mercredi 23 novembre 2022

York mardi 29 novembre au Point d'eau d'Oswald

E n prévision de votre venue sur York le mardi 29 novembre, voilà dans les grandes lignes le déroulé de la journée : transmise par le théâtre:

 

Accueil des classes :   à partir 9h30

Début du spectacle : 10h ( durée 1h40 )

Fin 1ere partie :          11h40

12h30 /13h30 :           Repas ( avec les comédiens )  + visite du Point d’Eau par petit groupe et rencontre avec l’équipe

 

Début deuxième partie : 14h

Fin  2ème partie : 16h20

Suivi d’un Bord plateau ( d’une vingtaine de minutes maximum  ). Comme nous avons un autre événement dans le hall à partir de 17h nous ne pourrons aller au-delà de cet horaire.

 

Infos importantes  :

  • Les élèves devront prévoir un repas froid,
  • Dress code : tenue noire de préférence

lundi 21 novembre 2022

Séance du lundi 21 novembre

 -cercle de paroles:, la composition d'une analyse de spectacle par rapport à une trace, me les donner à lire avant le rendu du carnet de création,(Oriane n'a pas ses analyses et traces dans son carnet ), retour sur Fraternité, Conte fantastique, sentiment que la fable n'est pas à la hauteur du projet, interrogation sur le primat de l'émotion, le quatrième mur, l'absence de distanciation, sur le rapport avec le cinéma.

- arrivée du poète Fred Cimbao: lectures des poèmes choisis dans le recueil Absences, échange sur la poésie  et le rapport à la science car à la base il est chercheur en biologie. Temps passé avec lui très agréable.Noter les questions et les réponses qu'il vous a faites.

-Travail sur Richard: échauffement grâce à l'exercice avec la table: créer une rupture dans la marche neutre en utilisant la table, puis utilisation de la table pour dire une réplique, arrêt des autres qui regardent et écoutent.

Reprise du début de notre forme brève: le monologue de Richard dans Henry VI, noter les retours de Fred, le svôtres et le mien.

-Reprise des chansons: impro de la "staracadémie" avec Elise comme meneuse de jeu. reprendre vos chansons sérieusement en consolidant l'apprentissage des textes , les musiques pour la séance du 28.

- Essai de costumes avec les propositions faites. a affiner lundi prochain.

- Reprise des scènes moins travaillées: les femmes devant la Tour qu'on leur interdit, Richard et sa mère ( Jules et Camille), Elisabeth et Richard ( Elise/Lois.) Nous ferons un filage la prochaine fois en 2ème partie de séance.)

- Exercice sur les malédictions pour clore la séance.


dimanche 20 novembre 2022

Mercredi 23 novembre 20H cinéma CGR: Baal de Brecht réalisation Volker Schlondorff

 Sur le site du Festival Augenblick

Durée du film 88mn. 

Article dans Telerama sur le film 

L'ouverture du film 

 Analyse du film

BAAL : un désir de poésie.

Baal est la première pièce théâtrale que Bertolt Brecht écrit à 20 ans et qu’il ne cessera de reprendre et de remanier jusqu’à la veille de sa mort. Cette pièce, écrite dans la continuité de ses poèmes de jeunesse, est son premier combat théâtral. Ecrite en 1918 après son expérience de la terrible guerre, elle dénonce avec force le chaos qu’une bourgeoisie nationaliste allemande a engendré, sacrifiant sans pitié la vie et l’avenir de sa jeunesse. Sa forme poétique jette, par provocations spectaculaires, une lumière crue sur ces temps sombres de la négativité de l’Histoire.
Son héros, Baal, est un poète qui porte le nom d’un Dieu au double visage de la vie et de l’enfer. A l’instar de F. Villon, il est ce « brigand et poète » habité d’un « dérèglement de tous les sens » cher à A. Rimbaud. Il est cet antihéros qui veut jouir librement des corps, du schnaps et du verbe et qui pour cela choisit d’assumer sa solitude face à un monde détruit. Sa parole scandaleuse dénonce autant la bourgeoisie guerrière qu’elle loue l’excès de jouissance. Elle charge les mots d’une puissante insolence propre à incarner autant le chaos du monde que l’a-normalité du poète. Baal incarne celui pour qui désormais « rien n’est sacré. »
Avec Baal, B. Brecht s’inscrit dans le courant des avant-gardes de ces années d’après la première guerre mondiale pour qui la création ne peut que se confronter à la mort et se maintenir en tension avec une société sans pitié ayant envoyé mourir sa jeunesse dans la boucherie des tranchées. Et s’il fait endosser à Baal les excès « voraces » de la jouissance, c’est pour remettre à la jeunesse qui ne peut plus croire dans les valeurs de son monde, la responsabilité de renvoyer en miroir au vieux monde les excès de sa propre haine qui l’habite et dont il ne veut rien savoir. Dans ce face à face entre deux générations, le visage du réel de la jouissance de ce début du XX° Siècle, se révèle. La rébellion de Baal est aussi politique que poétique: « Je vois le monde dans une douce lumière : il est l’excrément du Bon Dieu. »
Pour faire face à l’enfer de ces temps sombres de l’Histoire et en dénoncer les horreurs, Baal-Brecht choisit la poésie pour faire sa place au sujet d’une énonciation poétique renouvelant radicalement la langue. Prenant appui sur la béance ouverte dans l’Autre par la jouissance mortifère de la guerre de 14-18, B. Brecht interroge ce qu’est cette jouissance a-normale et cherche à s’en servir pour faire vibrer et résonner autrement le langage. Loin d’une revendication nihiliste ou d’une nostalgie d’un paradis perdu, la poésie de Brecht est celle d’une période sombre où l’eau, le ciel, les nuages, l’arbre, la pluie, le vent sont l’exacte autre face du chaos destructeur. « J’ai une sorte de ciel dans le crane, très vert et sacrément haut, et les pensées flottent là-dessous comme de légers nuages dans le vent. Elles sont tout à fait indécises quant à la direction. Mais tout cela est en moi. 

