Conte et théâtre:
Dans un conte, il se passe des choses extraordinaires, mais l'auteur n'essaie pas de faire croire que cette histoire s'est vraiment passée. Par exemple des animaux parlent, il y a des fées, on utilise des objets magiques, etc. Cela différencie
le conte du récit
fantastique dans lequel des personnages ordinaires rencontrent également des
créatures extraordinaires mais où l'auteur cherche à faire croire que
l'histoire s'est vraiment passée
Le conte
décrit un passage, c'est un récit de formation. Il raconte le plus souvent le
passage de l'enfance à l'âge adulte et s'inscrit dans un roman familial
La Jeune
fille quitte la maison de son père, rencontre un homme, se marie et devient
mère à son tour
- pour
passer d'un état à un autre le héros du conte doit subir plusieurs séries
d'épreuves, parfois même des métamorphoses douloureuses
La jeune
fille est vendue au Diable par son père qui de surcroît lui coupe les mains
pour obéir au démon. Obligée de s'enfuir, elle connaît la faim et la solitude
avant de rencontrer son
mari. Mais toujours poursuivie par le diable, elle doit subir une deuxième
série d'épreuves, s'enfuir à nouveau et se cacher loin du monde
la fin d'un
conte est toujours heureuse et enseigne quelque chose
La jeune
fille est récompensée de sa patience et de sa vertu. Ses mains repoussent, son
mari la retrouve, la reconnaît comme sa femme.
Une pièce de
théâtre est constituée par une histoire qui n'est pas racontée comme dans un
récit narratif tel que le conte mais reproduite à travers les paroles directes
des personnages et elle est destinée à être mise en espace sur une scène.
Cependant, comme dans un récit, l'histoire est une suite d'événements et
d'actions accomplies par les personnages en vue d'un objectif donné. L'échange verbal
entre les personnages a une double fonction : ils dialoguent entre eux mais
leurs paroles s'adressent aussi au public. C'est ce qu'on appelle la double
énonciation du texte théâtral
Le champ sémantique des textes des frères Grimm est d'autre
part moins étendu que celui d'Olivier Py. Ce dernier est proche par endroits de
la prose poétique, ce qu'atteste notamment la présence de passages en vers
libres. À cet égard, il restitue incidemment une des traditions du conte
français, beaucoup plus littéraire et orné de figures de style, ce qui par
ailleurs en affaiblit le caractère initiatique au profit de formes moins
populaires
Nous l'avons
déjà évoqué , le conte est en quelque sorte un « récit de
formation » qui s'inscrit le plus souvent dans un milieu familial. Il décrit
donc le passage d'un état à un autre. Ce passage, en général celui de
l'adolescence vers l'âge adulte, en constitue le motif central
et se trouve
jalonné d'épreuves douloureuses qu'une fin heureuse -de
règle dans tous les cas- vient a posteriori justifier.
Le conte
enseigne donc quelque chose en traduisant toujours une
expérience humaine sous forme voilée. Cette forme
voilée se
caractérise de plusieurs façons
- dans
l'anonymat des lieux et des personnages ;
- dans
l'absence de datation précise;
- dans la
présence d'une symbolique riche.
Cette
symbolique est perceptible sur deux niveaux de lecture: à la fois au plan
culturel, lorsqu'elle reprend des images et des thèmes universels, mais aussi
au plan affectif au moment où le
lecteur élabore sa propre interprétation du texte.
On
remarquera que les mots représentation et interprétation
sont également
des termes du vocabulaire théâtral.
De fait, en
allant assister à une représentation au théâtre, on va écouter une
interprétation d'un texte : celle des comédiens et de leur metteur en scène.
Les pièces
d'Olivier Py étant des adaptations assez fidèles des contes de Grimm, elles en reprennent
les éléments symboliques et nous traiterons donc ensemble contes et pièces,
dans un va et vient constant.
