Le prologue
Antigone rappelle la malédiction qui pèse sur les
Labdacides tandis que sa soeur
Ismène évoque la mort de leurs frères Étéocle et
Polynice survenue la veille, à la
suite du combat sans merci opposant Thèbes à Argos.
Antigone révèle à sa soeur
que leur oncle Créon, roi de Thèbes, accorde l’honneur
d’une tombe à Étéocle mais
refuse une sépulture à Polynice. Elle annonce son
intention d’ensevelir le corps de
son frère malgré l’interdiction de Créon, et lui
demande de l’aider. Ismène refuse,
préférant obéir aux lois de la cité que d’aller à
une mort certaine et tente de
dissuader sa soeur. En vain. Antigone, convaincue du
bien-fondé de sa démarche,
agira seule.
La parodos
Le premier chant rappelle la terrible guerre qui
vient d’avoir lieu entre Thèbes
conduite par Étéocle, assaillie par Argos, menée par
Polynice. Le dieu de la guerre,
Arès, Thébain comme Dionysos, est intervenu en
faveur de la résistance avec l’appui
de Zeus. Au moment où les deux pencher la balance en
faveur de Thèbes, comme s’ils s’étaient sacrifiés pour obtenir
ce salut.
La victoire obtenue, les Thébains entonnent un chant
à la gloire de Dionysos
(Bacchos), le dieu tutélaire de la ville. Ils
s’adressent à lui en maître, comme un
recours suprême. Prié de conduire le Choeur au
moment où il entre sur scène, il
ouvre la représentation, la fête et le massacre.
Ce chant finit donc sur la victoire de Thèbes (le
Dragon, Étéocle) contre le camp des
Argiens (Argos, l’Aigle, Polynice). Le Dragon a
vaincu l’Aigle.
Premier épisode
Créon s’adresse au Choeur – donc au peuple – dans un
discours solennel qui vise à
la fois à affirmer sa prise de pouvoir et justifier
la décision qu’il vient de prendre, à
savoir enterrer Étéocle avec les honneurs et
interdire à quiconque de pleurer ou de
donner une tombe à celui qui s’est montré traître à
sa patrie : Polynice. En
conséquence, ce dernier sera exposé aux oiseaux de
proie et aux chiens. La
décision de Créon est approuvée par le Choeur.
Arrive alors un des gardes chargés de surveiller le
corps de Polynice. Dans un récit
embrouillé, il apprend que quelqu’un « a aspergé le
corps d’une terre sèche », puis «
est reparti après avoir accompli les rites d’usage »
(vers 246-247). Le garde et le
Coryphée pressentent que cette action est un message
des Dieux, mais Créon,
furieux, accuse des dissidents qui auraient corrompu
les gardes. Il leurs ordonne de
ramener les coupables immédiatement. Le garde,
comprenant l’impossibilité de se
disculper face aux accusations de Créon, ne peut que
partir.
Premier stasimon
Ce chant qui n’est sous la bannière d’aucun dieu,
traite de la grandeur, du pouvoir et
de la puissance de l’homme, exaltant ses conquêtes
sur la nature et les arts de la
civilisation. Cependant, la dernière strophe s’achève
sur l’ambivalence de
l’intelligence humaine, capable du meilleur comme du
pire, et sur une condamnation
de celui qui se révolte contre les lois de la cité.
Ce chant semble donc pencher en faveur de Créon, car
il rejette la transgression
(vers 370-371) :
il [l’homme] s’exclut
Lorsqu’il fraie insolemment avec
l’immoralité
Deuxième épisode
Antigone arrive, menée par le garde qui la «
surprise pendant qu’elle arrangeait la
tombe » (v. 395-396). Interrogé par Créon, il
raconte ce qui s’est passé : revenu
auprès des autres gardes, ils ont dégagé la terre
qui recouvrait le corps en
décomposition de Polynice. Vers midi, suite à « un
ouragan » (v. 417) de poussières,
Antigone a recouvert le corps à nouveau et fait les
libations rituelles. Les gardes l’ont
interrogée, elle a avoué sans résistance.
