lundi 30 janvier 2023

Personnage de Rodrigue : proposition d'Elise Villemin avec un petit complément)

 

Construction personnage : Rodrigue

 
Rodrigue de son nom complet Don Rodrigue de Manacor, son prénom vient du mot grec « rodone »qui veut dire rose. ( Etymologie signalée par Vitez dans son Journal) La rose symbolise l’amour, elle a des épines qui blessent, ce qui rappelle son amour impossible pour Prouhèze et fondé sur la souffrance.(Ce nom inscrit aussi le souvenir de Rosalie Vetch à même le nom du protagoniste) 

Rodrigue est un conquistador espagnol  qui devient envoyé du roi en Amérique et vice-roi des Indes.

Il a un frère qui est le père jésuite du début de la pièce. ( Ce qu’il dit de lui  est important et donne des clés pour le comprendre alors qu'il n'apparaîtra qu'à la scène 7 de la première journée: il a renoncé au noviciat à cause d'une femme qui le mènera à Dieu par d'autres voies. Cf exergue Dieu écrit avec des lignes courbes et etiam peccata( même le péché)

Le Jésuite sur Rodrigue :

Mon Dieu, je Vous prie pour mon frère Rodrigue !
Mon Dieu, je Vous supplie pour mon fils Rodrigue !
Je n’ai pas d’autre enfant, ô mon Dieu, et lui sait bien
qu’il n’aura pas d’autre frère.
Vous le voyez qui d’abord s’était engagé sur mes pas
sous l’étendard qui porte Votre monogramme, et maintenant
sans doute parce qu’il a quitté Votre noviciat il se figure qu’il
Vous tourne le dos,
Son affaire à ce qu’il imagine n’étant pas d’attendre,
mais de conquérir et de posséder
Ce qu’il peut, comme s’il y avait rien qui ne Vous appar-
tînt et comme s’il pouvait être ailleurs que là où Vous êtes.
Mais, Seigneur, il n’est pas si facile de Vous échapper, et
s’il ne va pas à Vous par ce qu’il a de clair, qu’il y aille par ce
qu’il a d’obscur ; et par ce qu’il a de direct, qu’il y aille par ce
qu’il a d’indirect ; et par ce qu’il a de simple,
Qu’il y aille par ce qu’il a en lui de nombreux, et de labo-
rieux et d’entremêlé,
Et s’il désire le mal, que ce soit un tel mal qu’il ne soit
compatible qu’avec le bien,
Et s’il désire le désordre, un tel désordre qu’il implique
l’ébranlement et la fissure de ces murailles autour de lui qui
lui barraient le salut,


Je dis à lui et à cette multitude avec lui qu’il implique
obscurément.

Apprenez-lui que Vous n’êtes pas le seul à pouvoir être
absent ! Liez-le par le poids de cet autre être sans lui si beau
qui l’appelle à travers l’intervalle !
Faites de lui un homme blessé parce qu’une fois en cette
vie il a vu la figure d’un ange !
Remplissez ces amants d’un tel désir qu’il implique à
l’exclusion de leur présence dans le hasard journalier
L’intégrité primitive et leur essence même telle que Dieu
les a conçus autrefois dans un rapport inextinguible !
Et ce qu’il essayera de dire misérablement sur la terre, je
suis là pour le traduire dans le Ciel.

 et sa mère qui est mentionnée par l’Irrépressible qui l’appelle Doña Honoria.

Rodrigue est représenté vêtu d’un habit de conquistador avec une plume rouge sur son chapeau.
Donc on peut en dire qu’il a une posture assez droite, ouverte et qu’il est brave, désireux de puissance et passionné. Le chancelier le décrit comme quelqu’un de pas très obéissant mais avec une étoffe de roi. Il est aussi admiré par des cavaliers qui le décrivent comme toujours juste. On sait aussi qu’il est croyant, il essaye même de convertir le Chinois. Cf la première scène où il apparaît dans la pièce scène 7 Première journée.

Dans la scène 8 de la deuxième journée, on comprend que Rodrigue est en manque, il est cru quand il parle de son désir pour Prouhèze. Il ne veut pas que l’âme de Prouhèze mais son corps aussi.Il se montre jaloux de Camille qu’elle a rejoint sur ordre du Roi à Mogador.

