Un Fil à la patte Notes sur le livre Feydeau, la machine à vertige de Violaine Heyraud
Tous les grands vaudevilles de Feydeau, il les a signés seul : «
comédies vaudevilles » en 3 actes. Système
répétitif mais complexification de l’intrigue, pièces à adultère, mouvements
dramatiques effrénées, chassé croisé et courses poursuites.
Plus de couplets, lui préfère parler de « pièces »,
critique de mœurs : comédie, emploie rarement le terme « vaudeville »
P42 « Moi
j’touche des épingles » : chanson discrète sur la corruption
politique, évasif
P74 fil directeur qui mène de la faute (commise ou non) au
flagrant délit ( évité ou non) puis au dénouement heureux
P81 trois intrigues secondaires dans un Fil
P92 procédé du soulignement maîtrisé par Feydeau cf Fontanet « comme je pus », enlève la
réplique de Bois d’Enghien « non mais c’est qu’il le répète
encore ! », pas d’effet de clin d’œil, n’abuse pas des apartés.
P98 effets visuels du cinéma muet construction progressive
du gag : pistolet de Lucette qui
devient un éventail, puis faux revolver utilisé par bois d’Enghien pour
intimider Bouzin et lui voler son pantalon ,enfin Bouzin à son tour s’empare de
l’arme , désireux de récupérer ses vêtements, il découvre alors le subterfuge.
Répétitions et fil directeur : acte II un Fil :
tentatives d’évitement : Lucienne ne doit pas chanter ici car…il ya des
courants d’air là, Bois d’Enghien déguerpit, Lucienne enquête : répétition
de « vent coulis » : agitation de la Baronne, deux femmes
discutent, bois d’Enghien réapparaît et s’échappe de nouveau, idem pour Cheneviette
qui reprend le « vent coulis une dernière fois pour éloigner
Lucette ;correspondance entre le sujet du débat et les chassés croisés de
l’acte retardant l’éclosion de la vérité. Dans tout l’acte il n’est question au
propre comme au figuré que de « courant d’air ».
Escalier praticable : dynamiser un espace saturé, limitation des possibilités d’ouverture :acte
III coincés sur le pallier en caleçons ni entrer dans l’appart ni sortir dans
la rue cf« Deschamps « on ne
peut reculer le canapé de trois mètres parce que ç a fait un temps plus long
pour que les répliques s’enchainent et ça casse quelque chose d’essentiel «
association forte entre espace piégé et mouvement des personnages encagés
P182 fil à la patte 1894 : installation et dérèglement de la loi du
genre : prolifération, mouvement scénique de l’acte III relancé au moment
même où tout doit se dénouer, ce qui pose un pb d’équilibre.
Clarté initiale : version farce d’Une Chaîne de Scribe
( 1841)
Bois d’Enghien ne se
résout pas à avouer à sa maîtresse Lucette, chanteuse de café concert
passionnée qu’il va la quitter pour épouser Viviane, jeune héritière. Deux
autre hommes gravitent autour de Lucette : le général Irrigua qui est
épris d’elle et le clerc de notaire aussi médiocre auteur de chanson : Bouzin pour lui plaire glisse sa carte dans un
magnifique bouquet en réalité envoyé par le général qui contenait un écrin- une
bague. Tous le croient amoureux de Lucette (Acte I scène x) L’arrivée d’Irrigua
à l’acte I scène XVI éclaire bien vite l’imposture. Paradoxalement absence de
conséquence, tous persistent à croire
Bouzin amoureux, pas la patience de
résoudre le malentendu aussi face à Irrigua décidé à supprimer l’amant de
Lucette, bois d’Enghien prétend n’être qu’un ténor camarade de Lucette ( clin
d’œil à Chat en poche et à Labiche) pour
se sauver il désigne Bouzin qu’il croit amoureux transi, ce qui justifie la haine du général pour ce
dernier. pdt toute la pièce Bois d’Enghien ment à répétition à Lucette et à
Irrigua ; dble mensonge qui devrait tourner à son avantage.
P193 Répétitions : aveux d’amour mensongers, allers et
venues de BOuzin pour cause de parapluie avec quiproquo : toujours contraint
de revenir pour se faire congédier, Latin irrigua qui sollicite régulièrement son
interprète pour des mots transparents dans les deux langues ( Antonio :
rythme, drôlerie)
Acte ii quiproquo principal : série de menaces ; Viviane se désole car son futur lui paraît
trop sage, Lucette invitée en toute innocence à chanter aux fiançailles :
parades de Bois d’Enghien : placard de Luvette, faire partir Lucette avec
l’histoire des courants d’air, aide de Cheneviette, emmène Viviane ailleurs,
une deuxième fois avec la Baronne elle-même scène XIV tension à l’apogée :
Lucette découvre la vérité autre fil de l’action : Bouzin à nouveau
pourchassé, Lucette s’évanouit, toute
une série de révélations : Irrigua
comprend que Bois d’Enghien est son rival, Lucette déshabille son amant pour
faire échouer le mariage, toute la noce trouve Bois d’Enghien en caleçon auprès
de Lucette, Viviane découvre avec joie le tempérament fougueux de son fiancé :
révélations à clous.