A vec Baal, Brecht engage son théâtre et sa poésie dans la dénonciation politique de cette part obscure de la jouissance que la société bourgeoise de son époque veut ignorer comme étant le plus secret d’elle-même, mais aussi il les engage dans l’affirmation qu’il est possible d’intégrer cette jouissance transgressive au langage pour en renouveler les forces vives et produire du nouveau. Avec Baal, il affirme la présence des mots face à la mort. Il soutient qu’il est possible de parler et d’écrire pour faire face à la violence qui réduit toute voix au silence.
Christine Letailleur a choisi de mettre-en-scène cette première pièce de B. Brecht de 1919, dans sa traduction d’E. Recoing et avec S. Nordey dans le rôle de Baal, avec le parti-pris dramaturgique d’ « incarner la puissance poétique de cette œuvre de jeunesse et en révéler sa fascinante beauté » . Avec cette première pièce, Brecht fait monter sa poésie sur la scène théâtrale pour donner une voix au poids, à la force et à la vie des mots, contre la pulsion de mort. Interrogée sur son choix de cette pièce, C. Letailleur déclare : « En fait, je me suis aperçue, à travers les œuvres que je montais, qu’une question me taraudait, m’obsédait : la question du désir. » Pour elle, le désir signifie « le regret d’une étoile, d’un astre disparu » . En mettant-en-scène la construction fragmentée, les images scandaleuses et les vibrations de la langue poétique de « Baal », C. Letailleur choisit de révéler le chant du désir de poésie de B. Brecht. Ce chant de Brecht, en sublimant l’excès d’une jouissance inhumaine et en renouvelant les forces vives du désir, nous parle des enjeux politiques de notre XXI° Siècle.

Marie-Christine Baillehache.

samedi 19 novembre 2022

Pour le lundi 21 novembre

 - être prêt à accueillir le poète, Fred Cimbao, qui viendra à 14h30 donc avoir préparé les poèmes que vous allez lire.

-Réfléchir aux costumes pour Richard III

-Travailler les chansons et les scènes!

vendredi 18 novembre 2022

Au cinéma CGR COlmar à partir de mercredi 15 novembre, Les Amandiers ( sur la troupe de Chéreau à Nanterre) + Documentaire sur le film (ARTE)

 Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d'entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l'amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.

Le film vous propose une plongée dans une expérience d'école de théâtre extraordinaire. A ne pas manquer.

Une occasion de découvrir le travail du grand metteur en scène Patrice Chéreau à travers cette fiction.

Dossier sur le film

Les Amandiers aux amandiers documentaire sur le tournage du film et le travail de Valeria Bruni Tedesci.

A faire pour jeudi prochain

 Recherche sur Lars Eidinger et sa collaboration avec Ostermeir. Jeter un oeil sur son rôle dans Hamlet.

Relire le résumé de Richard III qui figure dans votre édition afin d'entretenir la mémoire de la fable, qui est qui, qui fait quoi?

Recherche sur le nom Harry VI.

+ l'exercice demandé pour le jeudi 17 novembre que j'ai oublié de corriger: trouver des exemples pris dans Richard III pour montrer l'influence de Stanislavski, Meyerhold et Brecht dans la direction d'acteurs d'Ostermier.

Cours du jeudi 17 novembre: le traitement des spectres dans les deux mises en scène.