 C’est seulement dans la troisième journée, quand Prouhèze va mourir qu’il comprend que seule l’âme suffit car elle est éternelle comme leur amour.
Ce personnage est central, lui et Prouhèze forment le couple qui est au centre de l’intrigue. Le but de Rodrigue n’est plus de conquérir le monde pour dieu mais pour Prouhèze.
Dans la scène 8, deuxième journée, Rodrigue se plaint de sa situation au capitaine car ils sont juste devant Mogador mais ne peuvent pas avancer. Ce qu’il veut à ce moment-là est  récupérer Prouhèze avec l’ordre qu’a fait le roi. Sa motivation est remplie de désir physique. Il passe par plein d’émotions dans une seule scène, du désespoir au désir, en passant par la colère et la jalousie, le désir de s’avilir lui-même en comparant son sort à ceux de tous les hommes trahis en amour.

Complément :

  Rodrigue

Avant le début de la pièce, le hasard a jeté, à la suite d’un naufrage, le jeune Don Rodrigue de Manacor sur la côte africaine ; le premier visage qui s’est offert à lui lorsqu’il a ouvert les yeux a été celui de Doña Prouhèze, l’épouse de Don Pélage, gouverneur général des Présides. Un amour absolu est né entre les deux jeunes gens.

Rodrigue a envoyé une lettre avec un rendez-vous à Prouhèze. Mais le rendez-vous n’aura pas lieu car, dans la nuit, sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, Rodrigue a été blessé par de faux pèlerins dans le désert de Castille, il a par hasard tué l’amant d’une certaine Dona Isabelle,  et est transporté mourant dans le château de sa mère Doña Honoria. Prouhèze est venue chez Dona Honoria mais n’a pas vu le blessé.

2ème Journée

A peine rétabli,il  prend la mer dans le sillon du bateau de la jeune femme. Le roi l’a chargé de porter une lettre au nouveau commandeur de Mogador…

3ème Journée

Don Rodrigue, désormais vice-roi des Indes occidentales, mène dans son palais délabré de Panama une vie amère, entouré d’une cour sans faste ni gaieté. Sa maîtresse, Doña Isabel complote pour écarter cet amant qui ne l’aime pas et voir passer le pouvoir dans les mains de son mari Don Ramire.

La lettre que lui avait envoyée Prouhèze et qui erre depuis 10 ans va lui être remise par Dona Isabel qui veut l’éloigner de Panama pour que son mari puisse prendre le pouvoir. Rodrigue part pour Mogador afin de délivrer Prouhèze de Camille. En réalité, la délivrance de Prouhèze, son Ange Gardien vient le lui annoncer dans la nuit, ce sera la mort.

4ème Journée

Quelque dix années plus tard sur la mer, à large des îles Baléares, tout un monde de pêcheurs, de matelots, de conquistadors épuisés, de courtisans aussi ridicules qu’obséquieux.

Frappé de disgrâce pour avoir abandonné l’Amérique, Don Rodrigue, vieilli, ayant perdu une jambe en combattant les Japonais, gagne sa vie en peignant des « feuilles de saints », grossières images pieuses vendues aux matelots qu’il croise.

Doña Sept-Épées, sa fille spirituelle, essaie de réveiller l’esprit d’aventure du vieux conquistador et l’entraîner avec elle ainsi que sa fidèle amie, la Bouchère, à l’assaut des places fortes de Barbarie pour délivrer les chrétiens des bagnes d’Afrique du nord. Mais Rodrigue est bien davantage sensible à une autre voix féminine, celle d’une fausse Marie Stuart, une comédienne envoyée par le Roi d’Espagne qui rêve d’humilier Rodrigue dont le vieux rafiot offusque sur la mer la majesté de la cour flottante. Elle a pour mission de l’engager à venir gouverner avec elle l’Angleterre alors même que l’Espagne vient de voir tous ses rêves de gloire et de puissance anéantis par la terrible défaite de l’Invincible Armada

Convoqué devant le Roi, Rodrigue s’enflamme imprudemment en de grands et généreux projets. Il est aussitôt arrêté pour haute trahison et vendu comme esclave. C’est une vieille sœur glaneuse qui le prendra avec une brassée de vieux vêtements et d’objets hétéroclites, vieux drapeaux et pots cassés, au moment même où l’on entend des trompettes et un coup de canon dans le lointain qui annonce que Marie des Sept-Épées vient d’atteindre le bateau de celui qu’elle aime, Jean d’Autriche, le futur vainqueur de Lépante.