Prolifération et exagérations : emplois amusants :
chanteuse, hispanophone orageux, le monsieur qui sent mauvais, le parasite, la
victime dérisoire, la gouvernante anglaise accumulation de péripéties
Vertige final : tout aurait pu se finir avec la découverte
par Viviane de l’amant rêvé : comment animer le dernier acte ? Cabinet
de toilettes de B, palier plus escalier derrière la porte : courant d’air
qui claque la porte, B dehors : première
solution la leçon de chant cf Molière et Beaumarchais: recours au couplet
cf vaudeville Lucette ne chante pas mais la promise si ! cf film réalisé
par Guy Lefranc ; la diva se tait
et on chante en caleçon sur le palier !
Dernier acte uniquement structuré sur les courants d’air portes
qui claquent et pantomimes de Bouzin :
succès de la pièce déterminé par le choix de ce rôle : Christian Hecq moliérisé, légendaire Rober Hirsch.
Feydeau rappelle ses personnages sur scène : Lucette
revient et menace en vain de se tuer, mouvements : BOuzin revient puis le général
un contrat caduc, une apparition mystérieuse cohésion artificielle de l’amour
prêté à Bouzin pour Lucette, fragilité
compensés par l’énergie des 75 entrées et sorties, record pour une fin de
vaudeville ; farce et farceur farcé :l’histoire
du pistolet ; saturer l’espace de
mouvement entre cour et jardin et de haut en bas de l’escalier : frôle la rupture du mécanisme, spectacle
visuel brut qui révèle une angoisse
derrière le rire. Scène= cage, «
le fil à la patte » retient le personnage dans un mouvement stérile au cœur
d’une intrigue entrain de se vider de sa substance. Remplissage dynamique non
dénué d’ironie : journaux qui prolifèrent au début, à la fin pantoufles de
Lucette jetées et deux hommes presque nus !
Donner la primauté au mouvement. « Extrême limite qui
sépare la folle gaieté de la sensation pénible IL chatouille trop violemment les
spectateurs et finit par les faire crier. »
Feydeau reçoit la légion d’honneur : sacré roi de la
fantaisie débridée et auteur enfin reconnu.
Exploration des milieux poreux aux marges, tableau de mœurs de l’intérieur d’une
chanteuse de café concert : ameublement élégant, piano, décoration un rien chargée et désordonnée « des
bibelots un peu partout », milieu
composé de personnages mobiles : amant rentier Bois d’Enghien, c’est
Lucette qui l’entretient ! comme elle le fait pour son ex mari Cheneviette, protecteurs variés :
Irrigua. Femme d’argent et artiste au grand cœur, Marceline la sœur aigrie,
milieu bien vivant qui pose des pb quotidiens cf « la pension du petit »,
perméabilité du salon : aller et
venues des visites, intrus : baronne qui cherche la chanteuse, Bouzin
auteur de chanson, deux figures que tout
oppose mises en présence dans le salon scène 8
Compartimentation sociale au sein d’un milieu hybride :
décloisonnement riche en échanges possibles
Intrigue du Fil conditionné par une double faute :
mensonge de Bois d’Enghien sur son mariage, tricherie de Bouzin sur le bouquet,
mêle les milieux : Baronne chez Lucette puis l’inverse. B d’Enghien pris
en étau multiplie les tentatives de fuite puis confondu publiquement chez
Lucette Bouzin est dans une impasse : empêché de faire son travail de clerc
par l’irruption d’Irrigua : deux homme désireux de s’élever sans cesse
poursuivis par leur position hybride B d’Enghien passé sulfureux Bouzin
prétentions artistiques démesurées… destins // qui les rassemblent sur le
palier au 3èm e acte, se ressemblent étrangement finalement deux B puis fin
idem aussi EIN ; l’un a cependant
un patronyme noble qui fleure la belle campagne, l’autre renvoie au fumier. L’un
des deux doit être évacué de la scène et l’effet de miroir réitéré renforce par
conséquent une hiérarchie : Bouzin avatar malheureux du rentier, bouc
émissaire, n’en sort pas indemne : pistolet de théâtre Bouzin désespéré va
jusqu’à presser sur la gâchette : dimension tragi comique : pour
Bouzin déshabillé et arrêtée par la police pour exhibitionnisme que les jeux
dans l’escalier géant transforment l’élévation en dégringolade cf chez Deschamps Bouzin se suicide en se jetant du
haut de la rampe !