lundi 31 octobre 2016

Rappel : jeudi 3 novembre Eclats d'ombre à la CDE 19H

N'oubliez pas le prochain spectacle dans votre abonnement à la CDE: Eclats d'Ombre mise en scène Chiara Villa que les Terminales découvriront dans le travail sur les Bacchantes. Le texte est de Lina Prosa.La durée du spectacle est d'une heure trente. Je vous le confirme après la générale de mercredi puisqu'il s'agit d'une création.

mardi 18 octobre 2016

Séance du vendredi 14 octobre avec Sandrine

Préparation rapide à la représentation de Sous la glace de Falk Richter.

Séance consacrée à la mise en place du monologue de Figaro version chorale et comédie musicale pour la gestuelle et le travail sur les lignes.
Sandrine donne une vision d'ensemble de la chorégraphie à partir de dessins de chaque section du monologue, dessins que vous devriez reprendre dans vos carnets de bords.

Echauffement rapide amorcé par Alexandre: se détendre, respirer: se frotter, s'étirer, bailler, sautiller. avec du son: FI -GA- RO. toujours être précis dans les gestes , chanter aussi avec les yeux. se surpasser, envoyer la voix jusuq'à la lune. exaltation: il faut presque que ça "frise"

Reprise de ce qui avait été mis en place: Je pense, je pense, j'hésite j'hésite, les figures en colonne avant le démarrage du texte. nouvelle figure: celle qui va en arrière.

Invention de la suite: chacun doit noter son propre parcours au sein de la structure afin de ne pas l'oublier d'ici au vendredi 4 novembre, aider vous de schémas.
 Voici ce que j'ai noté à propos de la structure, n'hésitez pas à compléter et à me signaler ce que j'ai oublié: Etirer les gestes, les grandir, toujours être précis.
Léa: éclats d'exaspération, s'emporter contre ceux qui bloquent la comédie de Figaro.
Mains sur l'omoplate: vraiment laisser les deux points avant les crachats " Chiens de Chrétiens".
Profil à cour, tête tournée pour dire "Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant" sur ce dernier mot jouer le coup sur la tête et tomber au sol sous la force du coup.
"Mes jours creusaient.." Marie doit bien adresser le texte, les autres sont au sol, quand il est question de manque d'argent faire les gestes du fric , de l'oseille avec les bouts des doigts.
Tout le monde doit être chargé de ce qu'il y a avant son intervention personnelle, vous êtes tous Figaro depuis le début.
Se lever: sur "baisser le pont d'un château fort" croiser les bras dans le dos comme si vous étiez attachés et poussés par des gardiens vers la prison.
Marie la rouge: "Que je voudrais tenir un de ses puissant..." Comme un lion en cage, occuper tout l'espace.
Que sans la liberté de blâmer..." reprise en échos par tous au lointain, regard cinglant vers le public.
A chaque Ni, Ni d'Alexandre, geste de l'interdiction, attention à  être clair , à ne pas faire un salut fasciste!
"douce" liberté" geste de danse pas chassé comédie musicale "Pou OU" : tous hue et entoure Alexandre, "derechef" vous l'éjectez à cour.
Elise: "le désespoir m'allait saisir... on pense à moi pour une place: création d'une diagonale de cour à jardin, Alexandre premier à cour, mélanie à l'autre bout, Elise au centre: marche autour de la personne centrée: roue de la roulette. "Pour le coup j'ai quitté le monde... Retrouver la ligne horizontale: à genoux, mélanie passe en revue les têtes en les coiffant, jouer le salon de coiffure avec les miroirs, mimiques, Lola fait le comte fier fier" grand seigneur de jardin à cour jusqu'à la rencontre, révérences.
Léo: intrigue- orage: s"affoler comme des oisillons, "on se débat": choeur à jardin Léo à cour: jeu c'est vous,  c'est lui c'est toi  ce n'est pas nous
Emma s'extrait du choeur va à cour puis en fond de scène, puis retour milieu: "jonché de tant de fleurs" jeter les fleurs de papier que vous aurez fabriqué. Chorégraphie "un assemblage informe de parties inconnues: on se rassemble pour refaire une file indienne Hugo: corps frénétiques, ivresse tuilage avec Figaro Divorce Charloette/Marie la Rouge. "Suzon Suzon" tous en semble " j'ai fini par me marier. Courir en cercle + révolution Fi-Ga-Ro en le faisant légèrement déraillé: "me voici un tout autre homme"

Sandrine propose qu'à chaque début de séance le monologue soit repris comme échauffement, presqu'un quart d'heure de jeu déjà.