 

Le personnage de Rodrigue dans le dictionnaire des personnages

 Rodrigue brûle de l'ardeur des conquistadors. désir de puissance, certes mais aussi vocation chrétienne car l'ivresse cosmique typiquement claudélienne de Rodrigue ne peut se détacher du rêve de l'unité catholique: c'est pour l'offrir à Dieu que Rodrigue s'élance au-delà des mers à la poursuite de l'univers. dans cette âme qui ne saurait se satisfaire que de l'Absolu, la rencontre de l'amour humain doit déchainer un trouble, un tumulte de tout l'être d'autant plus que cet amour est impossible: Prouhèze est mariée. Au début cependant Rodrigue ne veut pas connaître d'obstacles à l'apaisement de son désir: désobéissant à son roi comme aux devoirs chrétiens, impétueux, déchiré et déchirant ce qu'il aime il exige "à l     fois d'un seul coup l'assouvissement du corps et celui de l'âme". La passion excite sa volonté de puissance: c'est pour Prouhèze désormais qu'il veut conquérir la terre, mais Prouhèze lui échappera invinciblement jusqu'au moment où le héros aura compris qu'il lui faut pour la mériter d'abord transfigurer son amour. la voie de l'union est aussi celle du renoncement terrestre. L'amour humain, inassouvi, est une sorte de pédagogie de l'amour divin.Peu à peu et grâce à Prouhèze Rodrigue trouvera le sens véritable de sa mission. Il abandonne alors l'espoir de jamais posséder Prouhèze en cette vie et c'est précisément à l'instant de son sacrifice définitif qu'il est uni à elle pour toujours comme à l'étoile qui ne cessera plus de guider son âme.

Comme vous voyez, c'est très synthétique!

Construire un personnage

 

 Pour vous aider à construire les personnages du Soulier de Satin: A finir pour jeudi 16 décembre.

 

Construire un personnage : Pistes

1 – L’identité : réfléchir au nom, à la situation familiale, sociale.

 2 – Le physique : A imaginer, didascalies internes qui donnent des indications, perception des autres personnages. Comment vous choisissez de l’incarner gestuellement, dans la posture aussi

  • Son physique peut être révélateur du caractère moral du personnage. Notez les précisions apportées à ce sujet par les didascalies et les répliques.
  • Les costumes sont tout autant révélateurs ? Les couleurs des vêtements aussi
  • A cela, ajoutez l’étude de la gestuelle, qui peut révéler la vivacité, la mollesse, l’abattement, l’exubérance…l’état d’esprit du personnage.

 3 – Le caractère :

  • Certains caractères sont étroitement liés à la fonction du personnage (ex : valet rusé ).
  • Exploitez répliques et didascalies pour faire émerger les traits de caractère des personnages.
  • Pensez à vous interroger sur les liens entre les personnages : comment le personnage est-il perçu par les autres ? Quelles relations entretient-il avec les autres ? Qu’est-ce qui est dit de lui ?

 4 – Le rôle : le personnage en action/réaction

  • A quel moment de la pièce le personnage fait-il son entrée en scène ?
  • Combien de fois apparaît-il ? Dans quelles scènes ? et pendant combien de temps ?
  • A qui s’adresse-t-il ? Pourquoi ?
  • Quelle mission doit-il remplir ? Que fait-il ? (grandes actions/ décisions) ? Que symbolise-t-il ? Quelles sont ses fonctions dans l’intrigue mais aussi par rapport à la signification de la pièce ?
  • Connaît-il une évolution au cours de l’intrigue ?

 5 – Le discours :

Il pourra vous renseigner sur l’importance du rôle du personnage dans la pièce. Demandez-vous :

  • Quelle est la fréquence de sa parole ?
  • Quelle est la longueur de ses répliques ?
  • Leur ton ? Manière particulière de parler ? Idiolecte ?

 

Une aide précieuse : Le schéma actantiel : synthétise une partie des éléments précédents, et permet d’exposer clairement les relations qui unissent un personnage à un autre et à un fait. Pour un acteur (qui représente le « sujet »), déterminez :

  • l’objet : ce que désire le sujet, son but ;
  • le destinateur : ce qui cause l’action du sujet ;
  • le destinataire : ce pour qui/quoi l’action est réalisée ;
  • le ou les adjuvants : tout ce qui aide le sujet dans son action.
  • le ou les opposants : tout ce qui empêche ou essaie d’empêcher l’action du sujet

 

NB : opposants et adjuvants peuvent être des personnes mais aussi des objets, des défauts ou des qualités, un acte, un événement.

