lundi 29 février 2016

Beaumarchais et Figaro dans le Barbier de séville



BEAUMARCHAIS ET FIGARO
Beaumarchais a prêté à Figaro une présence d'esprit instantanée qui lui permet de déjouer les pièges du Comte et de deviner au moindre signe la tactique de l'adversaire.
La présence d'esprit et le sang-froid que Beaumarchais conserve dans l'action deviendront surtout pour Figaro le don de la réplique instantanée. Comme Beaumarchais, Figaro est un excellent tacticien, mais un bien mauvais stratège ; s'il voit très clair de près, sa vision reste confuse lorsqu'il s'agit des conséquences lointaines de ses actes.
Ce que Figaro a bien gardé de Beaumarchais, c'est cette alacrité qu'aucun échec ne peut abattre. Le personnage pourrait dire, comme
l'auteur le dit lui-même : "Les difficultés de tous genres... ne m'ont jamais arrêté sur rien".
Ce mépris des hasards de la fortune, cette obstination à vaincre l'adversité, ce courage clairvoyant, cette discipline de soi-même, n'est-
ce pas là du stoïcisme ? Oui, mais un stoïcisme gai. Cette gaieté est le signe incontestable de l'équilibre d'une vie agitée et d'un tempérament
fait pour l'action. Le roturier Beaumarchais, parvenu au faîte de la gloire et de la richesse, ne subit pas les intrigues de cour, de palais ou
d'antichambre comme une pénible obligation, imposée par l'organisation sociale. Au contraire.
Une société d'où l'intrigue serait exclue serait pour lui le pire des cachots. Sa passion pour les combinaisons compliquées et les diplomaties secrètes va si loin qu'il se prend lui-même aux rets qu'il a tendus.
Figaro se démène dix fois plus qu'il ne faut pour s'assurer la victoire, et l'excès même de son agitation risque de faire échouer ses projets. Cela s'explique en partie par l'amusement qu'il en tire. Le combat l'amuse par lui-même. Il en rechercherait plutôt les occasions qu'il ne les laisserait passer. L'imagination le conduit d'abord. Puis il se prend au jeu : "La difficulté de réussir ne fait qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre" dit Figaro. Une affaire bien compliquée, aux perspectives lointaines, qui met en branle mille intérêts, voilà de quoi exciter l'ardeur de Beaumarchais. Le mythe de Figaro est à la fois l'image directe de Beaumarchais et son image inversée ; à la fois traduction et compensation. Compensation : Figaro triomphe. Il remporte sur le papier ou sur la scène les victoires qu'il n'a pas pu remporter dans la vie ; le masque de Figaro triomphe où a échoué le vrai Beaumarchais. Car la calomnie l'a finalement abattu.


Le Figaro du Barbier de Séville tire son charme de ses imprudences mêmes ; il frôle à chaque instant la catastrophe. C'est miracle que ses calculs réussissent.
Bartholo se révèle un adversaire difficile à manier et il s'en faut de peu que sa prudence bornée ne l'emporte sur l'aventureuse audace de son aide-chirurgien.
Figaro passe son temps dans Le Barbier de Séville à sauver les situations qu'il a souvent lui-même contribué à perdre. Mais l'intrigue où il se complaît est celle d'un homme d'esprit. Esprit et action sont unis chez Beaumarchais avec une franche et robuste gaieté. L'esprit s'attaque à la justice, à  la noblesse, aux courtisans. On s'est étonné que ceux-ci aient été les premiers à applaudir Le Barbier de Séville
et Le Mariage, où tant de traits semblaient les viser. Mais ils comprenaient, connaissant l'homme, qu'il y avait là un jeu, non une attaque dangereuse ; ils comprenaient que l'auteur s'amusait et qu'il ne voulait nullement les faire déchoir de leur rang et débarrasser l'Etat de leurs privilèges et de leur incapacité.
Et puis, si un valet sans rancune leur disait, dans un moment d'amertume, qu'ils ne s'étaient donné que "la peine de naître", la meilleure réponse n'était-elle pas de lui prouver par leurs applaudissements qu'au moins ils étaient nés hommes d'esprit ? Les traits spirituels de Figaro, c'est le peuple qui les a pris au sérieux, ce ne sont ni les nobles qui lui servaient de plastron ni, surtout, l'auteur lui-même.
Comme Figaro, Beaumarchais est "toujours supérieur aux événements". Celui qui a peur, qui s'affole, qui perd la tête dans le danger ne saurait garder, quand la situation est grave pour lui, cette disponibilité de l'intelligence qui permet de voir clair avec finesse et de se livrer au jeu verbal. La force du caractère conditionne le brillant de l'esprit. Pas plus que Figaro, Beaumarchais n'est "absorbé"par les nécessités de l'action.
Gratuits dans ses chefs-d'oeuvre dramatiques, efficaces dans ses
Mémoires, les jeux de l'esprit sont pour Beaumarchais nécessité vitale.
Voltaire n'a jamais pu résister au plaisir de faire un bon mot, dût-il lui en coûter la liberté.
Beaumarchais, disciple admiré du maître, n'aime rien tant que ces joutes où il est sûr de remporter la victoire.
C'est là son grand plaisir.
Philippe Van Tieghem in  "Beaumarchais"  Editions du Seuil 


Le Barbier de Séville à l'Opéra de Paris en février 2016

Plein de documents sur cette oeuvre sur le site de l'Opéra de Paris:
Dansez, chantez 7 minutes à l'opréa de Paris 

Interview du jeune metteur en scène Damiano Michieletto et très belles photos de plateau:
Lamauvaise éducation

Figaro, film de  inspiré Bret Easton Ellis (réalisation) par la musique de Rossini:Figaro