Apprendre la suite pour la rentrée ( Vendredi 4 novembre) qui sera une séance d'évaluation au plateau, surtout choisir une scène ou un segment avec un partenaire et proposer une mise en espace: travail de proposition personnelle.
Fabriquer une fleur en papier avec tige.

Pour le cours du jeudi 3 novembre: rendre les carnets de bord et les analyses de Lettres Persanes et Sous la Glace (Grille d'analyse remplie, analyse complète ou billet d'humeur), amélioration éventuelles des sujets de type 1 Figaro-Suzanne)

Falk Richter, auteur de Sous la Glace

Entretien avec Laure Adler sur France Culture: passionnant.

Falk Richter, né à Hambourg en 1969, est l’un des auteurs et metteurs en scènes contemporains les plus importants. Il travaille depuis 1994 pour de nombreux théâtres nationaux et internationaux renommés, comme entre autres le Deutsches Schauspielhaus à Hamburg, le Schauspielhaus de Zürich, le Schauspiel de Frankfurt, la Schaubühne à Berlin, le Maxim Gorki Theater à Berlin, l’Opéra de Hambourg, l’Opéra national d’Oslo, le Toneelgroep  à Amsterdam, le Théâtre national de Bruxelles, la Ruhrtriennale, le festival de Salzbourg et le festival d’Avignon.
Parmi ses textes les plus célèbres et les plus reconnus, on compte Dieu est un DJ, Electronic City, Sous la glace et Trust. Ses pièces, qui se font les témoins d’une brûlante actualité, sont traduites dans plus de 30 langues et sont jouées dans le monde entier.
Ces dernières années, il a développé de plus en plus de projets indépendants, s’appuyant sur ses propres textes, en collaboration avec une troupe d’acteurs, de musiciens et de danseurs. Avec la chorégraphe Anouk van Dijk, il a créé plusieurs projets qui mêlent la danse et le théâtre, et qui fondent une nouvelle esthétique en reliant texte, danse et musique de façon particulière. Nothing hurts, Trust, Protect me, Ivresse et Complexity of belonging, leurs créations communes, tournent dans le monde entier et rencontrent un grand succès.
En 2013, il a remporté le prix Friedrich-Luft pour son spectacle For the disconnected child qui mêle musique, danse et théâtre et s’est créé à la Schaubühne de Berlin en coopération avec le Staatsoper im Schillertheater.
En 2014, sa pièce Small Town Boy a été créée avec succès au Maxim Gorki Theater. Il a amorcé une collaboration avec le chorégraphe Nir de Volff pour le spectacle Never forever, créé à la Schaubühne, et qu’on a pu voir en 2015 à la Biennale de Venise. En 2015 il crée Fear à la Schaubühne à Berlin et Zwei Uhr Nachts au Schauspiel Frankfurt.
Falk Richter enseigne la mise en scène comme professeur invité à l’École Ernst Busch de Berlin.
Il est artiste associé au projet du TNS depuis janvier 2015. Les deux Groupes de l’École du TNS ont créé quatre versions de Trust présentées en décembre 2015.
En mars 2016, Falk Richter crée Je suis Fassbinder en collaboration avec Stanislas Nordey au TNS. La même année, il crée Città del Vaticano à la Schauspielhaus de Zurich.
Site du TNS

Beaumarchais et la musique ( suite 3)



Musique et caractère des personnages : La gaieté de Figaro
 Figaro diffuse autour de lui la gaieté cf in Lettre Modérée «  barbier, beau diseur, mauvais poète, hardi musicien, grand fringueneur de guitare et jadis valet de chambre du comte » gaieté reconnue principalement par les femmes de son entourage cf Suzanne dans Le Mariage : « j’aime ta joie, parce qu’elle est folle ; elle annonce que tu es heureux. »
Cf 2ème scène du Barbier où Figaro compose sa chanson : » bannissons le chagrin/ il nous consume » pourraît être sa devise et peut-être celle de son auteur . gaieté, éloge de l’ivresse, de la paresse, confection laborieuse de vers suscitent un effet de sympathie teintée de ridicule, relation de connivence.
Mais Figaro victime du temps : gaieté qui se fane cf monologue du Mariage, questionnement ontologique sur « sa  bizarre destinée ». Carrière musicale encore la mais en mineur : « musicien par occasion »
« Je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis, encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce Moi dont je m’occupe : »
Dans Mère Coupable plus d’autoportrait mais un portrait fait par le Tartuffe de la probité son ennemi : canaille « de valet, barbier, chirurgien, vous l’avez établi trésorier, secrétaire ; une espèce de factotum » cherche à le discréditer pour l’éloigner car il est honnête et sait trop d choses. Plus de musique. En temps de deuil et de culpabilité gaieté et musique ne sont plus de saison.