L'histoire
de La Jeune fille...n'échappe pas à la règle commune et traduit le passage du
personnage principal de l'état de fille à celui de femme et de mère, selon une
chronologie propre aux contes dont les éléments principaux pourraient se
résumer ainsi :
- un événement
perturbateur oblige le héros à quitter sa famille ;
- une série
d'épreuves entrave le héros dans sa tentative d'échapper au sort familial
jusqu'à sa première rencontre avec l'amour ;
- une
deuxième série d'épreuves éprouve alors la capacité du héros à aimer, seule
façon pour lui d'échapper à la fatalité de son destin ;
- la «
délivrance » du héros métamorphosé par les épreuves et par l'amour humain qui
l'éloigne définitivement de l'enfance.
C'est ainsi
que l'enfance de la Jeune fille est donc marquée par un « accident » : ici le
vœu naïf et imprudent de son père au Diable. Cette faute sera la cause de
l'élément symbolique le plus fort du récit : la mutilation qu'elle doit subir.
Cette
cruauté, difficilement concevable aujourd'hui car le sang de nos jours évoque spontanément
la souffrance et la mort, va de soi dans les récits d'initiation. La mutilation
revêt donc une valeur symbolique, elle renvoie au monde rituel et représente
une allusion au caractère violent de la vie. Le sang de la mutilation évoque donc
ici le passage rituel auquel tout le
monde doit se soumettre pour grandir.
En effet, le
sang est universellement considéré comme le véhicule de la vie, plus même : dans
la tradition biblique, « le sang est la vie ». Ici donc, le père de la Jeune
fille tranche au sens propre les liens qui les relient et l'oblige ce faisant à
devenir une femme. Par ce sacrifice, il la pousse vers son destin d'être humain
au risque de ne jamais la revoir au point qu'il
ne réapparaîtra plus jamais dans l'histoire.
On retrouve
l'aspect universel de ce symbole dans les cérémonies auxquelles les sociétés primitives
soumettaient les jeunes gens en âge de devenir adultes. Néanmoins, la conséquence
immédiate d'une telle cérémonie initiatique est d'obliger le héros à quitter sa
famille en créant chez lui le désir d'échapper à cette violence pour créer
ailleurs sa propre famille.
Ainsi se justifient à la fois la mutilation et la quête.
La Jeune
fille du conte s'inscrit exactement dans ce schéma et son départ va la
confronter aux séries d'épreuves indispensables à sa transformation.
Elle va
ainsi rencontrer le besoin (comme le besoin de manger, le besoin d'aide à cause
de son amputation), l'angoisse de la solitude et de l'attente lorsque son mari
part à la guerre, la blessure de la trahison - celle de son père puis celle
de son mari, comme autant d'étapes symboliques de formation.
A côté de la
mutilation, l'eau est un autre symbole très présent au début du conte. On peut interpréter
cette eau qui protège l'héroïne du Diable (celle de la toilette comme celle de
ses larmes) sous l'angle de ses trois significations principales : l'eau comme
moyen de purification, comme symbole de pureté mais aussi l'eau comme source de
vie et de régénérescence
Enfin, dans
le conte comme dans la pièce, apparaît un personnage à la forte présence symbolique
: l'Ange. Une première fois pour guider la jeune fille vers le jardin du
Prince,une deuxième
fois pour la recueillir dans la forêt et les protéger, elle et son enfant, en attendant
le retour du Prince. Dans l'univers symbolique, l'ange est un intermédiaire
entre Dieu et les
hommes. Dans l'histoire aussi, il se pose à la fois comme le protecteur et le
guide de la Jeune fille et apparaît au
moment où elle se trouve la plus démunie. Il tient ici le
rôle dévolu
à la fée dans d'autres contes :
bienveillant,
secourable, il disparaît aussitôt que sa mission s'achève, que le besoin est comblé,
qu'il s'agisse de faim ou d'amour.
Médiateur
entre la vie et la mort, il porte à lui seul la charge poétique du texte en symbolisant
à la fois le merveilleux et la pureté des intentions de la jeune fille. C'est
bien à ce titre qu'il lui revient de remettre au Prince les mains d'argent
comme preuve de l'identité de cette dernière puisque ses mains ont repoussé.
Merveilleux
et pureté, c'est bien ce que symbolise cette régénérescence récompensant le courage
et la fidélité de l'héroïne