Le personnage dans la scène que vous avez à jouer en particulier : enjeux de sa prise de parole ? Que veut-il ? quelles sont ses réactions ? quelles sont les indications de jeu qui vous ont été données ?

jeudi 26 janvier 2023

Séance du lundi 23 janvier (Soulier)

 Echauffement: toujours les trois questions: travailler avec le silence, avec l'adresse. prendre son temps: celui-ci vous est totalement dédié, tenter les limites du temps, réceptionner les regards des autres, tenez compte de l'écoute.

Comment la présence des autres nous modifient? Etre poreux à la présence des autres.

Nécessité de sentir ce qui se crée collectivement, même sens que ce qui précède ou contrepoint? C'est quelque chose à travailler tout le temps au plateau.

Question après les passages de tous: Irénée: impression de ne pas vraiment arriver à être au présent.

Le fait que tous aient cherché à être concret à fait perdre quelque chose: les règles du jeu n'ont pas été respectées , presque tout le monde a modifié les phrases, la contrainte. la conscience du présent était recherchée mais il faut aussi garder la contrainte. difficile à faire. Comment être totalment là et être prêt à interagir avec les autres?

Mais expérimentation de la durée pour beaucoup.

Se poser la question: est-ce que c'est vraiment ça que je veux faire? Je suis là mais je n'assume pas à cent pour cent. Il faut tenir, ne pas minorer l'action, ne pas sourire ou s'excuser;

Exercice de 15 mn mais qui questionne le statut d'acteur et de spectateur. Attention Lois quand il a enlevé son T-Shirt il a pris beaucoup de place et d’espace. Il faut mettre de la conscience.

Le Théâtre a juste besoin d'acteur et d'actrices, le théâtre repose sur eux.

D'autres remarques:  Lâcher prise ( Elise). exercice qui met l'acteur à nu ( pas se cacher derrière un texte, une action répétée) Dit qu'il ne faut pas négliger les actions simples. Le spectateur vient voir des êtres humains, comment ils se débrouillent entre eux. Mettre des chaussures.CF début de En attendant Godot de Beckett

 Théâtre =Art accessible à tous. On a besoin sur un plateau de tout le monde, de toutes sortes de corps, de démarches. ( A mettre en lien avec Carolina Guiela Nguyen et Fraternité.)

Scène 8 de la deuxième journée: Capitaine/Rodrigue Lois/Oriane

Lcture des didascalies: Irénée.

Toujours délimiter les parties, définir les objectifs des personnages, lister les états. on ne peut commencer à travailler vraiment sans avoir fait cela.

Exemple dans la scène 8 2ème journée: 1. Colère de Rodrigue face au calme plat qui empêche d'avancer vers Mogador/ récation professionnelle du capitaine

2.Discussions entre hommes à propos des femmes ( jalousie, désir, rapports de domination, complicité entre les deux hommes, mais l'un plus affecté que l'autre etc)

3. discussion politique

4.Retour du vent , découverte de l'épave du Santiago: explorer un sentiment de grande joie chez Rodrigue, sérieux du capitaine.

Chacun note dans le carnet de bord le découpage de la scène fait avec des titres pour les parties, la liste des états de son personnage, les conflits en jeu dans la scène et leur évolution, les buts recherchés par chacun des personnages.

Faire l'essai de certains états sur l'ensemble de la partie en poussant la radicalité pour voir ce que cela fait surgir en matière de jeu. Impression que c'est un peu grossier au départ mais tout se patine a^près. Il faut savoir quoi jouer donc que ce soit très clair au départ.

Intéressant d'expérimenter des émotions contradictoires des personnages, contradictions qui donnent de la vie au jeu.

Pour la semaine prochaine: bien avancer dans l'apprentissage des textes car c'est plus simple pour travailler le jeu et la mise en scène. Tout le monde doit connaître au moins une partie de son texte.

Lister les accessoires. Les Mises en espaces et en jeu proposées par Laure se fondent sur du concret.

Projet Delta Charlie Delta: compte rendu des deux premières séances.mercredi 18 janvier et 25 janvier

 Mercredi 18 janvier: cercle de paroles avec M. Demma pour "debriefer" la présentation de travaux du théâtre-forum, ramasser les carnets de bord et les petits mots pour Nancy.

( Chacun note ce qu'il a retenu de la discussion à propos des présentation sdu théâtre forum, ce qu'il a dit lui-même.)