 Musique et comique :
Musique accompagne la gaieté cf « l’ancienne et franche gaieté » sert la bouffonnerie et le travestissement
Barbier : l’ancien valet devient le maître d’Almaviva, renversement. En lui prêtant sa guitare et en lui faisant répéter son rôle de cavalier ayant « l’ivresse du peuple » 2ème acte à dominante farcesque renversement burlesque. ( qui choqua certains nobles délicats) subterfuge qui échoue cependant. Satire des médecins cf Molière.
Ex aussi de la ritournelle grivoise de Bartolo en contraste avec le duo des amants de sensibilité galante.
Dans Mariage dimension bouffonne assurée par Bazile,  retour scène 10 du IV ème acte fait rire : il arrive «  entouré d’un village entier parce qu’il chante en marchant » comme un nouveau messie drainant les foules. Air connu du public de l’époque qui fait l’apologie de l’inconstance. Cf Cœur sensibles, cœurs fidèles/ Qui blâmez l’amour léger/ Cessez vos plaintes cruelles : est-ce un crime de changer, si l’Amour porte des ailes/ n’est ce pas pour voltiger ?
Comique qui repose sur des effets de décalages : caractère léger de Bazile détonne avec le sérieux de l’union de Figaro et Suzanne + sa propre demande en mariage de Marceline s’accorde plus avec le dessein libertin du Comte : ironie dramatique ;

Beaumarchais et la musique (suite 2)



Musique : la voix du cœur passion et mélancolie
Provoque sourire d’attendrissement, langage de l’aveu et de la communion des amants, code non accessible aux tiers importuns. 3ème acte du Barbier Rosine veut chasser son barbon au motif que « la musique n’a nul attrait pour lui pour se ménager un entretien galant avec Lindor-Alonzo-Almaviva
A deux reprises quand les amants sont seuls : à distance Lindor chante son air «  Rosine Tut me dit que lindor est charmant/ que je dois l’aimer constamment »
Sommeil de Bartholo durant la leçon de musique cf didascalie : « En l’écoutant Bartholo s’ est assoupi. Le Comte, pendant a petite reprise, se hasarde à prendre une main qu’il couvre de baisers. L’émotion ralentit le chant de Rosine, l’affaiblit et finit par lui couper la voix au milieu de a cadence au mot « extrême ». L’orchestre suit le mouvement de la chanteuse, affaiblit son jeu et se tait avec elle. L’absence du bruit qui avait endormi Bartholo le réveille. Le Comte se relève, Rosine et l’orchestre reprennent subitement la suite de l’air… »
Le chant leur permet de se parler à mots couverts et la musique sert de prétexte à contacts ;
Ariette de Rosine chantée seulement à  la première puis supprimée au grand dam de Beaumarchais
Dans Mariage, romance de chérubin médiatrice de la passion, mais Suzanne et la Comtesse appâtent le Comte avec un stratagème musical avec le billet : « Chanson nouvelle, sur l’air :… Qu’il fera beau ce soir sous les grands marronniers »
Identité entre musique et badinage.
Pôle de la tristesse mélancolique = la Comtesse cf Mozart dans l’Aria au début du 2ème acte cf Rosine dans le Barbier : «  Mon excuse est dans mon malheur : seule, enfermée, en butte à la persécution d’un homme odieux, est-ce un crime de tenter de sortir de l’esclavage ? » Seul moment de bonheur la leçon de musique de la sc4 de l’acte III Dans le Mariage elle délègue à Suzanne l’accompagnement de Chérubin, silence musical qui annonce le silence de la Mère Coupable : intériorisée la musique dans les lettres conservées de Chérubin…

Beaumarchais et la musique dans la trilogie ( Cours à apprendre)



Beaumarchais et la musique :
In « lettre Modérée », préface du Barbier:  « toujours chéri la musique sans inconstance et même sans infidélité »
Beaumarchais= maître de harpe de mesdames filles de Louis 15, carrière de courtisan. Compositeur de nombreuses chansons populaires célèbres car Beaumarchais était connu pour ses nombreuses « affaires ».

Version originale du Barbier= opéra-comique, refusé par les comédiens italiens, Beaumarchais l’adapte pour les comédiens français : théâtre. Conserve des chansons, mode de l’opéra comique.

