographie, avec une seule troupe de comédiennes : une distribution exclusivement féminine pour travailler la question homme/femme dans le rapport aux corps, aux jeux du pouvoir et de la séduction. Il s’agit d’impliquer une troupe de comédiennes dans l’interprétation de ces pièces portant sur des sujets douloureux (le viol, l’inceste, l’adultère, le « cocuage »), afin de proposer un regard et une distance, une théâtralité, en s’éloignant du naturalisme.

Agnès (1994), aborde franchement la question du viol incestueux et la nécessité pour Agnès de reconstruire sa vie par la parole pour se libérer de l’emprise.

Agnès

 Elle s'appelle Agnès. C'est une jeune fille séquestrée par un homme plus âgé, Arnolphe, qui a l'intention de l'épouser prochainement et décide de l'enfermer à l'écart de toute fréquentation masculine, par peur du cocuage. Précaution vouée à l'échec, car Agnès connaîtra un amoureux avant même d'être son épouse : la pièce est une comédie, un des joyaux du répertoire de Molière. Elle s'appelle Agnès. C'est une femme adulte de notre temps, mais qui reste enchaînée à la petite fille de douze ans qu'elle fut, abusée par son père. Elle vit dans le passé autant que dans son présent d'avocate, captive de la mémoire de cette violence infligée à une enfant. La pièce n'est pas vraiment une comédie, mais elle ouvre sur une délivrance possible, une vie à reconstruire en prenant le courage de parler.
Ecrite en 1995, Agnès est une des oeuvres majeures de Catherine Anne, qui la remonte aujourd'hui en diptyque avec L'Ecole des Femmes, faisant dialoguer avec la même distribution ces deux pièces sur un thème éternellement actuel : celui du rôle assigné aux femmes et aux jeunes filles, celui de l'abus de pouvoir dans les rapports entre sexes. Et c'est un pari un peu fou, une proposition stimulante et jubilatoire que lance Catherine Anne : une distribution entièrement féminine, neuf actrices jouant les rôles d'hommes et de femmes, afin d'aborder ces graves questions avec la force, la légèreté, la fantaisie, la théâtralité que permet ce jeu sur l'identité.

L’École des femmes (1662), éclaire tout autrement la question de désir incestueux et des souffrances qu’il peut générer. Écrites l’une « au nom de la fille », et l’autre « au nom du père », elles peuvent se répondre, ouvrir un chemin de compréhension ; permettre aux spectateurs un voyage et une réflexion. Dans ces deux textes, il est question d’amour, de désir, d’affection, de passion, de pouvoir et de face à face masculin/féminin.

Note d'intention de Catherine Anne 

 

La scénographie

L'option de la mise en scène étant de jouer les deux pièces dans le même espace, le dispositif scénique propose de travailler sur un espace concret dont le traitement plastique sera suffisamment abstrait pour contenir deux pièces se situant dans un contexte et une temporalité différente.
Le dispositif évoque à la fois l'enfermement et l'isolement avec une maison cube posée sur l'espace vide du plateau.
Ce cube est le petit théâtre du quotidien qui permet des apparitions et disparitions par l'ouverture de grands volets et le traitement de certaines parois avec des tulles tendus.
La maison cube permet aussi une variation de point de vue, que ce soit le surplomb par son toit terrasse praticable, ou encore par un glissement de l'espace intérieur vers l'espace extérieur, la rue.
L'escalier d'accès tout comme une porte à tambour placée dans un angle, crée du jeu et du sens. Par exemple la pente de l'escalier peut devenir une prairie pentue, ou encore la porte à tambour propose un mouvement tel, que lorsqu'une porte s'ouvre, simultanément une autre se ferme. Porte du secret qui évoque le caractère "enchaîné" des situations.

Sigolène de Chassy 

 

Les costumes

Pour les costumes, le travail de conception se fait sur plusieurs axes : la notion de diptyque et le masculin/féminin.
Tout d’abord il s’agit de traiter les deux pièces, en respectant l’époque et son costume, tout en faisant apparaître les liens qui existent entre elles.

Pour Agnès, le traitement du costume se ferait de manière naturaliste, en ayant à l’esprit que l’histoire racontée est le souvenir qu’Agnès adulte en a. Il s’agirait de faire sentir les années 70 à travers la coupe des vêtement, la matière ou encore la gamme colorée, sur lesquels on aurait passé un filtre, celui du souvenir. L’enjeu serait dans le traitement d’une époque, d’un milieu social, d’un cocon familial et des personnes qui y vivent. Quelle image cherchent-ils à donner de leur famille à l’extérieur, comment sont-ils dans leur intérieur ?