Commence alors une grande scène d’affrontement entre
Créon et Antigone, où
chacun expose ses principes et sa conception du
monde : Antigone s’appuie sur «
les lois non écrites et infaillibles des dieux » (v.
455), Créon sur celles édictées par la
cité. Face à Antigone qui affirme ne pas craindre la
mort, Créon déclare qu’il brisera
cet orgueil et soupçonne un complot fomenté contre
lui. Antigone affirme avoir agi
seule, avec l’assentiment du peuple thébain. Enfin,
Antigone, pour justifier son geste,
met en avant les droits inaliénables des liens du
sang, tandis que Créon récuse leur
valeur lorsqu’il s’agit d’un ennemi.
Entre alors Ismène, qui tente de s’associer au crime
d’Antigone. Cette dernière
refuse de laisser sa soeur s’accuser ; elle affirme
qu’elles ont choisi des chemins
irrémédiablement différents : « Tu as choisi la vie
; moi, j’ai choisi la mort. » (v. 555).
Malgré les tentatives d’Ismène de faire fléchir Créon
sur sa décision ; Antigone n’estelle
pas la fiancée de son fils Hémon ? Créon proclame la
mort d’Antigone et le
Choryphée entérine la sentence : « C’est décidé,
comme on voit. Cette fille mourra. »
(v. 576).
Deuxième stasimon
Le Choeur médite sur « la plaie antique » (v. 594)
qui depuis toujours s’abat sur les
Labdacides, et pour lesquels le dernier espoir,
incarné par Antigone, vient de
s’évanouir. Zeus est tout-puissant, et aucun pouvoir
humain, naturel ou divin ne peut
s’opposer à ce qu’il a décrété : « La transgression
d’un homme pourrait-elle retenir ta
puissance, Zeus ? » (v.604-605). L’espérance est
vaine d’atteindre la sagesse qui
éloigne de la tragédie, car les hommes dépendent des
dieux, même s’ils mal
agissent : « Celui dont le dieu conduit la pensée
vers la tragédie croit que le mal est
un bien. Il a très peu de temps pour agir en dehors
d’elle. » (v. 622-625).
Le Choeur fait une allusion directe aux agissements
de Créon, en rupture avec les
coutumes auxquelles adhère la cité qu’il gouverne.
Troisième épisode
Hémon entre en scène et commence par un discours d’allégeance
filiale à Créon qui
l’interroge : « Père, je suis à toi. Tu as des principes
excellents qui me tracent le
chemin que je suivrai, car je n’ai aucune raison de
préférer un autre mariage,
puisque tu es mon guide avisé. » (v. 635-638). Créon
le loue pour ces bons
sentiments ; l’obéissance au sein de la famille et
de la cité sont pour lui des vertus
cardinales. La révolte, fruit de l’orgueil, est
impardonnable, l’anarchie est le lit du
désordre, et ses fauteurs sont le plus souvent des
femmes, qu’il faut toujours tenir
fermement : « Il faut donc prendre la défense de l’ordre,
et jamais à aucun prix
n’avoir le dessous devant une femme. » (v. 677-678).
Si le Choeur approuve le
discours de Créon, Hémon, avec diplomatie, tente de
lui faire comprendre que « la
ville » n’approuve pas « la mort ignominieuse »
promise à Antigone et loue plutôt «
l’éclat de ses actions » (v. 695). Il fait l’éloge
de la souplesse, de la sagesse à
s’instruire « auprès de ceux qui ont de bons
arguments » (v. 723) et de la capacité à
revenir sur des décisions déraisonnables. Le Choeur
l’approuve à son tour, mais le
dialogue tourne à l’affrontement sous la forme d’une
stichomythie2. Hémon use des
arguments précédents et accuse lui aussi son père de
piétiner « les honneurs que
l’on doit aux dieux » (v. 745) mais Créon reste
inflexible. Ce dernier fait appeler
Antigone, mais Hémon refuse de la voir mourir sous
ses yeux et sort.