Réfléchit à une voie pour renouveler l’opéra dans le sillage de Gluck. Tarare = livret d’opéra 1787
Dirigea lui-même une adaptation du mariage sur la musique des Noces de Mozart en 1793

1.       Musique dans l’action des comédies : « couleur locale » et naturel
9 passages musicaux dans le Barbier et 8 dans le Mariage ( voir le livre de Philip Robinson)
Beaumarchais inventeur des paroles, orchestration d’Antoine-Laurent Baudron, premier violon de la comédie française.
Dans Barbier : Comte, Figaro, Rosine se caractérise chacun par une chanson. Le joyeux barbier compose et se permet une pique à l’adresse des librettistes : « mon dieu nos faiseurs d’opéras comiques n’y regardent pas de si près. Aujourd’hui, ce qui ne vaut pas la peine d’être dit on le chante. »

Guitare qui peint l’atmosphère espagnole: Barbier « Figaro « une guitare sur le dos attachée en bandoulière » sc6 il la confie à Almaviva pour que celui-ci ne dénote pas à Séville, l’oublie emporté par l’intrigue : "j’oublie ma guitare, moi, Je suis donc fou ! »
Clavecin de Rosine mais on ne le voit pas rangé dans le cabinet attenant, Mariage : clavecin fonction de rappel à travers le personnage de Bazile «  maître de clavecin de la Comtesse » : autoportrait professionnel : «  Homme à talent sur l’orgue du village, je montre le clavecin à madame, à chanter à ses femmes, la mandoline aux pages ; et mon emploi surtout est d’amuser votre compagnie avec ma guitare, quand il vous plaît de l’ordonner. »
Guitare utilisée par la Comtesse pour accompagner Chérubin, Suzanne aussi, Bazille pour la sortie de la scène 23 en accompagnant la séguedille de Figaro annonce aussi par Figaro de l’arrivée des « jeunes vassaux des deux sexes » porteurs de violons et de cornemuses pour la noce. » II,20 quatrième acte finalement : longue pantomime de danse, fandango accompagné de castagnettes. Bazile revient,  Figaro veut le faire « déchanter », introduit l’air du vaudeville final tout en « tenant sa guitare » musique évoque l’Espagne où Beaumarchais s’était rendu en 1764-1765
+ papier à musique, partitions cf Rosine et la partition de La Précaution Inutile, Comtesse et la romance de Chérubin, texte qui circule : monnaie d’échange contre le « ruban » que tient Suzanne .

Typologie des formes musicales :
Parole chantonnée, comme des improvisations spontanées par ex Suzanne » court ouvrir en chantant » pour accueillir son Figaro II,1
Chansons : ritournelle de Bartholo, séguedille de Figaro, romance de Chérubin, ariette de Rosine, vaudeville du Mariage ( travailler le vocabulaire.)
Vaudevilles et ariettes formes paradigmatiques de l’opéra comique : 1. Air connu simple qui court par la ville dont on cite ou modifie les paroles
2. 2ème moitié du siècle sur le modèle des arias de l’opéra italien.
Romances prisées dans les cercles pour leur sentimentalité et la simplicité des accompagnements au piano forte ; genre à la fois populaire et aristocratique ;
Séguedille : forme espagnole découverte par B. pendant son voyage en Espagne avec la danse du fandango, pièce originale car la romance sur l’air de Malbrouck est connue ;
Musique pour mimer l’orage nocturne entre l’acte III et Iv du Barbier : tempête qui crée une intensité dramatique// tempête intérieure que traversent les amants:
« Pendant l’entracte, le théâtre s’obscurcit ; on entend un bruit d’orage, et l’orchestre joue celui qui est gravé dans le recueil de la musique du barbier  »
Musique dans la pièce et dans les entractes. Présente en particulier dans les moments stratégiques de l’intrigue exposition et dénouement.
Dès la 2ème scène dans le Barbier avec la composition de Figaro cf aussi la variante du Mariage reprise  en ouverture dans la mise en scène de Rémi Barché autour de trois générations de mélomanes : Bazile, Figaro, et Chérubin qui essaient de composer un air pour les noces de ce dernier. Figaro raille le couplet écrit par le page et composé par le maître à chanter, lui oppose les airs simples des vaudevilles et des séguedilles et entonne celle que l’on retrouve à l’acte IV de l’édition définitive.
Intrigue du Mariage dénouée avant le vaudeville mais un « ballet général » vient conclure gaiement la pièce ; cf Tout finit par des chansons »