 

Dans le texte de William Shakespeare ( acte V scène III), les spectres s’adressent tantôt à Richmond endormi pour l’encourager et lui apporter leur bénédiction avant la bataille, tantôt à Richard pour lui jeter des malédictions (« Et que, privée de son tranchant, ton épée retombe »). Les adresses aux deux ennemis sont intercalées.

 Thomas Ostermeier a fait le choix de faire disparaître Richmond, seulement nommé, et les bénédictions qui lui sont adressées ont par conséquent été coupées. Ce choix relève d’un resserrement de la fable autour du personnage de Richard. Les spectres surgissent telle la mauvaise conscience du roi. 

Thomas Jolly a conservé le texte mais l’a arrangé : il a découpé bénédictions et malédictions en deux temps. Les spectres encouragent d’abord Richmond, puis ce dernier disparaît et Richard, caché dans l’ombre, réapparaît et s’affole de la présence inquiétante de tous ces spectres dressés autour de lui. Ce choix lui permet de creuser radicalement l’opposition entre bénédictions et malédictions, puisque ces dernières seront marquées du sceau cinématographique et de ses effets spectaculaires.

À quels codes cinématographiques vous renvoie la captation de la mise en scène de Thomas Jolly ? Pouvez-vous en dire autant de la captation celle d'Ostermeir?

La captation de Jolly alterne à un rythme extrêmement soutenu les images des visages des spectres, avec la superposition, dans la même image, de flash-back montrant la mort de ceux qui parlent. C’est le cas avec Henry VI, Clarence, Hastings et Lady Anne (dont la mise en scène montre qu’elle a été empoisonnée). Des plans montrent également le spectre vociférant et la silhouette recroquevillée de Richard au premier plan. Une lumière de type stroboscope mène la cadence et toutes ces images apparaissent comme subliminales. Nous sommes définitivement plongés dans les codes du film d’horreur. La captation devient un véritable objet de cinéma et il est difficile dans ces conditions de rendre compte fidèlement de la mise en scène elle-même.

À l’inverse, dans la captation d'Ostermeir, une certaine fidélité à la mise en scène est palpable. En dehors d’un plan en plongée sur Richard assoupi et les spectres l’entourant, les mouvements de caméra se résument à des plans larges sur la scène, permettant d’apercevoir la façade et les images filmées en direct par la caméra-micro, des plans moyens et des gros plans sur le visage de Richard, des spectres, ou encore sur le micro passant très lentement de main en main. La captation ne cherche pas d’effets et rend compte surtout de la tension extrême du jeu sur le plateau, créée par la mise en scène.

Observez le traitement de l’espace dans l’une et l’autre des mises en scène. Que pouvez-vous remarquer ?

Chez Thomas Ostermeier, l’espace s’est comme épuré, ce qui relève d’une forme d’illusion, car rien n’a véritablement changé. Cette impression est cependant intéressante, car elle montre que, plongés dans la pénombre, nous sommes focalisés sur les cauchemars d’un Richard assoupi au centre de la scène, entouré des restes de cotillons et du sang de Clarence.

La mise en scène de Thomas Jolly joue sur un effet conclusif : en effet, la trappe par laquelle surgissait Richard au début de la captation est à nouveau ouverte, par deux spectres (dont Lady Anne). La boucle est bouclée à ceci près que ce sont les malédictions qui semblent jaillir de cette trappe, et non plus Richard lui-même. En tout cas, il s’agit bien, comme dans le théâtre élisabéthain, d’une trappe de l’enfer (que la scénographie élisabéthaine appelait justement « hell »).

Observez les costumes des deux Richard. Que pouvez-vous en dire ?

Lars Eidinger, au moment de son couronnement, revêt un corset qui le redresse en même temps qu’il l’emprisonne, ainsi qu’une minerve. Dans cette scène, il s’en débarrasse et paraît quasiment nu pour la fin de la pièce : il ne porte plus qu’un slip couleur chair, ses chaussures, son casque et sa bosse.

Thomas Jolly a également changé de costume depuis la scène de Lady Anne. Il porte désormais un pantalon argenté scintillant, un cache-cœur sans manche bordé d’un biais doré et sa bosse emplumée arbore toujours sa noirceur, parsemée de quelques plumes de faisan. Sa couronne semble faite de pointes d’épée soudées ensembles. Le changement le plus radical se situe au niveau des yeux : l’acteur semble porter des lentilles rouges tandis que ses dents luisent, grâce à un étrange protège-dent.

Observez comment la lumière structure l’espace.