En ce qui concerne L’Ecole des femmes, l’idée serait de suivre la silhouette 17ème de manière formelle, de s’amuser avec cette silhouette, tout en s’éloignant d’une reproduction classique, par exemple à travers l’utilisation d’un tissu plus moderne. L’utilisation d’un tissu à motif contemporain sur une silhouette purement 17ème permettrait de créer un décalage d’époque ainsi qu’un lien entre les deux pièces.

Le traitement du masculin/féminin est aussi un axe important. Les comédiennes vont jouer des hommes et ainsi se travestir. Il s’agit de traiter ce travestissement et l’appliquer de manière concrète sans tomber dans les clichés de la représentation des sexes.
Le costume aiderait à révéler le masculin qui habite chaque femme, à moduler les apparences, en partant de chaque comédienne, et trouver l’homme qui sommeille en elle.

Floriane Gaudin 

Article sur Théâtre du blog 

Mise en scène de Tartuffe par jacques Lassalle( Padmé, Marie-Morgane)

 

Mise en scène de Tartuffe par Jacques Lassalle


Jacques Lassalle était un dramaturge, écrivain, acteur et metteur en scène décédé en 2018. Il a exercé ses activités durant 51 ans, avec comme principales occupations la direction d’un théâtre, la mise en scène et le jeu de comédien. Il a suivi de prestigieuses études à la Sorbonne qui lui ont permis d’intégrer par la suite l’agrégation de lettres modernes. Il a commencé sa carrière dans le monde du théâtre en fondant le Studio-Théâtre de Vitry en 1967, pour lequel il a écrit plusieurs pièces comme Un couple pour l’hiver en 1974 et Le Soleil entre les arbres en 1975. Par la suite il devient le directeur du Théâtre National de Strasbourg durant 7 ans. Quelques années plus tard, en 2002, il décide de revenir à la mise en scène après un échec au festival d’Avignon de 1994 avec la pièce Andromaque qui n’a pas bien été accueilli. Le théâtre qu’il a crée a mis en scène pas moins de 126 pièces de 1967 à 2014. Grâce à son travail acharné, il obtient plusieurs distinctions et récompenses comme le Grand Prix national du théâtre en 1998. Il est également officier de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite et commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres.

En ce qui concerne sa mise en scène du Tartuffe, Bernard Dort nous mettait en garde dans le programme du TNS en nous disant que ce ne serait pas une « prouesse de metteur en scène », mais davantage un spectacle qui s’interroge sur les relations entre les personnages et la compréhension de ceux-ci. Lassalle a tenu à raconter autant l’histoire de Tartuffe et d’Orgon que celle d’une famille « en crise ». Le décor de Yannis Kokkos permet d’accentuer cette ambiance conflictuelle. En effet, les pièces sont grandes, vides, et l’espace froid. Les murs sont blancs et le sol noir. La lumière ne dévoile aucune chaleur. On peut imaginer que le spectacle sera sérieux, voire dramatique. La maison est présentée comme personnage central de la pièce qui est le reflet de la vie que mène ses habitants. Cette idée a également été utilisée par Stéphane Braunschweig où la maison s’enfonce dans le sol au fur et à mesure que la vie des personnages se dégrade. Pour en revenir à la mise en scène de Lassalle, il a été convenu que la maison devait suggérer une joie d’antan qui a laissé sa place à une atmosphère « pesante et obsédante » causée en partie par Tartuffe.