Vraisemblance et motivation des airs
Introduits dans et par le discours ex entrée du Comte faussement ivre au 2ème acte du Barbier, sa satire des médecins sur l’air de « Vive le vin » est parlée avant d’être chantée II,13
Bartolo plus tard cherche en se grattant la tête et chante en faisant claquer ses pouces et dansant comme les vieillards pour sa ritournelle II, 4et 5
Air de Lindor rendu nécessaire par le message envoyé à Rosine, ariette de cette dernière puisqu’elle prend sa leçon.
 Dans Mariage: Chérubin poussé à chanter par Suzanne et la Comtesse II, 4
Ritournelle de Bartholo amenée par sa nostalgie « de ces petits airs qu’on chantait dans sa jeunesse »
Séguedille de Figaro dramatisée par le héros expert en intrigues qui raille Bazile : tu n’as pas l’air entrain de chanter ; veux-tu que je commence ? allons gai, haut, la-mi-la pour ma fiancée » II,23
Retour de Bazille annoncé par l’huissier IV, 9
Le spectateur n’est jamais surpris d’entendre un personnage chanter puisque tout air est préparé par le discours qui l’environne.
Musique qui étoffe l’intrigue où elle s’insère. Moment de détente  ponctuant une séquence de tension. 2ème acte du Barbier 15 scènes, entrée du Comte déguisé en cavalier saoul, tout tourne autour de la transgression, tension pour faire échapper Rosine à son tuteur tyran, gradation de la tension : comique qui prévaut seulement dans les scènes de farce liées au déguisement du Comte, moments gratuits sur le plan fonctionnel de l’intrigue : détendre le public en sympathie avec les jeunes gens.
2ème acte du Mariage centré sur Chérubin : romance touchante, donc musique instaure tension : transgression
Dans le dernier acte, chant après le monologue de Figaro, Chérubin reprend l’air de sa romance comme sa signature scénique et vocale: « emblème de l’inconstance » : le fait que Chérubin veuille embrasser Suzanne pour n’avoir finalement que la joue du Compte permet à la Comtesse de relativiser son trouble et permet in fine sa réconciliation avec elle-même et son mari. Inconstance sentimentale traitée en chanson et sur le mode comique // oscillations de l’intensité du drame entre gaieté et mélancolie.
Musique qui remplit donc de réelles fonctions dramatiques.

Compilation des notes de mise en scène de Guillaume Clayssen

Pour vous aider à approfondir l'analyse de spectacle de Lettres Persanes et à remplir la grille d'analyse, je vous propose un assemblage de ce que dit Guillaume Clayssen à propos de son travail.



D’après le carnet de mise en scène et le dossier pédagogique.

Théâtre rhapsodique : fait de collages, de tissages de textes et de moments mais structure du roman respectée, lettres non lues énumérées ainsi que les lieux où elles ont été écrites et les destinataires, moments qui scandent le spectacle, à la fois abstrait et concret. Fait ressentir à chacun le temps qui passe, mais aussi caractère tragique du roman, machine infernale de la petite et grande Histoire, transe, liturgie théâtrale.
Défi : Partir d’un texte non dramatique et en trouver le chemin dramaturgique. Référence à Brook pour l’espace vide, pas réécriture du roman sous forme de dialogue, mais adresse sur scène de l’un à l’autre parfois, pas seulement au public.
Recherche d’ »une poésie de plateau »

Une convention indispensable avec le public : les acteurs qui disent ces lettres ne sont pas à proprement parler les personnages du roman, mais plutôt nos contemporains mus par la nécessité de faire entendre aujourd’hui cette parole du XVIIIème siècle. Les comédiens prêtent leur voix et leur corps à cette correspondance magnifique, mais sans jamais s’y confondre.
Cette distanciation engendre paradoxalement beaucoup plus de jeu sur scène car elle donne une grande liberté et une grande poésie aux acteurs dans la manière de dire et d’interpréter ces lettres.
Elle introduit aussi un dialogue à la fois critique et drôle avec l’Œuvre de Montesquieu.