Dans la mise en scène de Thomas Ostermeier, il y a trois sources lumineuses : la première est celle des projecteurs qui progressivement n’entourent que le lit et plongent le reste de la scène dans la pénombre. La deuxième émane du micro-caméra qui éclaire les visages en les filmant. La troisième est la conséquence de la deuxième : les images filmées sont projetées sur le mur en pisé, permettant d’entrapercevoir furtivement l’ombre inquiétante de Margaret.

Chez Thomas Jolly, les sources lumineuses sont plus difficilement identifiables car elles sont nombreuses et changeantes. Aux faisceaux rougeoyants qui structuraient l’espace de Richmond se substitue un éclairage blanc bleuté, tout à fait spectral. Six faisceaux blancs déchirent l’espace de part en part au moment de l’arrivée du cheval blanc portant les enfants d’Édouard. Puis la lumière blanche de quatre projecteurs tombe en douche sur les spectres statufiés. L’ouverture de la trappe déclenche l’effet stroboscopique de la lumière. L’univers en noir et blanc de cette scène n’est contredit que par les rubans rouges – figurant le sang des victimes – fusant dans l’espace, ainsi que par les teintes vertes ou bleues des personnages.

Dans quelle mise en scène les accessoires semblent-ils les plus utilisés ?

C’est indéniablement dans la mise en scène de Thomas Ostermeier que les accessoires sont les plus importants : la table devient un lit, la nappe qui couvrait le corps de Richard tel un manteau de fortune, le drap ; il n’y a que l’oreiller et la couverture en fourrure qui ne fassent l’objet d’une métamorphose. L’élément absolument central dans les accessoires demeure ici le micro-caméra. Il est utilisé par les spectres et ceci est une nouveauté marquant le basculement symbolique du pouvoir.

Sur le plan du rythme et du volume sonore, qu’est-ce qui distingue fortement les deux mises en scène ?

La mise en scène de Thomas Ostermeier fait un usage particulièrement frappant de la lenteur, aussi bien dans les déplacements des spectres que dans leur usage de la parole. Ils ne sont pas hiératiques pour autant, mais tout se fait avec une décélération évidente et un grand calme. Cette remarque vaut également pour le volume vocal, extrêmement contenu, voire chuchoté. Chez Ostermeier, la lenteur produit un effet de fascination et invite le spectateur à une cérémonie tout intériorisée. À l’inverse, la mise en scène de Thomas Jolly fait preuve d’une rapidité extrême et les hurlements sont partagés par l’ensemble des acteurs. Jolly fait plutôt appel à un spectateur de livres d’images ou de films fantastiques.

Reconnaissez-vous tous les personnages ?

Chez Thomas Ostermeier, tous les personnages vus au fil de la pièce réapparaissent ici, y compris des rôles secondaires comme celui de Margaret. Chez Thomas Jolly, toutes les victimes de Richard, y compris celles de la pièce Henry VI, réapparaissent.


Montrez comment, dans cette scène, l’une des mises en scène semble aller vers plus d’abstraction, tandis que la seconde paraît chargée de tous les évènements qui la précèdent dans la pièce.

Concernant la mise en scène allemande, l’espace n’a guère changé mais il semble concentré autour de Richard (ce qu’accentue le plan en plongée sur sa silhouette assoupie). La lumière en halo participe bien sûr de cette impression de resserrement. Nous sommes en présence d’un « final » : tous les « assassinés » défilent, entrent dans la lumière entourant Richard et rendent compte de tout ce que l’on a vu durant les deux heures vingt qui précèdent.

La mise en scène française, en plus de la trappe, fait force usage de fumée, accentuant l’aspect diabolique et dramatisant le moment représenté. Nous sommes bien dans les codes du spectaculaire. À l’inverse de la mise en scène allemande, l’espace semble totalement saturé d’objets divers, mais encore une fois, ce n’est peut-être qu’une impression et celle-ci s’appuie sur la visibilité réduite quant à la mise en scène réelle, en raison des effets de montage.

Montrez comment, dans la mise en scène de Thomas Ostermeier, les acteurs passent habilement d’un rôle à un autre. Chez Thomas Jolly, soulignez comment cette scène porte la trace des spectacles passés.

Thomas Ostermeier a réduit son équipe d’acteurs et ceux-ci se retrouvent à jouer plusieurs personnages. Aussi, dès que l’acteur (Robert Beyer) jouant Catesby est sorti, il revêt rapidement la perruque et la robe de Margaret pour se tenir sur le balcon : nous ne faisons qu’entrapercevoir sa silhouette, à la faveur de la lumière produite sur la façade en pisé par les images projetées, mais sa présence demeure symbolique de l’aspect conclusif de la scène, de la mise en œuvre des malédictions de Margaret dans l’acte I et enfin de la vengeance collective. L’acteur Sebastian Schwarz quitte la scène et Richard dans son rôle de l’inquiétant et dangereux Ratcliff pour reparaître dans celui du spectre d’Hastings, personnage légaliste et dupe. Christoph Gawenda passe lui du spectre de Clarence à la manipulation de la marionnette du prince de Galles. Autant dire que les acteurs prouvent ici leur talent de métamorphose physique, gestuelle et émotionnelle.

