jeudi 19 décembre 2013

Antigone de Sophocle dans la mise en scène d'Adel Hakim

Une très intéressante interview d'Adel Hakim
http://inferno-magazine.com/2012/04/04/la-figure-politique-dantigone-entretien-avec-adel-hakim/

 

Début:

Inferno : Pourquoi l’Antigone de Sophocle est-elle encore actuelle aujourd’hui?
Adel Hakim : En fait, ce qui est très étonnant dans la pièce de Sophocle, c’est qu’elle aborde de très nombreux aspects de la société et de la politique. C’est une pièce assez courte mais qui, malgré cette concision, aborde de très nombreux sujets.
Le sujet de la généalogie, par exemple, puisque l’histoire d’Antigone ne se réduit pas simplement à ce qui se passe dans la pièce elle même […] : Œdipe qui veut échapper à son destin mais va faire ce pourquoi qu’il a été programmé, c’est-à-dire tuer son père et coucher avec sa mère. Jocaste et ses quatre enfants: Ismène, Antigone, Etéocle, Polynice et Etéocle et Polynice qui vont s’entretuer. Bref, ce qui est intéressant déjà avec Antigone, c’est qu’elle est le fruit de toute cette lignée-là: extrêmement complexe et extrêmement tragique où les identités ont du mal à se définir, où il y a des conflits de famille assez terribles. […] Donc il y a peut-être cette généalogie où les hommes ne peuvent pas s’empêcher d’être extrêmement violents et les femmes d’être extrêmement amoureuses […]
Et je pense que le grand problème de notre époque est qu’elle montre les événements comme s’ils étaient ponctuels : c’est le grand problème de la télévision c’est-à-dire la perte de relation à l’histoire, à l’histoire des événements. La, il y a eu cet assassin de gamins, Mohamed Merah. Personne ne cherche à comprendre quelle est l’histoire de ce jeune homme, pourquoi il en vient à ça.
C’est une tragédie, c’était un meurtrier il n’y pas des doutes mais Œdipe aussi est un meurtrier et pourtant c’était une des plus grandes figures mythologiques de l’histoire de l’humanité parce que il est relié à une histoire. Et sans glorifier le meurtrier, je pense que c’est très important de raconter les origines d’un processus tragique […] La force de la tragédie et de la mythologie grecques est qu’elle est toujours généalogique et que le public qui allait voir ces pièces savait qui était Antigone, connaissait tout son passé. Cela faisait partie de la culture, et je dirais même que cette question de la généalogie est liée à la culture. Si les gens ne sont pas instruits sur l’histoire de leur culture, alors on entre dans le choc des civilisation.
La culture, c’est tout l’inverse du choc des civilisations: Le Mahabharata, Les Mille et une nuits, ou l’Odyssée, proviennent de trois cultures complètement differentes mais elle s’enrichissent les unes les autres. C’est génial : lorsque Peter Brook a monté le Mahabharata, on a découvert en Occident qui était le Mahabharata. Que les Palestiniens rencontrent Antigone, cela montre bien qu’il n’y pas de choc de civilisations et que Sophocle raconte quelque chose aussi bien d’occidentale que d’orientale ou, surtout, d’universel. La culture est universelle mais pour ça il faut faire le lien avec le généalogie donc voila pourquoi Antigone est intéressante.
Ensuite, la pièce parle des rapports entre les hommes et les femmes: très nettement, Creon ne supporte pas qu’une femme puisse le contredire. L’acteur Hussam Abu Eishehil le rend très bien : Creon a pris une décision et le fait qu’une jeune femme, même très jeune, très mignonne, très belle vienne s’opposer à la loi qu’il a dictée, lui est insupportable. Je crois que ceci, évidement, est très exacerbé dans le société orientale.(...)