Forme naturellement digressive des lettres autorise l’introduction d’une autre trame, celle du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui
Faire dialoguer le roman avec nos contemporains en traçant à l’intérieur du texte des lignes de fuite, en inventant de nouvelles digressions.
Nature joyeusement expérimentale du projet
La création collective qu’on appelle « théâtre » doit être pour moi une communauté des imaginaires. Chacun doit rêver à l’intérieur du rêve de l’autre. (Pas de « direction d’acteurs » guetter les signaux plus ou moins forts que chaque acteur envoie avec conscience ou non et qui indiquent le lieu précis d’où il rêve, l’accompagner)

Une dramaturgie des correspondances (échange épistolaire mais tous les sens du mot correspondance : Montesquieu élabore une véritable philosophie du proche et du lointain et invente un procédé que l’ethnologie reprendra à son compte : se voir sous les yeux de l’Etranger pour mieux apprendre qui l’on est. C’est par le détour de l’Autre qu’un vrai retour à soi est possible, un retour éclairé, un retour incarné. Rapprocher ce qui est lointain, éloigner ce qui est proche.
Correspondances des arts, correspondances des époques, correspondance poétique
Mon désir de mettre en scène ce texte de Montesquieu se fonde avant tout sur ses résonances incroyables avec le monde contemporain. Qu’a à nous dire dans cette époque tourmentée qu’est la nôtre, en proie aux intolérances les plus diverses et les plus folles, ce roman épistolaire du XVIIIème siècle ?

Ce roman évoque d’abord le malaise entre les civilisations et la nécessité pour chacune d’entre elles d’être sous le regard de l’autre, ce regard étranger qui permet de se connaître soi-même :
« C'est un grand spectacle pour nous mahométans de voir pour la première fois une ville chrétienne. Je ne parle pas des choses qui frappent d'abord tous les yeux, comme la différence des édifices, des  habits, des principales coutumes : il y a, jusque dans les moindres
bagatelles, quelque chose de singulier que je sens et que je ne sais pas dire. » (Lettre 23)


L’obscurité des Lumières : fonds pessimiste où elles s’enracinent ( Uzbek à la fois philosophe et tyran du sérail mené par des pulsions sadiques à l’égard des femmes) Affronter les zones sombres de l’époque, voir le mal en face et tenter de le penser. Cf Traitement de la lumière : « je tenais à ce que la part d’ombre sur scène ne soit pas écrasée par le feu des projecteurs.
 cf Agamben : Est contemporain celui ou celle qui « est en mesure d’écrire en trempant la plume dans les ténèbres du présent »
Les risques de destruction de notre propre humanité
La philosophie des Lumières n’a jamais été, contrairement à l’image un peu commune qu’on a d’elle,d’un optimisme béat. Au contraire, la clairvoyance des Lumières est venue principalement de la capacité de ses penseurs et écrivains à se plonger dans l’obscurité de leur temps et à voir les dangers profonds et radicaux qui menacent l’humanité. Les Lettres persanes en sont l’exemple parfait.
Certaines lettres, parce qu’elles se plongent dans les ténèbres du siècle de Montesquieu, nous parlent encore du nôtre :
« J'ai ouï dire que la seule invention des bombes avait ôté la liberté à tous les peuples d'Europe. Tu sais que, depuis l'invention de la poudre, il n'y a plus de places imprenables ;c'est-à-dire, Usbek, qu'il n'y a plus d'asile sur la terre contre l'injustice et la violence. »
(Lettre 105)

Refus de l’Orientalisme
Place de la femme dans la société question la plus vive du roman : pour Clayssen la culture qu’elle soit orientale ou occidentale fabrique des différences artificielles entre hommes et femmes, qui ont pour effet de les éloigner les uns des autres et de produire entre eux une méconnaissance réciproque. Usbeck  non seulement assigne les femmes à résidence et les fait surveiller même quand elles se promènent, mais les contraint à des normes morales : bonne épouse fidèle vertueuse, pudique, pas de liberté en dehors du service du mari. Ignorance de la haine profonde que certaines lui vouent. Mais des problèmes aussi en occident : femmes soumises aux désirs des hommes : travestissement ponctuel des acteurs déconstruire les clichés de genre, identité sexuelle est pour  une grande part artificielle et conventionnelle.
CF E. Said : « L’identité humaine est non seulement ni naturelle, ni stable, mais résulte d’une construction intellectuelle quand elle n’est pas inventée de toute pièce. »