Chez Thomas Jolly, nous retrouvons la cohorte des personnages des heures précédentes et même ceux du spectacle fleuve, Henry VI, parties I, II, III, mis en scène en 2014 au festival d'Avignon. Il s’agit bien ici de la fin de la tétralogie

Quels changements radicaux les deux Richard portent-ils sur eux ? Les autres personnages ont-ils changé leur costume ? Expliquez.

Le Richard de Lars Eidinger s’est recouvert le visage d’un masque blanc qui forme des boursouflures, comme des verrues, et ces dernières se détachent par morceaux. Cela donne au personnage un aspect dégradé, comme en décomposition : il est bien alors constitué en monstre, alors que nous ressentions assez régulièrement de l’empathie pour lui. Sa quasi-nudité peut être interprétée comme l'annonce de sa perte du pouvoir et comme un dépouillement vers une fin certaine.Le personnage redevient un être humain qui peut susciter chez le spectateur les affects de la tragédie: la terreur et la pitié, la terreur car il est écrasé par son destin funeste et la pitié car il est, tout puissant qu'il a été, réduit à son statut de mortel dans une solitude absolue et contraint d'affronter ses remords.

Thomas Jolly aussi a fait le choix d’une apparence encore plus monstrueuse pour son Richard. En effet, celui-ci porte des lentilles rouges, ce qui rend son regard fou et malade. De surcroît, son sourire découvre des dents parées d’un protège-dent scintillant, accentuant son aspect inhabituel et inquiétant.

Dans les deux mises en scène, le personnage s’est radicalisé dans sa violence et en porte les traces.

Tous les autres personnages sont habillés comme lors de la précédente apparition, pour des raisons évidentes de convention : il s'agit de ne pas perdre le spectateur, tout en refusant le cliché de la représentation du fantôme par un drap blanc.

Pourquoi l’utilisation du micro-caméra relève-t-elle ici d’un véritable changement dans la mise en scène allemande ?

Tout d’abord, le micro joue également le rôle de « doudou » de Richard : ce dernier le réclame à Ratcliff avant de dormir. Il faut surtout remarquer que c’est la première fois qu’on le lui prend des mains : en effet, les spectres vont le réserver à leur usage. Il s’agit d’une véritable révolution de palais. Ce signe fort signifie que ce sont alors les fantômes, dont le lien avec le public est assuré, qui prennent le pouvoir. Richard, transformé en monstre au visage boursouflé, l’a perdu.

Notons plus globalement que la transformation des accessoires (nappe/drap, table/lit) entre au service de la polysémie et de la sobriété dans la politique des accessoires, ce que l’on peut opposer à l’usage abondant de ceux-ci dans la mise en scène de Thomas Jolly (bougies, écritoire, plume, parchemin, etc.).

À votre avis, quelles indications les comédiens ont-ils reçues pour jouer cette scène ?

Thomas Ostermeier a sans doute demandé à ses comédiens de prendre très au sérieux cette scène des fantômes et de ne pas en faire trop, de ne pas surjouer le hiératisme ou l’affolement. Ceci est particulièrement perceptible grâce au rythme lent, avec la mélodie baroque et le mouvement « piano », selon le vocabulaire musical. Ainsi, tout s’avère rentré et contenu mais puissamment invocatoire, dans un souci permanent d’intensification du rapport à la réalité.

Thomas Jolly a certainement conduit ses comédiens du côté d’une réflexion sur la vengeance et l’énergie des représailles, en termes exacerbés. Aussi, tout est crié et extériorisé.

Que montrent les différents choix de mises en scène dans le rapport au texte de William Shakespeare ?

Chez Thomas Jolly, le montage spectaculaire de la captation, la superposition des images, les flashs éblouissants, les gros plans, les voix amplifiées ajoutent force effet au texte de Shakespeare.

Chez Thomas Ostermeier, la grande confiance accordée à la puissance du texte passe par ce calme glacial et ces fantômes presque doux répétant inlassablement « désespère et meurs ». D’un côté, on observe la quête de procédés cinématographiques, à même d’affoler le spectateur, de l’autre, la parole se suffit à elle-même, par un cérémonial théâtral extrêmement retenu et puissant.

 - version proposée par Thomas Ostermeier, lente et contenue, puis la version choisie par Thomas Jolly, hurlée et extériorisée. Expliquez chacun de ces choix d’un point de vue dramaturgique.