La vision de Lassalle sur le personnage de Tartuffe est par ailleurs singulière. Il ne rempli pas les critères originels qui le veut « gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille ». Il a également du relief qui rend son personnage plus complexe et difficile à condamner. Il n’est pas seulement un faux dévot hypocrite. Son caractère est par conséquent plus complexe à cerner, plus fin. Ce choix permet la réflexion et la remise en question du spectateur qui est également berné par cette nouvelle représentation de Tartuffe plus « séducteur et voyou ». Mais son personnage a aussi une autre fonction. Il ne vient pas semer la pagaille dans une famille où tout allait bien, il vient révéler des vices déjà présents initialement. Tartuffe se serait alors emparé d’un rôle inventé par Orgon, celui de rédempteur. La mise en scène laisse en effet deviner qu’Orgon est victime d’un « double échec ». Échec social d’un homme qui prétend à de puissantes fonctions d’une bourgeoisie montante, et échec familial d’un père autoritaire qui ne saurait se faire défier que par son fils et sa servante, mais inconfortable dans son remariage. Orgon a besoin d’accomplir sa vie par procuration. C’est ainsi que Tartuffe s’est vu attribué ce rôle de « saint », auquel il a finalement su s’attacher. Cette relation entre Orgon et Tartuffe est néanmoins toxique et contribue à rendre une ambiance mortifère à la mise en scène. Mais le reste de la famille ne souffre pas moins. Damis, le fils d’Orgon, souffre de l’invisibilité et du mépris que lui porte son père qui accorde plus d’importance à un étranger. Mariane, sa sœur, se trouve quant-à-elle dans l’incapacité de se libérer d’une emprise paternelle trop importante. Elmire se retrouve elle dans un mariage qui ne semble pas la satisfaire, et se fait par la même occasion, séduire par Tartuffe qui lui accorde l’attention qu’elle souhaiterait. Madame Pernelle, mère possessive et désespérée par les agissements de sa belle-fille ainsi que ceux de ses petits enfants, n’arrive simplement pas à suivre le monde et son évolution. Les seuls personnages qui semblent ne pas céder à la déraison sont Cléante et Dorine. Ils se trouveront pourtant impuissant face à la situation qui frappe cette famille. La place de la femme dans Tartuffe est également importante pour Lassalle, notamment avec Dorine. Elle se place tout de suite comme l’égale de l’homme, voire comme protectrice de la famille. Il y a un vrai jeu de pouvoir qui s’opère entre elle et Tartuffe. Cette mise en scène montre vraiment les souffrances de chaque personnage et rend la pièce plus similaire à une tragédie qu’à une comédie où tout finit bien quand Tartuffe est condamné. Le problème est plus profond que cela, et l’humanité possède des émotions plus complexes. Le traitement des personnages de Jacques Lassalle est très singulier comme nous l’avons vu précédemment. Mais il l’est particulièrement car il accorde autant d’importance à ce qui est initialement qualifié de « second rôle » qu’aux personnages principaux. Chaque personnage a une histoire à nous raconter, des émotions à vivre, et nécessite d’être traité autant qu’un autre pour avoir une vrai sincérité et la même qualité d’écoute. Le metteur en scène prend les personnages tels qu’ils sont, et non par rapport aux rôles qu’ils devraient représenter.

Pour ce qui concerne le jeu d’acteur, Lassalle privilégie une réelle sincérité qui rendra le jeu naturel. Il n’y a pas d’artifices, de mouvements et gestes exécutés pour « combler ». Il n’y a que la sincérité des corps et des émotions des personnages qui frappent le spectateur. Son théâtre est par ailleurs chuchoté, avec des voix blanches, et un ton parfois monocorde. Cela est vecteur d’émotions. Le spectateur est alors captivé, emmené par les comédiens dans l’histoire. La place laissée au silence est également très importante car il est tout autant important d’écouter ce qui se dit que ce qui ne se dit pas. Comme si les mots n’étaient pas suffisants pour exprimer les émotions et désirs des personnages. Le corps détient donc une place essentielle pour faire comprendre ce qui ne se dit pas. C’est ainsi que beaucoup des enjeux de la pièce nous parviennent : ceux de la faute, du péché, ou encore de l’interdit.

Pour ce qui est de la distribution, elle a été qualifiée de disparate. Il y avait :

Dorine : Yveline Aillaud

Damis : André Wilms

Cléante : Bernard Freyd

Valère : Jean-Marc Roulot

Mariane : Hélène Lapiower

Madame Pernelle : Paule Annen

Orgon : François Périer

Tartuffe : Gérard Depardieu

Jacques Lassalle a subi de nombreuses critiques sur sa mise en scène du Tartuffe, notamment sur le choix des personnages d’Orgon et de Tartuffe lui-même. Après les premières représentations en 1984, on lui reprocha également d’avoir changé l’histoire originale et d’avoir modifié la comédie en tragédie. Il a donc été accusé de ne pas avoir suivi le modèle que nous étudions à l’école, d’être « sorti » des codes en un sens. Les critiques de l’époque auraient donc souhaité une pièce classique, qui n’explore pas des émotions profondes et sincères chez les personnages, et qui finit bien comme si Tartuffe était l’unique source de malheur. Aujourd’hui, cette mise en scène est pourtant considérée comme une référence.