Ce roman est notamment une longue méditation sur les difficultés de l’érotisme et de l’amour humains.
Quelle description étonnante dresse Montesquieu de la vie concrète du sérail ! Comment toutes ces femmes enfermées et mariées à un même homme vivent-elles ? Qui sont ces gardiens qu’on a émasculés - les eunuques -surveillant jour et nuit ces épouses dont la souffrance est autant liée à l’incarcération qu’à la frustration du désir ?
Montesquieu donne la parole aux oubliés, aux humiliés, à toutes ces personnes rendues muettes et invisibles par une domination sociale violente, à l’image de cet eunuque dont la vie d’ordinaire anonyme trouve ici un écho très émouvant :
« Dans ce temps de trouble, je n’ai jamais conduit une femme dans le lit de mon maître, je ne l’ai jamais déshabillée, que je ne sois rentré chez moi la rage dans le cœur, et un affreux désespoir dans l’âme. »
(Lettre 9)

Féminisme et démocratie
Enfin, comment ne pas lire aujourd’hui les Lettres persanes à travers la question du féminisme et de la démocratie ? Plus précisément, en quoi la place différente qu’occupe la femme dans chaque société  est-elle révélatrice de l’écart qu’il peut y avoir entre ces sociétés elles-mêmes et donc des malentendus  et des violences qui l’accompagnent ?
Il n’est pas anodin que la lettre qui finit le roman de Montesquieu, soit celle de Roxane, l’épouse préférée d’Usbek, qui révèle à son mari à la fois son infidélité, sa haine et son suicide imminent.
Cette lettre de révolte est d’un féminisme bouleversant :
« Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? Que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs? Non: j'ai pu vivre dans la servitude; mais j'ai toujours été libre : j'ai réformé tes lois sur celles de la nature ; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance. » (Lettre 161)


 Ecoute épistolaire et écoute musicale : musique et chant= mystère, liaison entre les lettres, portée universelle du langage musical( travail de Nicolas Laferrie, musicien présent au plateau.) fonction picturale de la musique : créer des images. + voix d’Emmanuelle de Gasquet : incarnation de l’Etrangère dans l’absolu, l’artiste qui nous semble étrange, nous rend curieux, nous questionne…+ Olav l’acteur norvégien haute contre : construire à l’intérieur du processus de création, cet Autre qui résiste et en même temps permet la connaissance de soi.
L’autre fil conducteur du spectacle est plus lyrique que théâtral : la musique et le chant.
La beauté philosophique des Lettres persanes tient en grande partie dans cette description, en apparence contradictoire, d’une humanité traversée à la fois par les différences et par l’universel.
Montesquieu montre la possibilité, toujours difficilement réalisée mais malgré tout présente, d’un dialogue entre des hommes séparés par les cultures, les sexes, les religions.
Je veux rendre concrètement lyrique cette vérité centrale du roman. C’est pourquoi la musique et le chant coexistent si fortement dans ma mise en scène avec l’écriture de Montesquieu : chants féminins, masculins, chants transgenres, chants persans, français, chants en toutes langues, qui portent en eux l’espoir et l’élan de la paix au milieu des décombres de notre humanité.

Structure du spectacle en trois parties.
Avec mon collaborateur artistique François Mouttapa, inspecteur de lettres de l’Académie de Paris et spécialiste du XVIIIème siècle, nous avons voulu conserver la structure tripartite du roman de Montesquieu tout en rendant plus saillantes et dramatiques, par notre montage de textes, ses différentes tonalités. Ma mise en scène épouse ces grandes ruptures des Lettres persanes et, conformément au principe de liberté que revendique Montesquieu à l’égard du roman épistolaire,déploie à l’intérieur de chaque partie une grammaire théâtrale différente.Mais quel est alors le fil conducteur du spectacle ?


Prologue : un contemporain désire mettre en scène les « Lettres persanes »
Dans la perspective d’entrecroiser le texte de Montesquieu avec une parole contemporaine, j’ai décidé de ne pas commencer immédiatement le spectacle par les lettres. Voulant concrétiser l’idée d’un dialogue entre les Lettres persanes et notre époque, j’ai imaginé un petit prologue dans lequel un spectateur viendrait soudainement interrompre un récital de chants perses pour investir la scène et inventer sur place une mise en scène des Lettres persanes. Cet étrange spectateur, partageant quelque ressemblance avec Peter Quince, l’artisan metteur en scène du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, va distribuer les rôles du roman et avec trois bouts de ficelle faire naître la poésie théâtrale des lettres.