La lenteur et la décélération dans la mise en scène de Thomas Ostermeier souligne une rage contenue et la puissance de la parole simple qui n’a pas besoin d’effet. Pour le metteur en scène allemand, tout commentaire théâtral s’avère inutile, car la charge imprécatoire est déjà puissante. Ostermeier déclare : « la trouvaille principale de cette mise en scène serait de redécouvrir le pouvoir de la parole » (The Theater of Thomas Ostermeier, Peter M. Boenisch, The Routledge, 2016, p. 210), et cette vérité s’applique autant à la scène des spectres qu’à toutes celles étudiées dans la rubrique « scènes comparées ».

À ce jeu rentré, contenu et puissant s’oppose celui des acteurs de la Piccola Familia, extériorisé, hurlé et oppressant. Thomas Jolly joue son Richard d’une façon heurtée et saccadée comme pour signifier sa folie. Sa mise en scène cherche évidemment à impressionner le spectateur et à « lui en mettre plein la vue » sur les dangers d’un tyran.

dimanche 13 novembre 2022

Pistes de correction pour le sujet sur la lumière chez Thomas Jolly

 

La lumière dans la mise en scène de Richard III par Thomas Jolly

Se rappeler Richard III = conclusion de la trilogie de Henry VI pour former une tétralogie chez Jolly

Nommer les créateurs lumière : Antoine Travert et François Maillot.

Donc progression de la lumière dans l’ensemble de l’œuvre : de lumières chaudes et artisanales du début d’Henry VI aux lumières froides de la lumière numérique des projecteurs robots, atmosphère globale  plus sombre.

-        -  L’atmosphère globalement sombre de la pièce,par opposition à Henry VI,  la lumière  chaude qui revient dans le camp de Richmont à la fin de la pièce avant la bataille. Victoire de la vie sur la mort à l’allure providentielle, Dieu avec Richmont.

-        -  Les lumières qui accentuent les partis pris de lecture de la pièce : univers du Roi Edouard, univers paranoïaque  de surveillance, tout le monde suspect de vouloir s’accaparer le pouvoir, méfiance : faisceaux laser qui emprisonnent, structurent l’espace, écrans des caméras de surveillance en fond de scènes qui diffusent une lumière blafarde sur le plateau, société de surveillance mise en place par Edouard qui se méfie de tous et surtout de ses frères cf arrestation de Clarence sur une simple superstition liée à la lettre G

+ intronisation de Richard III, investiture sous la forme d’un concert de star rock/pop avec lumières pas souvent utilisées au théâtre avant Thomas Jolly : faisceaux laser qui balaient le public, vidéos, qui amènent de la couleur : parti pris de montrer l’habileté manipulatrice de Richard, comme une star de rock, il fait faire n’importe quoi au public pris dans l’ambiance du concert, amené à plébisciter un usurpateur, assassin et hypocrite, metteur en scène de sa puissance après avoir feint de se sacrifier pour le bien du peuple dans une mascarade entièrement montée par lui et Buckingham.

-         - Lumières qui plus traditionnellement dessinent des espaces dans une scénographie par ailleurs dépouillée, sans décor, ni mobilier, proche de celle du théâtre élisabéthain : douches qui forment les barreaux de la cellule où est enfermé Clarence dans la Tour avant son assassinat. Tentes représentées avant la bataille par des faisceaux de lumières qui forment un triangle : couleur différente pour chaque camp.

-         - Lumières en contre plongée pour accentuer des émotions de personnages : cf gros plan sur le visage hagard de Clarence pendant son cauchemar, visages maquillés de blancs des personnages qui vont mourir accentués par la lumière.

-      -    Utilisation plus subtile encore de la lumière pour produire des effets symboliques : exemple jeu de Richard diabolique avec le projecteur robot qui devient un véritable personnage : il commande à la lumière, l’éteint d’un tapement de pied. Lumière symbole de son ambition, de sa puissance. Une fois sur le trône la lumière comme les associés va petit à petit l’abandonner. Mais dans la scène Elisabeth/ Richard d’abord c’est elle qui semble acculée par les rais de lumière comme dans une toile, puis ça s’inverse e, elle parvient à se libérer du piège. Autre exemple, la lumière rouge qui vient se poser dans les mains de Richmont comme s’il recevait le soutien divin de la source de vie, symbole quasi mystique du soutien providentiel à celui qui va débarrasser  l’Angleterre du tyran sanguinaire.

