Le théâtre dans le théâtre est une pièce (poupée
russe) dans laquelle, à un moment donné, les comédiens jouent une pièce de
théâtre à l'intérieur même de la pièce. Il peut y avoir aussi des « faux »
spectateurs, qui sont des comédiens faisant semblant de regarder.
Il y a alors plusieurs niveaux :
1° les spectateurs dans la salle qui regardent la
pièce (pour « de vrai »)
2° les « faux » spectateurs qui sont des comédiens qui
jouent des spectateurs assistant au « faux » spectacle
3° les comédiens qui jouent à jouer la (seconde)
pièce.
Dans certains cas, la seconde pièce (ou « petite pièce
» ) présente une analogie avec la « grande pièce » et l'ensemble est une mise
en abyme théâtrale. Par exemple : le meurtre de Gonzague et le meurtre de
Hamlet père.
Quelques pièces célèbres qui mettent en oeuvre ce
dispositif
Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare (1600) ou 5 artisans répètent puis
jouent pour le mariage du duc d'Athènes la légende de Pyrame et Thisbé.
L'Illusion comique de Corneille (1635) où un père qui recherche son fils
est "trompé" par un magicien (en réalité un metteur en scène) qui lui
fait croire qu'il peut projeter des images vivantes qui montrent ce qu'est
devenu son fils... En réalité, le père sans le savoir regarde des comédiens
jouer... parmi lesquels son fils devenu comédien...
Les Acteurs de bonne foi de Marivaux : pour distraire une dame de la haute
bourgeoisie, un écrivain de théâtre invente une petite pièce qu'il veut faire
jouer par des paysans et paysannes. Pièce où il faut "jouer" l'amour
mais l'un des paysans qui regarde sa fiancée jouer ne veut pas qu'elle dise des
mots d'amour ou accepte d'en entendre...
Six personnages en quête d'auteur de Pirandello où, durant une répétition de théâtre,
surviennent 6 personnages qui ont vécu une pièce mai que personne n'a encore
écrite. Ils demandent aux comédiens de la jouer. Mais lorsqu'ils observent les
comédiens jouer, ils trouvent que ce n'est pas ce qu'ils ont vécu...
Ce que
nous avons vu
-l'action
dramatique est « bloquée : certes, Hamlet sait qu'on a tué son père;
certes Hamlet a entrepris de jouer le fou pour tromper son monde; certes
Polonius est persuadé qu'Hamlet est malade d'amour depuis qu'Ophélie, sur ses
ordres, a pris des distances avec le jeune prince; mais Hamlet se sait
surveillé par Rosencrantz et Guildenstern; mais Hamlet tarde, hésite et surtout
veut une certitude, une « preuve » de la culpabilité de son oncle.
-L'arrivée
des comédiens va donner l'occasion de d'obtenir cette preuve. 101
-L'arrivée
des comédiens est un contrepoint dramatique. On oublie la tension de l'acte
premier. 90
-cette
arrivée nous fait découvrir un Hamlet passionné et connaisseur de théâtre. 90
95
-La
mention de la « city » fait le lien entre Elseneur et Londres...
-cette
arrivée permet aussi de faire un point sur la situation matérielle de ces
comédiens « condamnés » à être momentanément « ambulant »
90 91
-le
passage entre « théâtre » et « réalité » se fait
progressivement : Hamlet compare Polonius à Jephté qui a sacrifié sa fille; 94
Hamlet récite aux comédiens des vers d'une pièce où Pyrrhus, dans Troie, après
avoir hésité, tue le vieux Priam sans qu'on sache s'il faut rapprocher cette
action du meurtre d'Hamlet père par Claudius ou du meurtre de Claudius par
Hamlet fils 96 97; enfin, Hamlet demande à un comédien de réciter la tirade
d'Hécube, l'épouse du vieux Priam. Le chagrin d'Hécube est immense : par
contraste, Gertrude n'en a pas manifesté un très grand lors de la mort de son
époux 98.
-en
revanche, Hamlet est fasciné par l'aptitude du comédien à ressentir, en jouant,
la douleur d'Hécube 99 100. Dans un monologue, il déplore que sa peine à lui ne
soit pas assez forte encore pour le faire agir; en revanche, il comprend que le
« faux » au théâtre peut être un révélateur du vrai. 100 101
The play within the play ou le
théâtre dans le théâtre
The
mouse trap
Second
temps du piège.
Entre les deux scènes consacrées au théâtre, s'intercale, l'épisode douloureux
où Hamlet est amené à prononcer à l'égard d'Ophélie des paroles bien violentes
et cruelles. S'il joue (mais joue-t-il ou englobe-t-il dans une même
réprobation les femmes, après ce que sa mère a été capable de faire), s'il
joue, Ophélie reçoit la violence comme si elle était vraie. Différence entre le
« vrai » théâtre (où l'on fait semblant) et le « théâtre »
dans la réalité : les dégâts qu'il peut provoquer chez ceux qui ignore qu'on
joue avec eux.
Les
temps forts
111-112 : les conseils de jeu d'Hamlet aux comédiens.
113-115 :
les recommandations à Horatio (surveiller les réactions de Claudius
115-118 :
conversations diverses durant le temps où toute la Cour vient s'installer
(échanges de répliques équivoques d'Hamlet vers Ophélie)
119-120 :
les comédiens jouent une pantomime. Répliques pleines d'équivoque d'Hamlet sur
le sujet de la pantomime, sur l'amour des femmes.
119-122 :
Le meurtre de Gonzague interprété par les comédiens.
122-123 :
Interrogé, Hamlet donne le titre de la pièce, en évoque l'intrigue, pendant que
sur la scène Lucianus le meurtrier apparaît pour commettre son crime.
124-125 :
le roi se lève et sort
125-126 :
Horatio confirme ce qu'Hamlet a vu aussi. Il sait qu'il est aussi bon comédien
que ceux qui viennent de jouer.
Ce
qu'on peut en penser.
En
peu de temps, Hamlet a rempli toutes les fonctions principales du théâtre :
spectateur connaisseur; comédien, metteur en scène, auteur (puisqu'il a écrit
un supplément que les comédiens vont insérer dans le Meurtre de Gonzague.).
La
représentation donnée par Hamlet divise les personnages de la Cour entre ceux
qui sans le savoir se donnent en spectacle et ceux qui sans le faire savoir
observent.
On
retrouvera, mais retournée, le même dispositif dans le duel final : réunion de
la Cour (sans Ophélie) et division entre ceux qui savent et regardent et ceux
qui ne savent pas...
Au
delà de la question de la culpabilité de Claudius, il y a aussi, dans ce
« mousetrap » un questionnement sur la valeur et le pouvoir du
théâtre, sur sa capacité à être miroir de l'humanité, à être aussi un réservoir
de monstres (auxquels finissent par ressembler bien des êtres humains), sur sa
capacité aussi à « émouvoir » un roi (Claudius) qui avait jusque là
été capable de dissimuler ce qu'il y avait en lui.
Pour les metteurs en scène, « mousetrap » est un morceau de choix...
Comment l'organiser scéniquement et que faire dire au théâtre comme art ?