mardi 3 décembre 2013

Le théâtre dans le théâtre Hamlet



Le théâtre dans le théâtre est une pièce (poupée russe) dans laquelle, à un moment donné, les comédiens jouent une pièce de théâtre à l'intérieur même de la pièce. Il peut y avoir aussi des « faux » spectateurs, qui sont des comédiens faisant semblant de regarder.
Il y a alors plusieurs niveaux :
1° les spectateurs dans la salle qui regardent la pièce (pour « de vrai »)
2° les « faux » spectateurs qui sont des comédiens qui jouent des spectateurs assistant au « faux » spectacle
3° les comédiens qui jouent à jouer la (seconde) pièce.
Dans certains cas, la seconde pièce (ou « petite pièce » ) présente une analogie avec la « grande pièce » et l'ensemble est une mise en abyme théâtrale. Par exemple : le meurtre de Gonzague et le meurtre de Hamlet père.
 
Quelques pièces célèbres qui mettent en oeuvre ce dispositif
Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare (1600) ou 5 artisans répètent puis jouent pour le mariage du duc d'Athènes la légende de Pyrame et Thisbé.
L'Illusion comique de Corneille (1635) où un père qui recherche son fils est "trompé" par un magicien (en réalité un metteur en scène) qui lui fait croire qu'il peut projeter des images vivantes qui montrent ce qu'est devenu son fils... En réalité, le père sans le savoir regarde des comédiens jouer... parmi lesquels son fils devenu comédien...
Les Acteurs de bonne foi de Marivaux : pour distraire une dame de la haute bourgeoisie, un écrivain de théâtre invente une petite pièce qu'il veut faire jouer par des paysans et paysannes. Pièce où il faut "jouer" l'amour mais l'un des paysans qui regarde sa fiancée jouer ne veut pas qu'elle dise des mots d'amour ou accepte d'en entendre...
Six personnages en quête d'auteur de Pirandello où, durant une répétition de théâtre, surviennent 6 personnages qui ont vécu une pièce mai que personne n'a encore écrite. Ils demandent aux comédiens de la jouer. Mais lorsqu'ils observent les comédiens jouer, ils trouvent que ce n'est pas ce qu'ils ont vécu...

Ce que nous avons vu
-l'action dramatique est « bloquée : certes, Hamlet sait qu'on a tué son père; certes Hamlet a entrepris de jouer le fou pour tromper son monde; certes Polonius est persuadé qu'Hamlet est malade d'amour depuis qu'Ophélie, sur ses ordres, a pris des distances avec le jeune prince; mais Hamlet se sait surveillé par Rosencrantz et Guildenstern; mais Hamlet tarde, hésite et surtout veut une certitude, une « preuve » de la culpabilité de son oncle.
-L'arrivée des comédiens va donner l'occasion de d'obtenir cette preuve. 101
-L'arrivée des comédiens est un contrepoint dramatique. On oublie la tension de l'acte premier. 90
-cette arrivée nous fait découvrir un Hamlet passionné et connaisseur de théâtre. 90 95
-La mention de la « city » fait le lien entre Elseneur et Londres...
-cette arrivée permet aussi de faire un point sur la situation matérielle de ces comédiens « condamnés » à être momentanément « ambulant » 90 91
-le passage entre « théâtre » et « réalité » se fait progressivement : Hamlet compare Polonius à Jephté qui a sacrifié sa fille; 94 Hamlet récite aux comédiens des vers d'une pièce où Pyrrhus, dans Troie, après avoir hésité, tue le vieux Priam sans qu'on sache s'il faut rapprocher cette action du meurtre d'Hamlet père par Claudius ou du meurtre de Claudius par Hamlet fils 96 97; enfin, Hamlet demande à un comédien de réciter la tirade d'Hécube, l'épouse du vieux Priam. Le chagrin d'Hécube est immense : par contraste, Gertrude n'en a pas manifesté un très grand lors de la mort de son époux 98.
-en revanche, Hamlet est fasciné par l'aptitude du comédien à ressentir, en jouant, la douleur d'Hécube 99 100. Dans un monologue, il déplore que sa peine à lui ne soit pas assez forte encore pour le faire agir; en revanche, il comprend que le « faux » au théâtre peut être un révélateur du vrai. 100 101
 
 
The play within the play ou le théâtre dans le théâtre
The mouse trap
 
Second temps du piège.
  Entre les deux scènes consacrées au théâtre, s'intercale, l'épisode douloureux où Hamlet est amené à prononcer à l'égard d'Ophélie des paroles bien violentes et cruelles. S'il joue (mais joue-t-il ou englobe-t-il dans une même réprobation les femmes, après ce que sa mère a été capable de faire), s'il joue, Ophélie reçoit la violence comme si elle était vraie. Différence entre le « vrai » théâtre (où l'on fait semblant) et le « théâtre » dans la réalité : les dégâts qu'il peut provoquer chez ceux qui ignore qu'on joue avec eux.
  Les temps forts
  111-112 : les conseils de jeu d'Hamlet aux comédiens.
113-115 : les recommandations à Horatio (surveiller les réactions de Claudius
115-118 : conversations diverses durant le temps où toute la Cour vient s'installer (échanges de répliques équivoques d'Hamlet vers Ophélie)
119-120 : les comédiens jouent une pantomime. Répliques pleines d'équivoque d'Hamlet sur le sujet de la pantomime, sur l'amour des femmes.
119-122 : Le meurtre de Gonzague interprété par les comédiens.
122-123 : Interrogé, Hamlet donne le titre de la pièce, en évoque l'intrigue, pendant que sur la scène Lucianus le meurtrier apparaît pour commettre son crime.
124-125 : le roi se lève et sort
125-126 : Horatio confirme ce qu'Hamlet a vu aussi. Il sait qu'il est aussi bon comédien que ceux qui viennent de jouer.
  Ce qu'on peut en penser.
  En peu de temps, Hamlet a rempli toutes les fonctions principales du théâtre : spectateur connaisseur; comédien, metteur en scène, auteur (puisqu'il a écrit un supplément que les comédiens vont insérer dans le Meurtre de Gonzague.).
  La représentation donnée par Hamlet divise les personnages de la Cour entre ceux qui sans le savoir se donnent en spectacle et ceux qui sans le faire savoir observent.
  On retrouvera, mais retournée, le même dispositif dans le duel final : réunion de la Cour (sans Ophélie) et division entre ceux qui savent et regardent et ceux qui ne savent pas...
  Au delà de la question de la culpabilité de Claudius, il y a aussi, dans ce « mousetrap » un questionnement sur la valeur et le pouvoir du théâtre, sur sa capacité à être miroir de l'humanité, à être aussi un réservoir de monstres (auxquels finissent par ressembler bien des êtres humains), sur sa capacité aussi à « émouvoir » un roi (Claudius) qui avait jusque là été capable de dissimuler ce qu'il y avait en lui.
  Pour les metteurs en scène, « mousetrap » est un morceau de choix... Comment l'organiser scéniquement et que faire dire au théâtre comme art ?