-Présentation par moi ( Mmme Huckel) du nouveau projet: une adaptation de la pièce Charlie Delta Charlie ( Noter votre ressenti, vos questionnements)

- Exercices d'échauffement et de remise au travail théâtral:

- marche neutre avec différentes consignes: passage au sol, changement de direction, petits sauts , avec une bulle fragile entre les bras au travers laquelle on voit, 

-Quelqu'un dont on cherche à se rapprocher, quelqu'un dont on veut à tout pris s'éloigner.

- le bonhomme Michelin qui se gonfle gonfle puis se dégonfle d'un coup.

-Faire des figures sans parler: une diagonale du plus petit au plus grand, une disposition en quinconce etc

- Exercice du leader: en quinconce dans l'espace, un "meneur" propose une gestuelle que tout le groupe doit imiter, puis un autre meneur vient remplacer le premier en lui faisant signe de s'en aller. Chaque membre du groupe doit expérimenter à la fois la position du meneur et du suiveur.

- création d'une machine avec geste et son

- exercice de coordination chantée: Ouloulalou

(Interrogez-vous sur le sens des exercices proposés, sur ce que cela fait travailler à l'acteur. Pour ceux qui vous poseraient problème , essayez de déterminer pourquoi. )

Improvisations par groupe: les tribus

- Trouver le nom et le langage

-Trouver la façon de se déplacer

- Trouver la façon de se nourrir

Trouver la façon de se battre, l'art martial. ( à continuer une autre séance)

Commentaire de votre part sur ce qui s'est passé dans votre "tribu": avez-vous été force d proposition? Quelle a été la qualité de l'exécution de l'impro? Qu'avez-vous pensé en regardant le travail des autres?

Mercredi 25 janvier: M.Demma est revenu rendre les carnets de bord, constat qu'il lui en manquait. rappel de l'utilité de ce travail et de la manière dont il faut le concevoir: un objet créatif qui vous représente, qui montre que vous réfléchissez à votre pratique, qui peut contenir autre chose que du texte.

Beaucoup d'artistes tiennent un journal de bord de leur travail. 

- Echauffement: reprise de la marche neutre, toujours mettre de la qualité dans ce contact avec l'espace et les autres, pas le faire mécaniquement, entrer dans le monde du théâtre, se concentrer.

-Imaginer une convergence de gens qui marchent vers un immeuble où à lieu un problème avec la police, peu à peu se rencontrer, se parler de la rumeur qui circule, aller dans le même sens vers un endroit en formant un choeur . ( Nous reprendrons cet exercice à la séance prochaine) 

- Reprise de l'exercice du leader en rajoutant la consigne de travailler en contraste avec ce que le premier propose quand on choisit d'aller le remplacer. alterner des gestuelles toniques avec des gestuelles plus douces, aller au sol etc ( toujours s'interroger sur les raisons pour lesquelles on ne vient pas prendre la position de leader, pourquoi on accepte de le faire quand on est désigné;)

- Travail sur les quatre éléments: nouvel exercice, exploration de sensations, de possibilité de "jouer", incarner des choses non-humaines comme des éléments: être feu, eau...

d'abord espace divisé en quatre zones: eau, terre glaise, air, feu. Circuler d'un espace à l'aute en ressentant les différents éléments alors qu'ils ne sont pas présents, comment les donner à percevoir à celui qui regarde.

Puis cercle de vocabulaire:  dire tout ce que l'élément évoque: noms, adjectifs, verbes pour nourrir son imagination 

Puis essayer de devenir l'élément: pas l'illustrer , le mimer mais être le feu ou l'air, pour les deux que nous avons expérimenter.

( Chacun commente ce qu'il a ressenti, la façon dont il a chercher à réaliser l'exercice.)

Cette exploration des éléments est un outil pour nourrir le jeu: un personnage peut être "feu" , "air". cela peut donner des repères dans la gestuelle, dans la respiration ( Exercice à continuer lors d'une autre séance). 

- Travail par groupe en autonomie à partir d'un article du monde sur l'histoire de Zyed et Bouna.

Proposer une mise en jeu, en espace de l'histoire à votre manière avant de découvrir le texte de Simonot.