Cette mise en scène a marqué l’histoire du théâtre car elle explorait un classique de Molière d’une manière très singulière et jamais vu auparavant. Avec cette pièce nous avons une tout autre facette de Tartuffe qui s’offre à nous, une facette plus sincère voire « crédible », puisque les personnages sont traversés par des émotions plus nuancées dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître. L’atmosphère et le décor du spectacle sont également très étonnants pour une pièce comme celle-ci. Voir cette proposition du Tartuffe est très enrichissante pour découvrir un tout autre aspect de l’histoire et des personnages.

La création du Tartuffe par Jacques Lassalle dans un JT de l'époque. Depardieu y explique aussi la différence entre jouer au cinéma et au théâtre.

Jacques Lassalle invité sur France Culture pour parler de Tartuffe 



Mise en scène du Tartuffe par Antoine Vitez ( Eugénie et Aliyah)

 

Mise en scène du Tartuffe par Antoine Vitez ( Travail d’Aliyah et Eugénie)

Antoine Vitez monte le Tartuffe de Molière en 1978, mais décide de ne pas ajouter une nouvelle mise en scène banale et habituelle de la pièce à une liste déjà longue. En réalité, il conçoit dès 1973 un tout autre projet original qui consiste à créer une tétralogie. Tartuffe occupe alors une place très importante, mais fait partie d’une conception d’ensemble en partageant des caractéristiques communes avec les trois autres pièces que sont L’Ecole des femmes, Don Juan et Le Misanthrope.

Vitez précise que cette idée, de monter quatre comédies de Molières, lui était venue à l’esprit depuis bien longtemps déjà avant qu’il ne la réalise vraiment. Il dit qu’il n’avait pas envie d’en choisir une seulement et de la monter, qu’il n’avait pas envie d’en jouer une plutôt qu’une autre. Pour lui, une œuvre de théâtre ne doit pas être éternelle ou définitive, ce n’est pas une « cathédrale de signes ». C’est en honorant ses paroles qu’il monte ce projet, qu’il qualifie plutôt de « machine unique ». Ainsi, son idée était de jouer quatre pièces avec un seul et même groupe de comédiens, un seul décor et une seule gamme de costume également. C’est pour lui une manière de renouer avec l’histoire originale du théâtre, c’est-à-dire lorsqu’il ne s’agissait pas de faire une œuvre nouvelle à chaque pièce nouvelle mais de produire un répertoire de styles avec donc de la comédie, de la farce, de la tragédie ou du drame. Parmi les douze comédiens, presque tous étaient d’anciens élèves du conservatoire, tout comme Antoine Vitez, autrement dit aussi des gens « interchangeables », indépendamment de l’âge du rôle et de toute considération d’emploi. Les seules exceptions étaient les comédiens Gilbert Vilhon et Murray Grönwall. Par ailleurs, Antoine jouait lui-même dans sa tétralogie.

La création de cette tétralogie a donc lieu en 1978 au festival d’Avignon, un divertissement dit-on accueillie favorablement par la critique, mais c’est en réalité la longue tournée de la reprise en octobre 1978 à l’Athénée puis à l’automne 1979 au Théâtre de la porte-Saint-Martin, qui a fait le succès publique.

Dans cette tétralogie, Antoine Vitez a choisi des perruques lourdes et abondantes de l’époque de Molière dans le but de résoudre des problèmes comme : « comment faisait-on pour vivre, la tête ainsi encombrée, comment faisait-on l’amour ? ». D’un autre côté, ce qu’il désirait c’était de reconstituer un langage que l’on dit « perdu ». Il cherchait à tout prix à éviter ce qu’il qualifie de : « l’invraisemblable banalité de la diction traditionnelle » en faisant pleinement entendre l’alexandrin des quatre pièces.

Lorsqu’Antoine Vitez parle du décor choisi, il dit : « je suis parti du décor du théâtre du conservatoire » où il a beaucoup travaillé, c’est-à-dire une boîte avec des murs de style pompéien. La toile du fond faisait d’ailleurs penser qu’elle était empruntée à la villa des Mystères à Pompéi, se rapportant ainsi aux « fractures du temps » dans la mise en scène des classiques.