Le Choeur, resté seul avec Créon, tente de le faire
fléchir. Sans succès mais Ismène
sera épargnée. Quant à Antigone, elle sera enterrée
vivante.fils d’OEdipe se sont donnés la mort, il a fait
Troisième stasimon
Troisième stasimon
Le chant est sous la bannière d’Éros et d’Aphrodite.
La puissance de ces dieux
s’étend sur tous les êtres.
Éros porte la guerre « au-delà des mers ». Il
bivouaque sur les « tendres joues des
jeunes femmes », dans « les étables des champs » tel
le berger Pâris. Il domine
celui qui s’en croit le maître (v. 790) et peut
semer – sous-entendu par l’entremise
d’une femme redoutée et redoutable – la discorde
entre un père et son fils (v. 794).
Quant au Désir (Himeros) et à Aphrodite, ils
sont responsables aux yeux du Choeur
du malheur qui s’abat.
Dans cet Hymne à Éros, le Choeur redresse Créon,
non pour épouser sa cause,
mais pour conserver, dans la crise qui se noue, sa
propre position médiane
d’interlocuteur avisé. Il prend parti et s’oppose à
la remise en question inacceptable
de l’autorité royale, inspirée par une femme,
Antigone.
Quatrième épisode et kommos3
A l’entrée d’Antigone, le Choeur ne peut retenir ses
larmes. Antigone entame avec le
Coryphée un dialogue qui est une longue lamentation
sur son sort. Celle qui est
amenée aux Enfers sans avoir connu le mariage : «
seule mortelle, tu descends dans
l’Hadès vivante, et librement. » (v. 821-822), se
compare à Niobé (v. 824), autre
victime de la fureur des dieux. Le Choeur glorifie
Antigone et fait d’elle une demidéesse
par le sort qu’elle va subir, mais cette dernière se
récrie, pensant que le
Choeur se moque. Elle se lamente, disant adieu à la
cité et pleure sur le fait qu’elle
est déjà dans une sorte de limbes : « Ah ! Malheur !
Je ne compte ni parmi les
hommes, ni parmi les cadavres ; Je partage en
étrangère les demeures des nonvivants
et non-morts. » (v. 850-852). Mais le Choeur affirme
qu’Antigone est
responsable de ce qui lui arrive et qu’elle ne fait
que subir la malédiction pesant sur
ses ancêtres. Cette dernière conclut la scène en se
lamentant sur les honneurs
funèbres dont elle sera privée.
Créon réapparaît et ordonne que l’on emmène Antigone
au plus vite. Cette dernière
interpelle le tombeau qui l’attend, elle réaffirme
qu’elle a eu raison de rendre les
honneurs à Polynice et va jusqu’à affirmer que le
lien entre un frère et une soeur est
plus fort que celui existant entre une femme et un
mari (V. 905-915). Elle finit sa
tirade dans un cri de découragement et remet son
destin entre les mains des dieux :
s’ils la jugent impie, elle acceptera son châtiment,
mais dans le cas contraire, elle
espère que le châtiment de ses bourreaux sera moins
terrible que celui qu’ils lui font
endurer. Elle prend une dernière fois le peuple à
témoin et sort.
Quatrième stasimon
Ce chant est sous la bannière des dieux thébains
Zeus, Dionysos et Arès.
Le Choeur se livre à une série de comparaisons entre
la condamnation d’Antigone et
d’autres figures mythiques :
♦ Danaé, enfermée dans une prison souterraine par
son père qui craignait qu’elle
n’ait un enfant qui le renverse. Séduite par Zeus,
elle donne naissance à
Persée. Courroucé, son pèreles enferme tous les deux
dans un coffre qu’il jette à la mer On peut voir en Danaé la contre-figure d’Antigone
puisqu’elle donne naissance à
Persée dans sa prison tandis qu’Antigone s’y donne
la mort.