( Chacun note sa perception du travail qui a été fait dans le groupe, de la part qu'il  a personnellement à accomplir pour la semaine prochaine ( rôle, texte à écrire etc), accessoires à apporter ou à me demander etc)

Analyse dramaturgique de la scène 3, première journée commencée en cours ( Prouhèze/Camille)

 

Situation

Il est utile de s’attarder un peu sur la scène qui précède pour situer correctement l’enjeu de la scène 3. De fait, après l’ouverture sous le signe de la grand-messe théâtrale, c’est à Don Pélage que revient l’exposition plus détaillée des bases de l’intrigue. Premier personnage qu’on reverra entrer en scène, il apparaît comme le lien entre les personnages principaux : mari de Prouhèze, oncle de Musique, susceptible de décider ce que doivent faire Don Camille (son cousin) et Don Rodrigue, il est initialement donné comme maître des lieux (« notre gouvernement d’Afrique »), des vies (« l’ancien terrible juge de sa Majesté ») et des itinéraires (« il y a deux chemins qui partent de cette maison »). La version mise au point par Claudel et Jean-Louis Barrault explicite d’ailleurs ce rôle dans une didascalie :

« Don Pélage, […] distribue (particulièrement par le jeu de ses mains) la tâche de chacun » (La Pléiade, 1965, p. 960).

Il faut insister sur la portée de ces deux chemins qui permettent de distinguer d’emblée ce qu’il s’agira de réunir : le chemin qui descend et le chemin qui monte, la mer et la montagne, la voie de Prouhèze et la voie de Musique (qui sont aussi deux visions de l’amour ; voir Première journée, scène 10). La version pour la scène indique que Barrault représenta matériellement les deux directions différentes :

« Le décor est en place (porche à deux sorties au milieu desquelles trône la Vierge. Masse architecturale imposante). Le rideau de fond descend (représentant un paysage d’Espagne, montagneux, où serpentent deux chemins allant dans des directions opposées). »

Vitez, toujours économe, se contentera de tendre les deux bras pour indiquer deux directions opposées.
Une fois ce cadre spatial posé, la réplique la plus importante pour la suite immédiate se trouve au milieu de la scène. À Don Balthazar qui propose que Don Camille le remplace pour accompagner Prouhèze à l’auberge où aura lieu toute la fin de la Première journée, Don Pélage réplique, durement : « Il partira seul. » Manifestement, il ne fait pas bon convier sa femme à ce « cousin et lieutenant là-bas ». La scène 3, qui voit Camille essayer de convaincre Prouhèze de le suivre en Afrique, confronte donc la décision du mari à celle de sa femme, mise à l’épreuve par le deuxième des trois hommes qui la désirent.

Analyse

« Du côté invisible de la charmille et ne laissant paraître à travers les feuilles pendant qu’elle marche au côté de Don Camille que des éclairs de sa robe rouge, Doña Prouhèze. Du côté visible Don Camille. »

La didascalie de la scène 3 inscrit d’emblée le rapport des deux personnages dans l’espace : la proximité et la séparation. Dans Forme et Signification, Jean Rousset (Corti, 1992) a bien montré que le dialogue à travers un écran était une constante dramaturgique du monde de Claudel : « Le contact à distance, l’union dans la séparation », telle est la « situation clé » de son œuvre (p. 188). C’est suprêmement vrai pour Rodrigue et Prouhèze (voir « Deuxième journée, scène 13 : l’Ombre Double »), mais cela vaut aussi ailleurs. Quelle que soit la manière dont le metteur en scène traitera la charmille, barrière naturelle partielle, son sens est assez clair : elle marque un désir empêché, une frontière vécue comme un défi, une distance à maintenir ou à abolir.
Dans cet élément de décor se lisent les points essentiels de la relation des deux personnages que l’intrigue éloigne, puis réunit à Mogador et même marie, sans pour autant cesser de faire comprendre que Prouhèze demeure irréductiblement ailleurs.

 « Cette charmille entre nous prouve que vous ne voulez pas me voir », dit Camille, auquel Prouhèze répond : « N’est-ce pas assez que je vous entende ? » 

Toutes les questions scéniques tournent autour de cette situation particulière de parole : les deux personnages se voient-ils ? Se regardent-ils ? Dans quelle mesure entrent-ils physiquement en relation ? Face au désir explicite de Camille et face à sa proposition, le refus de Prouhèze est-il monolithique et univoque ? Laisse-t-il une place à l’hésitation, à la tentation et, plus scéniquement, au rapprochement des deux corps ? À ceux qui jugeraient évidente l’indifférence de Prouhèze, on signalera que Claudel, commentant une célèbre scène d’aveu amoureux a priori unilatéral, celui de Phèdre à Hippolyte, faisait cette remarque étonnante : « Nous touchons au point essentiel du drame. Au point essentiel de tout le théâtre de Racine. Ce corps à corps des amants ne fût-ce qu’une seconde dans l’impossibilité » (cité par Rousset, op. cit., p. 187). Cela s’appelle « claudéliser » Racine, certes, mais cela invite aussi à ne pas nécessairement figer Prouhèze dans un refus sans lutte.


