Les
passages concernant plus particulièrement Ophélie sont situés : Acte I, scène
3; Acte II, scène 2; Acte III, scène 1; Acte IV, scènes 5 et 7
Hamlet pose de nombreuses énigmes. L'une
d'elle a trait aux sentiments qu'éprouve Hamlet envers Ophélia. Hamlet a-t-il
réellement aimé Ophélia? Pourquoi s'en détache-t-il? Comment expliquer la
dureté dont il fait preuve à son égard? Est-ce du mépris? de la misogynie?
Peut-il y avoir une autre explication?
Certains indices comme la lettre qu'il écrit à la jeune fille et qu'elle donne à son père semblent prouver que le jeune prince du Danemark aime sincèrement Ophélia. (II 3)
Certains indices comme la lettre qu'il écrit à la jeune fille et qu'elle donne à son père semblent prouver que le jeune prince du Danemark aime sincèrement Ophélia. (II 3)
Doute
que les étoiles soient du feu
Doute que le soleil se meuve
Doute de la vérité même
Mais ne doute pas que je t'aime.
A jamais à toi, ma dame très chère
tant que ce triste corps sera le mien.
Doute que le soleil se meuve
Doute de la vérité même
Mais ne doute pas que je t'aime.
A jamais à toi, ma dame très chère
tant que ce triste corps sera le mien.
Pourtant
si cet amour a existé, il est mort maintenant si l'on en croit la
déclaration du jeune homme : (III 1)
je
vous ai aimé autrefois
Mais peu de
temps après avoir lancé cette affirmation, Hamlet se rétracte à nouveau et
répond ainsi aux reproches de la jeune fille
Vous
n'auriez pas dû me croire.. Je ne vous aimais pas
Donc dans
cette scène 1 de l'acte III, la question n'est pas tranchée et ceci d'autant
plus que Hamlet sait qu'il n'est pas seul avec la jeune fille (Claudius et
Polonius l'épient) et il ne veut pas lui dire ce qu'il pense vraiment. Le
mystère reste entier et nous restons dans le doute :
Hamlet n'a
jamais aimé Ophélia et s'est joué d'elle?
Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?
Hamlet aime toujours Ophélia mais lui ment pour une raison encore inexpliquée?
Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?
Hamlet aime toujours Ophélia mais lui ment pour une raison encore inexpliquée?
Première
hypothèse : Hamlet n'a jamais aimé Ophélia et s'est joué d'elle
L'attitude
de Hamlet avec Ophélia, son rejet violent et sarcastique de la jeune fille,
semblerait indiquer que Hamlet n'a jamais éprouvé pour elle un sentiment
profond .
Va-t-en
dans un couvent! Gets to a nunnery! lui crie-t-il dans la scène 1
de l'acte III. Jeu de mots qui jette le doute car l'anglais nunnery, couvent,
dans son acceptation argotique peut signifier maison de prostitution.
Son mépris
qui s'étend d'ailleurs à la femme en général s'exprime ensuite de cette
manière :
j'ai
entendu aussi parler et bien trop de vos barbouillages. Dieu vous a donné un
visage, et vous vous en faites un autre; vous vous trémoussez, vous trottinez,
vous zézayez, et vous donnez des surnoms à ce que Dieu a créé, vous êtes
impudique sous une feinte candeur..(III;1)
On serait
donc tenté de dire, devant cette brutalité, que Hamlet a été attiré par
Ophélie, l'a séduite et la rejette maintenant qu'il a obtenu ce qu'il voulait
d'elle. Nous adhérons donc aux paroles adressées par Polonius à sa fille
:
Vous
parlez comme une fillette nice*, inexpérimentée.. Oui-da, pièges à alouettes!
Je sais, je sais, quand le sang brûle, combien l'âme est prodigue à prêter la
langue des serments. (* simple) (I;2)
D'autre
part, de nombreuses allusions, à double sens, tenues par Hamlet à Ophélie
semblent faire allusion à un relation charnelle entre eux et au mépris que le
jeune homme conçoit pour elle à cause de cela :
-Madame
puis-je m'étendre entre vos genoux?
-Non, monseigneur
-Je voulais dire, ma tête sur vos genoux?
-Oui, monseigneur
-Pensiez-vous que j'avais en tête l'idée de choses vilaines?
-Je ne pense rien monseigneur
-Rien, c'est une belle pensée à mettre entre les jambes des pucelles (III;2)
-Non, monseigneur
-Je voulais dire, ma tête sur vos genoux?
-Oui, monseigneur
-Pensiez-vous que j'avais en tête l'idée de choses vilaines?
-Je ne pense rien monseigneur
-Rien, c'est une belle pensée à mettre entre les jambes des pucelles (III;2)
Deuxième
hypothèse : Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?
Pourquoi? Là
encore il y a plusieurs réponses à cette question!