♦ Ayant voulu interrompre des fêtes bachiques,
Lycurgue fut pour cette raison jeté
dans un cachot par Dionysos et guéri de sa haine en
découvrant l’extase
musicale.
Lycurgue dans sa révolte contre le dieu Dionysos
pourrait faire penser à Créon, à la
différence que ce dernier ne saura pas canaliser et
apaiser sa colère.
♦ Cléopâtre, fille du vent Borée, attirée par Arès
dans sa terre de Thrace pour y
vivre un amour humain. Manipulé par sa nouvelle
épouse, son ex-compagnon
la fait enfermer et chasse ses fils après les avoir
aveuglés.
Détruite dans le corps de ses fils, son malheur
désigne la matière brute de la
tragédie.
Cinquième épisode
Cinquième épisode
Entre le devin Tirésias, mené par un enfant : une
série de présages lui a révélé que
les dieux étaient en colère contre Thèbes toute
entière et en refusaient les actes de
piété, à cause du décret de Créon. Il engage ce
dernier à ne pas s’entêter : «
L’entêtement passe pour une maladresse. Va, cède au
mort ; ne frappe pas un
homme qui n’est plus. Où est l’exploit de retuer un
mort ? » (v. 1028-1030). Créon
refuse de se laisser fléchir et accuse Tirésias de
comploter contre lui. Le ton monte
entre les deux hommes et le dialogue devient
stichomythie. Tirésias prédit qu’un
enfant de Créon mourra en expiation du double crime
d’avoir refusé d’enterrer
Polynice et d’avoir ordonné la mort d’Antigone. Les Érinyes,
déesses de la
vengeance puniront ainsi Créon pour avoir cru avoir
du pouvoir sur les morts alors
qu’ils appartiennent aux dieux.
Le Choeur s’inquiète : jamais Tirésias ne s’est
trompé auparavant. Troublé, Créon
accepte les conseils du Coryphée : faire sortir
Antigone et enterrer Polynice. Il sort
pour suivre le plus vite possible ce conseil.
Cinquième stasimon
Alors que Créon s’effondre, ce chant est le point d’orgue
de la tragédie. Le Choeur
fait une invocation à Dionysos, dieu protecteur de
Thèbes et s’adresse à lui pour qu’il
sauve la ville du désastre absolu qui la menace.
L’exodos
Un messager arrive et commence une méditation sur la
versatilité de la fortune en
prenant pour exemple le destin de Créon. Il annonce
à Eurydice, femme de Créon et
mère d’Hémon, que ce dernier s’est suicidé après
avoir tenté de tuer son père,
n’ayant pas supporté la vue du cadavre d’Antigone,
pendue à son propre bandeau.
Eurydice, suite à ce récit, se retire à la plus
grande inquiétude du Choeur et du
messager.
Kommos
Créon revient et se lamente en vers lyrique sur la
mort de son fils en reconnaissant
ses erreurs : « Oui, erreurs de ma raison déraison.
Entêtement qui tue… Hélas !
Désastre venu de mes propres plans ! Ah ! Mon fils !
[…] Tu es mort, tu as disparu
par ma bêtise, non par la tienne. » (v. 1262-1269).
Un second messager sort du palais : Eurydice s’est
suicidée. Créon se lamente sur
l’acharnement d’Hadès (v. 1284) à son égard tout en
imputant à lui-même ses
malheurs (v. 1318-1320). Il veut chercher la mort
mais le Coryphée le met en garde :
« Ne fais plus de voeu d’aucune sorte. Quand un
malheur est décidé par la fatalité,
les hommes ne lui échappent pas. » (v. 1337-1338).
L’épilogue
Comme toutes les tragédies grecques, la pièce s’achève
par quelques vers de
sagesse traditionnelle prononcés par le Coryphée,
recommandant la piété et mettant
en garde
contre l’orgueil qui n’apporte rien de bon et finit par se payer.