La progression de la scène relève de cette même tension entre proximité et éloignement, qui pourrait se résumer par la mise en lien de trois répliques de Camille. À l’ouverture de la scène, il déclare : « Je suis reconnaissant à Votre Seigneurie de m’avoir permis de lui dire adieu. » Au milieu, il s’exclame : « Oui, que faisons-nous ici, partons, Merveille ! » Enfin, sa dernière réplique est : « Je vous donne rendez-vous. » La scène se joue donc en trois étapes : un adieu, une proposition de départ ensemble, un rendez-vous. L’enjeu est donc la transformation d’un adieu en un au revoir.


On se souvient du reproche de Claudel aux personnages de Marcel Proust : ce sont des oisifs qui restent les bras ballants. Au contraire, Claudel considère que c’est dans l’action que les personnages se montrent le mieux. Pour lui, un bon personnage est « animé par un sentiment d’énergie et se heurte à d’autres énergies ». Peu de scènes illustrent aussi bien ce principe. Camille, dit Robin Renucci, est du pain béni à jouer, car il a les mots de la pulsion érotique, qui a l’accord immédiat du public. Rien n’exclut, encore une fois, de montrer une Prouhèze partiellement séduite ou tentée. Notons que le mot « charmille » lui-même laisse entendre, comme en un mot-valise, le charme – appel envoûtant –- de Camille.


Explorateur qui tient du Claudel-Rimbaud, Don Camille porte également le prénom de la sœur de Claudel, qui lui fit perdre la foi à 15 ans. Camille Claudel fit un jour irruption dans le salon familial en brandissant La Vie de Jésus d’Ernest Renan, véritable bible des scientistes, parue en 1860, qui entendait rayer des Évangiles tout ce qui n’était pas scientifiquement démontrable. « Tout ce qu’on nous a appris est faux, dit Camille, toutes les preuves sont dans ce livre. » On sait que c’est ensuite en lisant Rimbaud que Claudel vécut « la première fissure dans son bagne matérialiste », en 1886, peu avant « l’épisode du pilier de Notre-Dame » (sa révélation). En un même personnage, il condense d’une certaine façon la perte de la foi et son remède. Autrement dit, en tant qu’énergie qui se heurte à une autre énergie, Camille représente un défi autant pour la foi de Prouhèze que pour son mariage. Comme souvent chez Claudel, la scène se joue à deux niveaux en même temps : celui de l’amour humain, et celui de l’amour divin.


Envers la femme comme envers Dieu, nulle demi-mesure confortable n’est envisageable. On ne peut désirer à moitié. Le Claudel bon bourgeois et homme d’ordre affronte le Claudel révolté assoiffé d’absolu, qui fait dire à Camille : « Il y a des gens qui trouvent leur place toute faite en naissant,/ Serrés et encastrés comme un grain de maïs dans la quenouille compacte :/ La religion, la famille, la patrie. » L’idée de Claudel est toujours la même : nier le désir serait amputer l’Homme d’une partie de lui-même ; ce serait réduire l’œuvre de Dieu à une vie étriquée : « Rien de ce qui existe dans un être humain, qui est en somme l’image de Dieu, n’est méprisable par lui-même. Cet esprit d’aventure, cette avidité, somme toute, de la création, de l’œuvre de Dieu, n’est pas une chose mauvaise en elle-même. Il s’agit seulement de lui donner la carrière qu’elle doit trouver » (Amrouche, 1969, p. 130).
La vérité du monde claudélien n’est pas dans l’harmonie paisible, mais dans le tiraillement entre forces contraires. Il faut donc orienter l’énergie du désir, pour qu’elle puisse se déployer pleinement au service d’une grande action et d’un amour vaste comme l’univers. C’est pourquoi Camille fait retentir ici l’appel de l’Afrique : son énergie ne peut trouver carrière qu’à l’échelle d’un continent, de la même façon que Rodrigue utilisera son élan vers Prouhèze pour conquérir les Amériques. Une femme, un continent, Dieu : triple enjeu qui montre à quel point aucun dialogue amoureux n’oublie que la scène de ce drame est à la fois le monde et le cœur de l’Homme.
L’appel de l’Afrique est aussi le défi du vide. Un bref échange en stichomythie permet de le comprendre aisément (I, 3, p. 31) :