 Donc traitement de la lumière extrêmement spectaculaire utilisant toutes les techniques les plus modernes, Jolly, enfant du numérique, avoue une véritable fascination pour les projecteurs commandés qui peuvent aussi contenir des caméras, lumière  quasiment un personnage à part entière de la mise en scène. Elle peut donner le sentiment d’être presque trop présente mais elle n’est jamais gratuite et correspond aux partis pris de mise en scène. On reconnaît d’ailleurs ce traitement lumière dans la dernière création de Thomas Jolly, Star Mania.

samedi 12 novembre 2022

Vendredi 18 novembre 19h: Fraternité, conte fantastique de Caroline Guiel Nguyen

 Attention le spectacle est à 19h

Lien vers l'émission enregistrée sur le site de la CDC 

Dossier avec photos, réflexions sur la thématique.

 Il était une fois, l’histoire d’une humanité qui avait perdu
la moitié d’elle-même et qui décida d’inventer un lieu
dédié à l’attente de ses absents. Dans ce lieu, femmes et
hommes guettaient le ciel en permanence, parce que tout
avait débuté un jour où le soleil avait disparu derrière la
lune. Tous s’étaient rassemblés pour regarder une éclipse
sans se douter de rien. Elle avait duré 4 minutes... 4
longues minutes... ! Le monde avait été plongé dans une
sorte de pénombre incroyable... En plein après-midi...
Et quand au bout de tout ce temps, le soleil réapparut,
les femmes, les hommes, les enfants... tous regardèrent
à coté d’eux... et ce qu’ils découvrirent bouleversa leur
existence... La moitié des humains n’était plus là. La
moitié de l’humanité avait disparu... Ils appelèrent cet
évènement : “la Grande Eclipse”.

 L’humanité avait besoin d’aide, tous étaient blessés. Et
tous durent se mettre au chevet de tous. Il fallut apaiser
le sentiment de vide laissé par tous ceux qui s’étaient
volatilisés. Il fallut trouver les moyens de dire à un enfant :
ton père t’aime même si tu ne le vois pas, même s’il est
devenu inobservable. Ils durent trouver de nouveaux
outils pour soigner une nouvelle blessure... C’est dans
cette urgence que sont nés de nouveaux lieux, qui
s’installèrent partout dans le monde. On appela ces
lieux : “Centres de soin et de consolation”. Il faut imaginer
ces années d’attentes passées à dresser des couverts
devant des chaises qui restaient toujours vides, à envoyer
des messages sans réponses dans les profondeurs du
cosmos..

Sur le site Théâtre Contemporain ( video, entretien avec la metteuse en scène 


REvue de presse à parcourir après avoir vu le spectacle 

vendredi 11 novembre 2022

La Chanson Im a dog ( mise en scène Thomas Jolly) et le lien avec le public ( retour sur le cours du jeudi avant les vacances)

 Les paroles de cette chanson qui vient clore la première partie du spectacle (fin de l’acte III) sont tirées de
différentes scènes qui précèdent. Ainsi « to take is not to give » est une phrase prononcée par lady Anne quand
elle tombe sous le charme de Richard au début de l’acte I, les questions que Richard III prononce après avoir
interpellé le public par ces mots en le pointant du doigt : « You choose me as your king, I have some questions » (All
seeing heaven, what a world is this? Who is so gross that cannot see this, palpable device? Yet who so bold but says he
sees is not? Bad is the world and all will come to nought) sont celles posées au public lors de la scène du greffier.

 
En pleine interprétation, la musique s’arrête brusquement et Richard demande au public, qui approuve
bruyamment « Are you still with me? », avant de reprendre, puis à nouveau il s’interrompt pour inviter le
public, qui rythme la musique de ses applaudissements, à reprendre le refrain avec lui.

 
À la fin de la chanson, un personnage à moitié nu, à tête de sanglier, symbole de Richard, vient à l’avant-
scène, se tourne dos au public à qui il montre ostensiblement son fessier avant de lui faire des doigts
d’honneur. Ainsi le public est-il renvoyé à sa complicité coupable dans l’ascension de Richard au trône,
et le peuple – rôle que la mise en scène de Thomas Jolly a fait jouer aux spectateurs –, à l’accession d’un
homme au pouvoir dont il sera au final la victime.

 
Cependant, de même que son emprise sur les hommes et les femmes se perd peu à peu une fois qu’il est roi,
de même le caractère privilégié de son lien avec le public finit par être remis en question par les choix mêmes
de mise en scène.