Même s'il a aimé sincèrement la jeune fille, Hamlet n'éprouve plus que du mépris pour elle parce qu'il a obtenu d'elle des relations avant le mariage. Désormais, il la considère comme une femme volage, d'où ses allusions à la beauté incompatible d'après lui avec la vertu.
Même s'il a aimé sincèrement la jeune fille, Hamlet n'éprouve plus que du mépris pour elle parce qu'il a obtenu d'elle des relations avant le mariage. Désormais, il la considère comme une femme volage, d'où ses allusions à la beauté incompatible d'après lui avec la vertu.
Hamlet
: - Ha! ha! Etes-vous vertueuse?
Ophélie : - Monseigneur?
H- Etes-vous belle?
O - Que votre seigneurie veut-elle dire?
H - Que si vous êtes vertueuse et que si vous êtes belle, votre vertu se devrait de mieux tenir à l'écart de votre beauté.
O - La beauté pourrait-elle avoir une meilleure compagne que la vertu, monseigneur?
H - Oh! certes oui, car le pouvoir de la beauté fera de la vertu une maquerelle, bien avant que la force de la vertu ne façonnes à sa ressemblance la beauté.
Ophélie : - Monseigneur?
H- Etes-vous belle?
O - Que votre seigneurie veut-elle dire?
H - Que si vous êtes vertueuse et que si vous êtes belle, votre vertu se devrait de mieux tenir à l'écart de votre beauté.
O - La beauté pourrait-elle avoir une meilleure compagne que la vertu, monseigneur?
H - Oh! certes oui, car le pouvoir de la beauté fera de la vertu une maquerelle, bien avant que la force de la vertu ne façonnes à sa ressemblance la beauté.
De plus,
Hamlet reproche à Ophélia sa trahison. Ophélie est de mèche avec Polonius et
Claudius pour le faire espionner. Ces derniers, en effet, veulent savoir à quoi
attribuer la folie (simulée) de Hamlet. Polonius est persuadé qu'elle est due à
l'amour contrarié que le prince éprouve pour sa fille. Claudius suspecte
d'autres raisons. Ils demandent donc à Ophélie de donner un rendez-vous à
Hamlet dans le vestibule du château d'où ils pourront écouter les propos du
jeune homme. Mais Hamlet a surpris la conversation du roi et de son chambellan
comme nous le prouve la didascalie II;
2 :
Hamlet entre dans le vestibule. Il s'arrête un moment inaperçu.
au moment où Polonius dit à Claudius :
Polonius
- Dans un de ces moments-là je lâche sur lui ma fille,
Et vous et moi sous la tapisserie
Nous observons la rencontre..
Et vous et moi sous la tapisserie
Nous observons la rencontre..
Hamlet sait
donc qu'Ophélie se prête à ce jeu d'où la colère et la violence de ses propos
quand il la rencontre. Il se sent trahi car la jeune fille fait front avec ses
pires ennemis. C'est pourquoi plus tard il interpelle Polonius de cette manière
quand il le revoit :
O
Jephté, quel trésor tu avais!
Hamlet
reproche à Polonius d'avoir sacrifié sa fille comme l'a fait Jephté à Israël et
d'utiliser Ophélie pour le faire espionner mais peut-être lui reproche-t-il
plus encore ?
Nous savons
qu'il a déjà traité Polonius de maquereau et en allant voir de plus près
l'histoire de Jephté nous apprenons que le sacrifice de la fille de Jephté
peut-être interprété de plusieurs façons : Soit Jephté l'offre en Holocauste au
Dieu, soit il à l'intention de l'offrir comme prostituée au temple ou bien, il
est suggéré qu'il la déflore lui-même? Soit il lui refuse le mariage pour
préserver sa virginité. Que sa virginité soit sauvegardée implique qu'il lui
interdit d'avoir des relations avec un autre homme, de concevoir des enfants,
ce qui est une forme de possessivité, voire d'inceste de la part d'un père.
Hamlet
accuse peut-être Polonius d'avoir jeté Ophélie dans son lit pour satisfaire ses
ambitions politiques et faire de sa fille une reine, ce que corroboreraient les
ordres de sagesse mercantile que Polonius donne à sa fille (I.2) :
Et
désormais soyez un peu plus avare de votre virginale présence,
Mettez votre rencontre à plus haut prix qu'une offre de parlementer..
Mettez votre rencontre à plus haut prix qu'une offre de parlementer..
Quoi qu'il
en soit Hamlet se détache d'Ophélie.
Une autre
explication, freudienne celle-là, peut-être attribuée à son rejet d'Ophélie. Un
Oedipe profond le lie à sa mère Gertrude, sentiment encore aggravé par le drame
que vit le jeune homme. Il vient d'apprendre que son père a été assassiné. De
plus sa propre mère a épousé le meurtrier sans attendre la fin de son deuil!