Auteur: Bret Easton Ellis (réalisation)
Figaro est un film comique inspiré par la musique du Barbier de Séville. Un chanteur d’opéra perd sa voix pendant une répétition et part dans une nuit de débauche, avant de revenir et d’être capable de chanter.« J’étais flatté que l’Opéra de Paris vienne vers moi, et surpris qu’il me donne autant de liberté. J’ai voulu faire quelque chose d’assez comique et jouer avec l’image en mouvement comme matériel brut sur une musique d’opéra. Je ne pense pas que ce soit très différent thématiquement de ce qui m’attire habituellement. Il y a une décadence certaine qui se joue ici, mais je ne voulais pas que le film se prenne au sérieux. Alors nous avons cherché des façons d’être exagéré et drôle. Il y avait une énergie sur le plateau qui se répandait et qui était très amusante, et j’espère que cela se sent quand on regarde Figaro. »

article et videos de Culturebox ( première apparition en France en 2014 avec une autre distribution.)

Dossier concernant une autre mise en scène à Reims (A lire pour la présentation de l'oeuvre, le résumé de la fable)

samedi 27 février 2016

Notes sur Avec Joel Pommerat de Marion Boudier (5)



Le spectateur inquiété :
« le trouble » : un état d’instabilité et d’écoute
Etat de perplexité du spectateur devant la complexité du réel et des questionnements humains= « trouble » chez Pommerat,  « état d’ouverture au sens »  « Cet état d’instabilité peut produire de l’inquiétude et de l’anxiété, mais aussi un état d’écoute et d’attention très particulier »
Ce qui est visé c’est « le monde intérieur du spectateur afin qu’en surgissent des réponses neuves, imprévisibles, des résonances mystérieuses » le trouble active le spectateur. Le sens doit s’immiscer entre les lignes. Contre la violence symbolique d’un sens imposé et figé qui immobilise le spectateur au lieu de le mobiliser : inventer un traitement du visible qui respecterait sa part d’invisibilité. : des images qui ouvrent des hors champs, des perspectives : inquiétante étrangeté, clair-obscur, personnages ambivalents, points de vue contradictoires, histoires bancales…création d’une perplexité stimulante. Restituer l’étrangeté du réel. Théâtre = lieu d’expérience et d’expérimentation.
Présentateurs et conteurs : P131
Nombreux dans l’oeuvre : intermédiaires puissants entre salle et scène. Pas conteur bonimenteur chaleureux, présences et voix souvent énigmatiques. Appellent à imaginer et comprendre, surprennent, spectateurs sollicités à participer : apostrophe.
Chaperon Rouge : l’Homme qui raconte vêtu d’un costume noir et le visage barbu : 1ère apparition, cri d’effroi des enfants. Ton monocorde et froid : écoute inquiète et curieuse, il fait peur et séduit comme le loup
Présentateur de « Je tremble » : capable de nous faire «  trembler de joie, et pleurer, de rire, ensemble » étrangeté ancrée dans le familier cf inquiétante étrangeté ( unheimlich) : répétitions rhétorique de la comptine rituel connu
Pinocchio : Pierre Yves Chapalain : clown blanc plutôt menaçant, baigné dans la pénombre et une lumière rouge esthétique foraine et méta théâtrale met en jeu la paradoxale construction d’une fiction vraie : parle avec insistance de l’importance de dire la vérité si bien que l’on commence à s’interroger sur la fiabilité de ses paroles tandis que les êtres masqués qui composent sa compagnie interroge sur la réalité des êtres qui occupent la scène.
Cendrillon : narratrice qui doute elle –même de la fiabilité de sa mémoire, invite le spectateur à mettre en marche son imaginaire, voix narrative féminine alors que sur scène on voit un homme qui effectue des gestes évoquant une langue des signes, des mots sont projetés en fond de scène : histoire, imagination. Les mots qu’ils soient prononcés en voix off, gestués ou écrits sont des signes à interprétés au risque du malentendu comme Sandra en fait l’expérience cf «  Ce n’est pas simple de parler et pas si simple d’écouter » la pénombre oblige à écarquiller les yeux, l’accent italien à tendre l’oreille. Le spectateur doit s’impliquer : «  Si vous avez assez d’imagination, je sais que vous pourrez m’entendre. Et peut-être me comprendre3
Prise en charge du récit par un narrateur pourrait évoquer un principe du théâtre épique ( Brecht) mais les conteurs chez Pommerat servent plus à stimuler une immersion imaginaire qu’à installer une distanciation critique. La relation narrateur- spectateur réduit la distance entre l’espace de la fiction et l’événement théâtral : instant présent, instant concret et imaginaire à la fois.
Dans réunification des deux Corées : présentateur= chanteur androgyne aux paroles incompréhensibles, chansons qui ponctuent l’enchaînement des scènes à la manière d’un espace sonore de projections émotionnelle du spectateur qui est ainsi rappelé à certains émois amoureux indissociables d’un air, d’un rythme, d’une musique…

mercredi 24 février 2016

Journées Portes Ouvertes samedi 27 février

Chers tous,
 je pense beaucoup à vous et vous me manquez. Je suis sûre que vous allez faire de magnifiques Portes Ouvertes pour promouvoir l'enseignement du théâtre dont vous bénéficiez. Plus que jamais les jeunes doivent pouvoir exprimer leur talent, ouvrir leur esprit et leur imagination, se lancer dans la création individuelle et collective pour que la vie s'épanouisse.
N'oubliez pas de prendre des photos et des videos afin d'alimenter le blog et vos carnets de bord.
Je ne pourrai pas être des vôtres car je commence jeudi le 3ème cycle de traitement et les premiers jours sont les plus éprouvants mais Madame Reymann pilotera cette belle matinée avec vous.