 

Tartuffe, en partageant ses caractéristiques, se différencie du reste de la tétralogie, par des influences extérieures du projet de départ. Antoine Vitez travaillait déjà sur les quatre pièces lorsqu’il a été invité par le directeur du Théâtre de la Satire à Moscou, à mettre en scène une des quatre pièces. Antoine Vitez a donc choisi Tartuffe, qui a donc été montée au printemps 1977. Il décide de la jouer « légèrement archaïque ». Il remit en scène Tartuffe plus tard en France et décida de la faire « copiée de la russe », c’est-à-dire les mêmes acteurs, dont la Dorine russe (Nina Kornienko), car il y avait une grande profondeur insoupçonnée du rôle. Antoine Vitez a même trouvé une parenté fondamentale entre le film « Théorème » de Pasolini » et Tartuffe, qui est la morale ambigüe. A la fin du Théorème de Pasolini, le jeune garçon se demande en quoi il a apporté quelque chose au monde. De même, dans Tartuffe, un trouble irréparable est présent à la fin de la pièce. Antoine Vitez s’est donc inspiré du Théorème de Pasolini pour  monter Tartuffe, surtout sur la question de la religion. Pour les Pasoliniens, le Christ est celui qu’on n’a pas invité, qui passe, qui transforme le destin de chacun et laisse derrière lui un champ de ruine. Antoine va donc interpréter cela, et va assimiler le Christ à un imposteur. Antoine va dire : « Tartuffe est une pièce contre la vraie religion et non contre la fausse ». L’imposture est l’idée du salut.

L’alacrité des corps est essentielle pour mettre en scène une pièce. Pour Tartuffe, le jeu est très physique et extériorisé. Par exemple : Tartuffe, éclatant de sa jeunesse et de sa beauté, devait vite se libérer de sa perruque, rectifiait son maquillage à l’approche d’Elmire (III,2). Dans sa séduction, il anticipait les répliques par l’audace de sa gestuelle (III,3) jusqu’à la prise de possession simulée (IV,5). Ce jeu de scène était représentatif du traitement du corps féminin. Et comme disait Antoine Vitez : « Il fallait s’enfoncer tête baissée dans la misogynie. ». Seule Dorine y échappait, elle organisait, pour les membres de la famille regroupés autour d’elle, un petit théâtre, sur une chaise, pour le discours final. C’est Nada Strancar qui interprétait ce rôle, ces incessantes ruptures de ton au principe même de la tétralogie. Antoine Vitez disait : « Je vois une Dorine qui pleure, une Dorine qui a les larmes aux yeux, une Dorine qui enrage ». Par ailleurs, Dorine a un esprit gai, et sa gaité reprenait toujours le dessus.  

Extrait d'un entretien de Vitez avec l'un de ses acteurs Richard Fontana, extraits des pièces aussi

 Sur la référence au film Théorème de Pasolini: 

Théorème (Teorema, 1968) est l’adaptation cinématographique par Pasolini de son propre roman, publié la même année. Un jeune homme angélique visite chaque membre d’une famille bourgeoise milanaise, puis disparaît, les laissant désemparés et enfin conscients de la vacuité de leur existence. Cette visitation sexuelle et amicale les poussera à remettre en question leur mode de vie, sans enrayer un sentiment d’échec et désespoir. La jeune fille amoureuse de son père sombrera dans un état catatonique ; le fils deviendra un artiste moderne raté ; la mère cherchera le salut en s’offrant à des inconnus ; le père donnera son usine à ses ouvriers et, dans le plus total dépouillement – il se déshabille dans une gare – errera nu dans le désert. Seule la bonne de la maison trouvera le salut dans la sainteté. Retournée dans l’exploitation agricole de son enfance, elle accomplira des miracles. C’est le seul personnage qui est touché par la grâce de cette visitation car elle appartient au peuple qui n’a pas perdu le lien avec le sacré et la foi chrétienne. Les membres de la famille, sans aucune conviction religieuse ou idéologique, ne peuvent que s’autodétruire. Point de salut pour la bourgeoisie. Communiste et militant sans appartenir à aucun parti, habité par les figures de Marx, Freud et Jésus, Pasolini avait développé sa propre pensée, en marge des courants gauchistes de l’époque, convaincu que le Christianisme était une force de résistance contre le capitalisme en Italie. Comme son titre l’indique, Théorème propose une démonstration quasi mathématique sur les mécanismes de la foi et la doctrine du poète cinéaste. Elle sera reçue de diverses manières puisque le film obtiendra un fort retentissement critique lors de sa présentation à la Mostra de Venise, le Prix de l’Office Catholique du Cinéma, mais aussi une condamnation du Vatican et un procès pour obscénité.