 L’analyse des relations établies avec le public lors de l’acte V est à cet égard éclairante :
c’est directement au public que Richmond, alors seul en scène, s’adresse quand il apparaît à l’acte V avec
ces mots : « Compagnons d’armes, et mes très dévoués amis, meurtris sous le joug de la tyrannie 9 ». C’est
encore au public qu’il déclare au moment de lancer la bataille : « (...) Bien-aimés compatriotes, souvenez-
vous de ceci : Dieu et notre bon droit combattent à nos côtés. » Et si Richard enchaîne en apostrophant ainsi
directement les spectateurs : « N’oubliez pas qui vous devez affronter : une horde de vagabonds, de crapules
et de pleutres, écume de Bretons, misérables bouseux », c’est vers le public que Richmond, après la mort de
Richard, se tourne une dernière fois pour dire « À présent nos blessures civiles sont fermées, la paix revit ».

mardi 8 novembre 2022

La question du réalisme chez Thomas Ostermeier

 

“Raconter des histoires pour parler des conflits dans la société”

« Qu’est-ce donc qui en nous fornique, ment, vole et tue ? » Cette interrogation hante Thomas Ostermeier. L’artiste allemand, figure de proue du théâtre européen, l’a empruntée à Georg Büchner. Il porte ce bagage métaphysique sur la scène du monde, avec la conviction que le théâtre a encore les moyens d’aborder les questions existentielles, sociales et politiques.

Spectacles « sociologiques », liant les individus à un contexte. Ce faisant, il a consolidé sa conception d’un art « réaliste », qui réponde aux partisans de la déconstruction post-dramatique, ( Cherchez ce qu'on appelle le théâtre post-dramatique.) à l’idée que nous n’aurions plus rien de consistant à dire du monde. Car le metteur en scène ne croit pas à la fin des grands récits. Au contraire, il se met en situation de raconter des histoires, dans les pas de Bertolt Brecht. Contre le relativisme contemporain, considérant qu’il y aurait autant de vérités que de spectateurs, il retrouve la possibilité d’une vérité objective.

Pour lui, le réalisme est un puissant moyen d’atteindre le public et il le définit ainsi : « Le réalisme n’est pas la simple représentation du monde tel qu’on le voit. C’est un regard sur le monde, une attitude qui appelle aux changements, née d’une douleur et d’une blessure, qui devient une impulsion pour écrire, et qui veut prendre sa vengeance sur la cécité et la stupidité du monde. (...) Cette attitude veut provoquer l’étonnement face au reconnaissable. Elle montre des processus, c’est-à-dire qu’une action a des suites, des conséquences. C’est l’implacabilité du monde, et quand cette implacabilité monte sur scène, le drame naît. (...) La vie ordinaire est implacable (...). Le noyau du réalisme est la tragédie de la vie ordinaire. » (Ostermeier, Le Théâtre et la peur, « Un réalisme engagé. Le théâtre à l’ère de son accélération », texte de 1999, Actes sud/Le temps du théâtre, 2016).

Partant de ce constat, ce qui est réaliste dans Richard III, c’est d’abord ce goût indéracinable chez Ostermeier pour le fait de raconter des histoires, ici une histoire plurielle. D’abord celle de la « résistible » prise du pouvoir par un tyran ; celle ensuite d’un langage qui manipule ; celle de rapports de pouvoir, de la psychopathologie à l’œuvre dans les sphères politiques ; et enfin celle d’une exclusion produisant ressentiment et vengeance. Autant de thèmes que nous semblons connaître, et qui pourtant, réactivés par le réalisme de la mise en scène, nous étonnent.

Son réalisme enfin va passer par un traitement des émotions et des corps qui nous paraissent en tout point contemporains et donc plus à même de nous émouvoir et de faciliter l’identification avec les personnages. Ostermeier affirme qu’il ne peut se « concentrer que sur des modes de réaction, des rituels affectifs d’aujourd’hui, (...) tout ce répertoire hautement différencié de gestes, d’émotions, de mimiques, de signes corporels qui caractérisent le comportement social moderne (...) dans le rendu des corps. C’est la seule chose qui m’intéresse et beaucoup de gens appellent cela du réalisme. » (Ostermeier et Jörder, Backstage, L’Arche, 2015, pages 118-119). 

Les personnages de son Richard III empruntent des codes vestimentaires et corporels que nous identifions et reconnaissons comme peu éloignés des nôtres : ils portent de beaux vêtements de soirée, s’amusent en buvant des cocktails, pleurent, crachent, s’embrassent, se menacent, se tancent, courent… et leurs actions ont des conséquences dans les scènes qui suivent. Ainsi Richard se désespère-t-il sur sa solitude et son manque d’amour juste après que deux des hommes de la Cour sont entrés sur scène, débraillés, entourés des deux comédiennes, comme s’ils venaient de faire l’amour dans l’inner stage. Ce moment théâtral a à voir avec le très contemporain « marché » de l’amour ou du sexe. « Tragédie de la vie ordinaire » et processus d’exclusion sautent ici aux yeux.