Ceci est d'autant plus grave aux yeux de la société et du jeune homme que
l'union entre beau-frère et belle-soeur est interdite, considérée comme un
inceste. On comprend l'horreur éprouvée par Hamlet et la mysogynie qu'il
manifeste alors. Enfin, pour peu que l'on adhère à l'interprétation freudienne
du personnage, le jeune homme qui ressent des désirs incestueux envers sa mère
est en quelque sorte le rival de Claudius. Ce qu'il éprouve pour Ophélia n'est
pas assez fort pour lutter contre de tels sentiments.
Cette dernière version est celle
retenue dans le film de Zeffirelli ou Mels Gibson qui incarne Hamlet est
manifestement amoureux de sa mère (Glen Close) et réciproquement. Quand il lui
reproche ses ébats avec son nouveau mari, il la jette sur le lit dans un
transport passionné qui ne fait aucun doute sur ses intentions incestueuses. Du
coup le personnage de Gertrude devient principal et celui d'Ophélie secondaire
malgré une très belle scène de la folie où Helena Bonham-Carter est excellente.
Zeffirelli ne se demande pas si Hamlet aime Ophélie; ceci ne l'intéresse pas.
3) Troisième
hypothèse : Il l'aime toujours et renonce à elle
Mais il y a
une autre interprétation au fait que Hamlet repousse Ophélie; ce qui
impliquerait qu'il l'aime toujours. Elle tient à ces paroles que le jeune homme
prononce peu de temps après avoir reçu l'ordre du spectre réclamant vengeance:
( I ; 4)
Le
spectre :
Adieu, adieu, adieu, ne m'oublie pas!
Adieu, adieu, adieu, ne m'oublie pas!
Hamlet
:
Que je ne t'oublie pas?
O pauvre spectre, non tant que la mémoire
Aura sa place sur ce globe détraqué.
(...)
Des tables de ma mémoire
je chasserai tous les futiles souvenirs,
tous les dires des livres, toute impression, toute image,
qu'y ont notés la jeunesse ou l'étude,
et seul vivra ton commandement...
Que je ne t'oublie pas?
O pauvre spectre, non tant que la mémoire
Aura sa place sur ce globe détraqué.
(...)
Des tables de ma mémoire
je chasserai tous les futiles souvenirs,
tous les dires des livres, toute impression, toute image,
qu'y ont notés la jeunesse ou l'étude,
et seul vivra ton commandement...
Ainsi Hamlet
chargé d'une tâche qui l'écrase et qui va détruire sa vie, décide d'abandonner
le monde et tout idée de bonheur. Dans la scène 2 de l'Acte II, Ophélie le voit
arrivé en proie à un tel désordre qu'elle est effrayée. Elle raconte la scène à
son père :
Pâle
comme un linge, les genoux qui s'entrechoquaient et la mine aussi pitoyable que
si l'enfer l'eût relâché...
Il m'a saisie le poignet et m'a serrée fort
Puis avec l'autre main .. il m'a regardée au visage aussi aigûment que s'il eût voulu le peindre.
puis il poussa un soupir si piteux et profond qu'il parut ébranler tout son corps et mettre fin à ses jours..
Il m'a saisie le poignet et m'a serrée fort
Puis avec l'autre main .. il m'a regardée au visage aussi aigûment que s'il eût voulu le peindre.
puis il poussa un soupir si piteux et profond qu'il parut ébranler tout son corps et mettre fin à ses jours..
Peut-être
est-ce à ce moment-là qu'Hamlet décide de renoncer non seulement à Ophélia mais
aussi à la vie? L'histoire d'amour de Hamlet et d'Ophélia ne serait donc pas
secondaire mais au coeur de l'action puisque le revirement de Hamlet au sujet
d'Ophélia ne s'expliquerait pas par le mépris d'un amant qui a tout obtenu de
son amoureuse mais par la nécessité de couper ses attaches pour accomplir sa
vengeance et mourir. On peut dire la même chose du pouvoir. De la même
manière qu'il dit non à l'amour, Hamlet se désintéresse de la couronne du
Danemark qui passera à Fortinbras, futur roi de Norvège.
Que croire?
Amour? Désamour? Haine? Mépris?La seule certitude c'est que Hamlet déjà d'un
naturel pessimiste et fragile est fortement ébranlé par les révélations
du spectre. Il traverse une crise morale d'un telle ampleur qu'il désire
mourir. Il n'y a plus de place pour l'amour. Et si Hamlet ne met pas fin à sa
vie, c'est seulement parce qu'il a peur de ce qui existe après la mort, de la
punition d'un Dieu qui n'admet pas le suicide. Finalement si l'on ne renonce
pas à vivre, nous dit-il, c'est par lâcheté, c'est par crainte de
l'au-delà! C'est le sens de la fameuse tirade : être ou ne pas
être.
Etre,
ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter
par une révolte ?. Mourir... dormir, rien de plus.
noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter
par une révolte ?. Mourir... dormir, rien de plus.