Les femmes chez Molière: notes de cours (d'après le livret canopé) Lundi 26 avril

 

Plutôt qu’opposer les personnages féminins aux personnages masculines, ou voir en quoi elles font l’objet d’un traitement spécifique : entrer dans les comédies à partir de femmes en interrogeant la dramaturgie complexe des personnages féminins.

Dans quelle situation concrète elles se trouvent : ce qui les limite, les isole, les enferme, quelles stratégies elles déploient pour briser l’enfermement, quels lien elles nouent, de quel sens du collectif elles font preuve

Comment elles sont empêchées d’agir et comment elles agissent malgré tout.

Quel trajet elles accomplissent, de quelle manière elles se construisent ;

Quels discours sont tenus sur elles, surfaces de projection pour les hommes, fantasmes d’innocence ou de perversion

Quelles aspirations les traversent, quels désirs les agitent

Interroger les formes de violence qui s’exercent sur elles et la manière dont elles les déjouent

Esprit de sérieux auquel elles sont confrontées et la manière dont elless introduisent le jeu et l’humour.

Plan

1.Place des femmes dans le système des personnages ? ( Où sont les mères ?)

 

1.       Place des femmes dans le système des personnages ? ( Où sont les mères ?)

A .femmes au pluriel

Deux dans l’Ecole des Femmes : Agnès et Georgette

Quatre dans l’Amour Médecin : Lucinde, Lisette, Aminte et Lucrèce)

5 dans Tartuffe : Mariane, Elmire, Mme Pernelle, dorine et Flipote) = 11 femmes en tout. Bcq et peu, en minorité par rapport aux hommes 24

-Plurielles par leur âge : de la très jeune fille Agnès 17 ans qui a été recueillie à 4 ans et élevée par Arnolphe pendant 13 ans ( V 130 et V1031) à la femme âgée, en passant par tous les âges intermédiaires : enjeux dramaturgiques majeurs : quel âge à Dorine, Elmire ? Lisette,

Héros classique plutôt jeune. Cf Scherer

Agnès 17 ans, Arnolphe 42 ans , l’âge de Molière au moment de l’écriture. Paraît vieux à l’époque, pas à la nôtre.

-Plurielles par leur statut : filles, épouses, suivantes, grand-mère définie par leur rapport avec un homme

Cf Vitez : «  les femmes ne sont pas peintes en elles-mêmes ni pour elles mêmes, mais pour lui, l’homme, le mari, l’amant, le père pour son regard et son usage à lui. »

Parfois multiples car plusieurs statuts : Elmire est à la fois épouse, belle mère et bru, tandiqye Mariane est petite fille, fille, amante et sœur.

B. Une absence, les mères

Mais une belle mère, une femme plus jeune, épousée en secondes noces qui n’a pas d’enfant et sur laquelle pèse soupçon d’infidélité cf Elmire à qui Mme Pernelle reproche sa frivolité et son désir de plaire à d’autres hommes.

Fille livrée au pouvoir du père schéma de la comédie italienne, relation au cœur des deux pièces, Tartuffe un peu à part puisque belle-mère et qui s’intéresse à sa belle fille Mariane qu’elle cherche à défendre comme une mère ; pas marâtre de comédie italienne. Dramaturgiquement  pourquoi  le choix de ne pas être la mère des enfants d’Orgon : +ou- de pouvoir qu’une vraie mère ? question d’âge : pas de personnage féminin âgé qui pourrait avoir des fils de 40ans ? Impensable de faire d’une mère l’objet de la convoitise de Tartuffe ?

Jeune fille du corpus orpheline de mère. Cf Sganarelle urne en main » Je n’avais qu’une seule femme qui est morte »

Eloge de la mère de Mariane et Damis par Mme Pernellee au début du Tartuffe : « Et leur défunte mère en usait beaucoup mieux. » éloge de la première épouse pour lancer des piques à la bru.

Ec. Des femmes : on apprend à la toute fin que la mère d’Agnès qui était aussi la femme d’Enrique) est morte, paysanne qui l’a élevée = nourrice.

Seule mère : Mme Pernelle , plutôt grand-mère : femme vieille, confite dans la dévotion, autoritaire et peu intégrée au circuit des désirs malgré sa passion pour Tartuffe : attraction peut-être pas seulement spirituelle. Jugement moral, double d’Orgon, meilleure alliée : pouvoir redouté des autres personnages y compris de son propre fils.