Première partie : l’arrachement
Au commencement des Lettres persanes, l’auteur livre une série de témoignages magnifiques et bouleversants de tous ces acteurs cachés du sérail : les femmes qui y sont enfermées et les eunuques qui les surveillent jour et nuit.
Usbek, le propriétaire des lieux, part pour l’Europe. S’arrachant à sa terre natale, il laisse derrière lui toute cette petite société du sérail qu’il dirige et qui s’afflige de son départ. La tristesse et le désespoir deces êtres reclus et soumis, se manifestent alors dans toute leur vérité.
Dans cette première partie, je prends, si j’ose dire, les lettres à la lettre: elles sont d’abord lues puis progressivement dites et incarnées. L’exil, la distance malheureuse entre les êtres, n’est-il jamais mieux exprimé que dans la lecture solitaire d’une lettre ?
Passer des mots lus aux mots dits sans jamais faire croire à un théâtre dialogué, tel est le chemin délicat et précieux de cette première partie.

Deuxième partie : les étrangetés
Lorsque les Persans découvrent Paris, la première impression qu’ils décrivent est la vitesse incroyable avec laquelle vivent les Parisiens. Totalement inadaptés à ce rythme, nos orientaux ne peuvent pas faire un pas dans la rue sans être bousculés par un passant. De ces chocs pédestres vont naître un  étonnement philosophique et sociologique. Les corps bousculés d’Usbek et Rica mettent en branle leur pensée. Commence alors chez eux le début d’une analyse fine et profonde sur les mœurs occidentales.
Dans cette deuxième partie s’affirme ainsi un moment à la fois burlesque (l’intégration maladroite dans un monde étranger) et réflexif (l’étonnement philosophique et ethnologique provoqué par ces coutumes différentes). Les analyses d’Usbek et Rica sur la vie sociale et politique des européens, suscitent rire et  étonnement. Après les larmes du sérail, la pensée!
Cette pensée jaillit du caractère d’étrangeté qui accompagne toutes les impressions que les deux amis reçoivent du monde peu familier qui les entoure. Et quelle vanité ressort de ce monde ! Des femmes bien nées, souvent défraîchies par le temps, s’habillent et se comportent comme si jeunesse était toujours là ! Un pape vivant en grande pompe se prend pour un roi alors que son pouvoir politique est désormais inexistant ! Bref, tout dans cette société occidentale semble aussi superficiel que le jeu, aussi léger que le vent.
Tout y est étrange et c’est en lisant les observations « ethnologiques » de ces deux persans sur notre propre culture, que nous finissons, lecteurs et spectateurs, par nous rendre compte de cette étrangeté.
L’Occident et le pittoresque étant au cœurde cette deuxième partie, j’imagine une écriture de plateau plus directement théâtrale, plus drôle aussi. Le « metteur en scène » de ces Lettres persanes devient lui-même acteur puisqu’il endosse le rôle de Rica, le compagnon d’Usbek, qui est plus jovial,plus épicurien  que son ami.
L’aspect plus fragmentaire des lettres à ce moment-là, m’incite à construire de petits tableaux satiriques très rythmés où les costumes passent de mains en mains et participent à cette métamorphose permanente et un peu creuse du monde occidental tel que le voit Montesquieu.
Au crépuscule de cette deuxième partie, les deux Persans découvrent derrière les apparences colorées de l’Occident, un monde plus sombre et plus inquiétant fait de crimes historiques comme la traite négrière ou le génocide amérindien. Cette tonalité tragique du roman annonce la troisième partie.


Troisième partie : le théâtre des violences
Si l’Occident est à la fois malade de sa légèreté et de son impérialisme, tout n’est pas parfait non plus en Orient. Usbek et Rica voient beaucoup mieux ce qui passe à l’étranger que ce qui se passe chez eux. Ils sont comme beaucoup d’entre nous : clairvoyants du lointain, aveuglés du proche. La preuve :
ils n’ont pas anticipé la série de révoltes et de désordres qui finit par secouer la vie interne du sérail. Ce chaos n’a qu’une seule cause : le despotisme aveugle avec lequel s’affirme leur pouvoir domestique.
Dans cette troisième partie, Usbek oublie toute la sagesse acquise durant son voyage. Le chef des eunuques lui apprend qu’un étranger -probablement l’amant caché d’une de ses épouses -s’est introduit dans le sérail. La colère d’Usbek est alors sans borne et sa tyrannie resurgit. Il commande aux eunuques de punir ses femmes. Celles-ci, dans des lettres magnifiques, lui crient leur haine et leur révolte. Cette fin de roman est composée comme une tragédie policière. La fable et le suspens sont au cœur de ces dernières lettres. Le pessimisme de l’épilogue le dispute à la beauté et au lyrisme de l’écriture. Ce final mélodramatique appelle une mise en scène qui sublime la présence physique des acteurs par les lumières, la sonorisation de leur voix, la projection agrandie de leur image et enfin le chant.