« Prouhèze : Et quelle est cette chose si précieuse que vous m’offrez ?
Camille : Une place avec moi où il n’y ait absolument plus rien ! nada ! rrac !
Prouhèze : Et c’est ça que vous voulez me donner ?
Camille : N’est-ce rien que ce rien qui nous délivre de tout ? »

Si l’appel de l’Afrique est appel du désert, il est aussi allusion au vide de la nuit mystique. Dans cette action espagnole, Claudel pense à l’évidence aux deux mots par lesquels le poète mystique saint Jean de la Croix, d’ailleurs contemporain de l’intrigue située à la fin du XVIe siècle, résumait sa relation à Dieu : « Todo, Nada » (« Tout, Rien »). Il s’agissait pour lui de n’être plus rien pour tout trouver en Dieu, de se dépouiller entièrement pour tout recevoir de Dieu.
Pour Claudel, le désir de Camille est donc l’expression d’une soif d’absolu qui ne peut se satisfaire d’aucun accommodement dans le relatif (« J’étouffe […] Tout cela qui nous empêche de suivre notre appel »). Tout désir mené à sa plénitude est un désir, direct ou indirect, de trouver Dieu ou de se mesurer à lui. Dans une perspective différente, Molière le suggérait déjà dans Dom Juan. Au-delà de « Venez avec moi » et « Aimez-moi », Camille crie donc à Prouhèze : « Rendez-moi votre Dieu tangible » et « Sauvez-moi ». C’est ainsi que l’on peut interpréter leur affrontement :

« Don Camille : Si je suis vide de tout, c’est afin de mieux vous attendre.
Doña Prouhèze : Dieu seul remplit.
Don Camille : Et qui sait, ce Dieu, si vous seule n’étiez pas capable de me l’apporter ? »

C’est à l’aune de ce bref échange que toutes les scènes qui les réuniront par la suite peuvent être lues. C’est lui qui explique aussi que cet adieu provisoire laisse place à une discussion sur la parabole de l’Enfant prodigue (double évangélique de Camille). C’est ce même échange qui justifie que l’immensité du continent africain soit comparée à un « livre vivant » (« un Alcoran dont les lignes sont faites de ce rang de palmier là-bas »). C’est cet échange, enfin, qui permet de comprendre pourquoi le passé de Camille au Maroc renvoie à un épisode de la vie de Charles de Foucauld, aventurier cartographe renvoyé de l’armée avant de devenir moine et de finir sa vie comme ermite au milieu du désert, en cherchant à se faire « frère universel » pour les musulmans de passage (« Vous pensez à ce voyage de deux ans que j’ai fait à l’intérieur du pays, déguisé en marchand juif »). À travers le personnage de Camille, Claudel tresse ainsi les fils mystérieux d’un itinéraire de rédemption, dans lequel Charles de Foucauld, l’ermite de Tamanrasset, ramènerait à Dieu à la fois sa sœur Camille et Rimbaud, autre révolté ayant entendu l’appel du désert africain. Rappelons que Foucauld connut sa conversion la même année que Claudel, en 1886, ce qui tisse un lien entre eux.

En résumé, travailler cette scène consiste avant tout à s’interroger sur une séparation qui sert aussi de trait d’union. Elle est d’ordre spatial, amoureux et surnaturel : Camille peut-il s’unir à Prouhèze ? L’Afrique peut-elle s’unir à l’Espagne ? L’islam peut-il s’unir au catholicisme ? L’Homme peut-il s’unir à Dieu ? On en revient donc à la force symbolique de la charmille, « longue muraille d’un côté à l’autre de la scène », mais « laissant paraître […] des éclairs ». L’enjeu est bien de savoir quels passages le désir peut entrouvrir entre les frontières des sexes, des âmes, des pays et des religions. Le rendez-vous que donne Camille à Prouhèze en quittant la scène est donc un défi et une tentation à la hauteur de la question rhétorique qu’il adresse à Prouhèze : « Et qu’est-ce qu’une Amérique à créer auprès d’une âme qui s’engloutit ? »

( d"après une proposition sur Théâtre en acte)