Est-ce son statut de mère qui lui confère son autorité, ou son statut de veuve ?

Cf Scherer : « une seule situation de famille permet à l’auteur dramatique de montrer une héroïne indépendante : c’est le veuvage, mais on s’en sert peu, car les obstacles sont nécessaires au théâtre(…) Monstre d’indépendance, Célimène « jeune veuve » dans le Misanthrope.

Seul horizon de liberté pour les veuves, réalité historique.

Dans les comédies de Molière, les mères décèdent et les hommes sont veufs ! Sganarelle et Orgon

Arnolphe qui ne s’est pas marié par peur d’être cocu , a déciéd de se faire un enfant tout seul lorsqu’il a décidé d’acheter Agnès à l’a^ge de 4 ans.

Dans quel état est Elmire ? Ne va pas trop bien au début de la pièce d’après Dorine : migraine, nausées, insomnies qui ne semble pas préoccupé son époux exclusivement soucieux de Tartuffe.Epouse délaissée, frustrée, déprimée ? Enceinte ?

C. Des Filles face à leur père

Entièrement livrées à eux qu’ils soient adoptifs ou biologiques. Principal élément de convergence des 3 comédies. ( similarité et singularité à étudier)

Conflit-père fille héritage de la comédie italienne, transposé par Molière en une question galante, celle de la place de l’amour dans les mariages ;: «  bourgeois hostile à la galanterie et une jeune fille qui incarne par contraste, et sans le ridicule des précieuses, les valeurs galantes mise au service de la fidélité amoureuse. « Forestier P 143

Source dans le désir incestueux des pères cf Sganarelle : ce n’est pas mon dessein, comme on sait, de marier ma fille avec qui que ce soit, et j’ai mes raisons pour cela » cf colère à coup de peluches, vision très enfantine que le père a de son fille, refus de la voir grandir et ne veut pas entendre parler de projet de mariage . Impensable de donner sa fille à un autre homme ( à un homme qui ne nous touche de rien) et encore moins quand on est veuf «  ce n’est pas la récompense de t’(avoir élevée comme j’ai fait » ( I, 5 et I,3)

Motif incestueux également quand Arnolphe apprend à Chrysalde qu’il veut épouser sa fille adoptive dont il est tombé amoureux quand elle avait 4 ans «  Un air doux et posé, parmi d’autres enfants/ m’inspira de l’amour pour elle dès quatre ans. » arrière fond scabreux de la passion d’Arnolphe pou Agnès, attirance pédophile. Cf mises en scène Lassalle, Roussillon, pas celle de Bezace, mais très visible chez Braunschweig dans le jeu de Suzanne Aubert et dans la scéno.

Pas aussi fort  dans Tartuffe ; Orgon n’a pas de vues sur sa fille, mais décide de la marier àTtartuffe qui est une sorte d’autre lui-même.

Attraction pédophile, inceste : poser la question du point de vue des hommes, du côté des filles : manière dont 2 désirs s’opposent, biaisé par la domination des pères et par la difficulté pour les filles d'exprimer leur désir. Injonctions contradictoires auxquelles elles sont confrontées, maintenues en enfance jusqu’où jour où leur octroie un époux. Tantôt rester des enfants (Lucinde), tantôt être à la fois femme et enfant, mortifier leurs désirs même dans la perspective du mariage.

Les pères refusent que leur fille devienne une femme pour conserver  une pleine maîtrise de leur existence ; cf fantasme de pureté pour Lucinde avec jeu de mots grivois II, 2

Interroger la part d’enfance, d’adolescence et de femmes adultes des personnages féminins cf Agnès qui a maintenu ne enfance de manière artificielle et contre nature cf ne sait rien « si les enfants que l’on fait se font par l’oreille » éducation imposée par son tuteur qui fait d’elle cet être étrange, physiquement femme et intellectuellement enfant, ce dont Arnolphe est fier devant Chrysalede : singularité d’Agnès ;

En dépit de l’ignorance dans laquelle elle est maintenue , elle est travaillée par le désir sexuel qui s’éveille en elle cf les puces. Arnolphe tire un plaisir trouble à la fois de l’ignorance des choses du sexe dans laquelle se trouve Agnès et de la manière dont elle aspire confusément à en pénétrer le mystère cf vous me ferez plaisir. Scène 3 de l’acte 1. De quoi rit le spectateur ? position de surplomb par rapport à Agnès, position d’Arnolphe. Tradition farcesque dans laquelle la découverte de la sexualité par les jeunes filles est source de plaisanteries grivoises. Spectateur complice de ce qui l’excite ! regard que l’on entend poser sur l’innocence d’Agnès : forme de complicité grivoise avec le spectateur ou conscience de la profanation de l’enfance !

Je rajoute la fin de la première partie que vous pourrez lire. N'hésitez pas à poser des questions s'il ya lieu.

 

D. Les servantes : substituts maternels

 Fonctions:Protéger les filles, imaginer des stratégies, porter leurs voix

Georgette : servante d’Arnolphe : paysanne limitée et simple, plus encore qu’Alain qui lui fait la leçon, d’aucune aide pour Agnès ; solitude radicale d’Agnès qui doit agir seule pour trouver des ressources de son émancipation.

Lisette en revanche adjuvant de Lucinde, mais ne s’oppose pas frontalement comme Dorine, recourt à des ruses pour ne pas se moquer ouvertement de son maître sauf à la fin «  Monsieur la bécasse est bridée, et vous avez cru faire un jeu, qui demeure une vérité. »

Dorine « fille suivante un peu trop forte en gueule et fort impertinente » qui « se m^le sur tout de dire son avis ( Mme Pernelle » s’oppose frontalement et avec un plaisir manifeste à Orgon.

Choix de distribution riches d’enjeux : Georgette et Dorine étaient tenues par Madeleine Béjart.

Comédienne à vois : Céline Brune ( Lisette) et Annie mercier ( Dorine) dont le timbre grave de fumeuses imposent d’emblée l’autorité.

Dorine : caractère très cru de ses interventions dépourvues de tabou en matière de sexualité : désir des femmes, risque d’adultère, mais aussi responsabilité des hommes dans l’infidélité des femmes II,2 importance du corps et du désir dans le mariage alors qu’Orgon parle de « vrais enfants, comme deux tourterelle »s pour la relation de sa fille ave Tartuffe. V 534 comme en dehors de toute sexualité.

Résistance des filles et des servantes inversement proportionnelles : servantes ont du coffre et qu’elles sont redoutées, elles dispensent en partie les  filles de se battre elles –mêmes, différent pour Agnès qui n’a pas le soutien de Georgette.

Pourquoi les servantes résistent-elles d’ailleurs mieux que les  filles, pourquoi elles s’autorisent davantage d’audace, pourtant risque d’être battues ou renvoyées II, 2 fin de l’altercation Dorine/Orgon

Pb de l’éducation des filles cf Mariane, éducation à se soumettre au père, énoncer des phrases que le père désire entendre. Cf « Voyez bien comme vous répondrez »

Dorine: pas été élevée comme une fille de la bourgeoisie, tradition de la farce, elle a conservé intacte sa capacité à se rebeller. Dominée socialement mais moins soumise sur la question du mariage que ne l’est Mariane

Jouer collectif

Duo que forment filles et servantes pour résister au père

Tartuffe même plus que duo, petite équipe autour de Mariane pour contrer le projet d’Orgon. : manière dont les femmes en viennent à créer un jeu d’alliances avec d’autres femmes et parfois avec des hommes pour mener un combat. Pourquoi Elmire et Dorine prennent autant de risque pour sauver Mariane? Cf Lambert :  Expression de l’émancipation féminine telle qu’elle commence à se développer à l’époque ; Elmire : liberté de régler ses problèmes sans en parler à son mari, Dorine, liberté de ton à l’égard des maîtres. Stratagèmes des femmes pour  se libérer.

Différent pour Agnès : combat solitaire, unique allié= Horace si maladroit qu’il détruit par ses confidences  hasardeuses ce qu’elle construit avec ingéniosité de son côté.

Coup de force de la mise en scène de Bezace : renverser cette situation de solitude. C’est Arnolphe qui est isolé campé dans sa folie, qui se rend inaccessible au monde. Agnès quand elle sort de sa trappe pour monter sur le plateau fait signe à tous les partenaires qui la regardent pour la soutenir du haut des fenêtres du palais des papes, Arnolphe solitaire car il prétend se placer au-dessus des autres hommes, public compris tandis que Agnès aspire totalement à faire partie de la société ; éclaire un peu la mise en scène très sombre de la pièce.