samedi 5 avril 2014

Notes sur le livre Feydeau, la machine à vertige de Violaine Heyraud



Un Fil à la patte Notes  sur le livre Feydeau, la machine à vertige de Violaine Heyraud

Tous les grands vaudevilles de Feydeau,  il les a signés seul :  «  comédies vaudevilles » en 3 actes. Système répétitif mais complexification de l’intrigue, pièces à adultère, mouvements dramatiques effrénées, chassé croisé et courses poursuites.
Plus de couplets, lui préfère parler de « pièces », critique de mœurs : comédie, emploie rarement le terme « vaudeville »

 P42 « Moi j’touche des épingles » : chanson discrète sur la corruption politique, évasif

P74 fil directeur qui mène de la faute (commise ou non) au flagrant délit ( évité ou non) puis au dénouement heureux

P81 trois intrigues secondaires dans un Fil

P92 procédé du soulignement maîtrisé par Feydeau cf  Fontanet « comme je pus », enlève la réplique de Bois d’Enghien «  non mais c’est qu’il le répète encore ! », pas d’effet de clin d’œil, n’abuse pas des apartés.
P98 effets visuels du cinéma muet construction progressive du gag :  pistolet de Lucette qui devient un éventail, puis faux revolver utilisé par bois d’Enghien pour intimider Bouzin et lui voler son pantalon ,enfin Bouzin à son tour s’empare de l’arme , désireux de récupérer ses vêtements, il découvre alors le subterfuge.
Répétitions et fil directeur : acte II un Fil : tentatives d’évitement : Lucienne ne doit pas chanter ici car…il ya des courants d’air là, Bois d’Enghien déguerpit, Lucienne enquête : répétition de «  vent coulis » : agitation de la Baronne, deux femmes discutent, bois d’Enghien réapparaît et s’échappe de nouveau, idem pour Cheneviette qui reprend le « vent coulis une dernière fois pour éloigner Lucette ;correspondance entre le sujet du débat et les chassés croisés de l’acte retardant l’éclosion de la vérité. Dans tout l’acte il n’est question au propre comme au figuré que de « courant d’air ».

Escalier praticable : dynamiser un espace saturé,  limitation des possibilités d’ouverture :acte III coincés sur le pallier en caleçons ni entrer dans l’appart ni sortir dans la rue  cf«  Deschamps «  on ne peut reculer le canapé de trois mètres parce que ç a fait un temps plus long pour que les répliques s’enchainent et ça casse quelque chose d’essentiel «  association forte entre espace piégé et mouvement des personnages encagés
P182 fil à la patte 1894 :  installation et dérèglement de la loi du genre : prolifération, mouvement scénique de l’acte III relancé au moment même où tout doit se dénouer, ce qui pose un pb d’équilibre.

Clarté initiale : version farce d’Une Chaîne de Scribe ( 1841)
 Bois d’Enghien ne se résout pas à avouer à sa maîtresse Lucette, chanteuse de café concert passionnée qu’il va la quitter pour épouser Viviane, jeune héritière. Deux autre hommes gravitent autour de Lucette : le général Irrigua qui est épris d’elle et le clerc de notaire aussi médiocre auteur de chanson :  Bouzin pour lui plaire glisse sa carte dans un magnifique bouquet en réalité envoyé par le général qui contenait un écrin- une bague. Tous le croient amoureux de Lucette (Acte I scène x) L’arrivée d’Irrigua à l’acte I scène XVI éclaire bien vite l’imposture. Paradoxalement absence de conséquence,  tous persistent à croire Bouzin amoureux,  pas la patience de résoudre le malentendu aussi face à Irrigua décidé à supprimer l’amant de Lucette, bois d’Enghien prétend n’être qu’un ténor camarade de Lucette ( clin d’œil à Chat en poche  et à Labiche) pour se sauver il désigne Bouzin qu’il croit amoureux transi,  ce qui justifie la haine du général pour ce dernier. pdt toute la pièce Bois d’Enghien ment à répétition à Lucette et à Irrigua ; dble mensonge qui devrait tourner à son avantage.

P193 Répétitions : aveux d’amour mensongers, allers et venues de BOuzin pour cause de parapluie avec quiproquo : toujours contraint de revenir pour se faire congédier,  Latin irrigua qui sollicite régulièrement son interprète pour des mots transparents dans les deux langues ( Antonio : rythme, drôlerie)
Acte ii quiproquo principal :  série de menaces ;  Viviane se désole car son futur lui paraît trop sage, Lucette invitée en toute innocence à chanter aux fiançailles : parades de Bois d’Enghien : placard de Luvette, faire partir Lucette avec l’histoire des courants d’air, aide de Cheneviette, emmène Viviane ailleurs, une deuxième fois avec la Baronne elle-même scène XIV tension à l’apogée : Lucette découvre la vérité autre fil de l’action : Bouzin à nouveau pourchassé, Lucette s’évanouit,  toute une série de révélations :  Irrigua comprend que Bois d’Enghien est son rival, Lucette déshabille son amant pour faire échouer le mariage, toute la noce trouve Bois d’Enghien en caleçon auprès de Lucette, Viviane découvre avec joie le tempérament fougueux de son fiancé : révélations à clous.

Prolifération et exagérations : emplois amusants : chanteuse, hispanophone orageux, le monsieur qui sent mauvais, le parasite, la victime dérisoire, la gouvernante anglaise accumulation de péripéties
Vertige final : tout aurait pu se finir avec la découverte par Viviane de l’amant rêvé : comment animer le dernier acte ? Cabinet de toilettes de B, palier plus escalier derrière la porte : courant d’air qui claque la porte, B dehors :  première solution la leçon de chant cf Molière  et Beaumarchais: recours au couplet cf vaudeville Lucette ne chante pas mais la promise si ! cf film réalisé par Guy Lefranc ;  la diva se tait et on chante en caleçon sur le palier !
Dernier acte uniquement structuré sur les courants d’air portes qui claquent  et pantomimes de Bouzin : succès de la pièce déterminé par le choix de ce rôle :  Christian Hecq  moliérisé,  légendaire Rober Hirsch.
Feydeau rappelle ses personnages sur scène : Lucette revient et menace en vain de se tuer,  mouvements : BOuzin revient puis le général un contrat caduc, une apparition mystérieuse cohésion artificielle de l’amour prêté à Bouzin pour Lucette,  fragilité compensés par l’énergie des 75 entrées et sorties, record pour une fin de vaudeville ;  farce et farceur farcé :l’histoire du pistolet ;  saturer l’espace de mouvement entre cour et jardin et de haut en bas de l’escalier :  frôle la rupture du mécanisme, spectacle visuel brut  qui révèle une angoisse derrière le rire. Scène=  cage,  «  le fil à la patte » retient le personnage dans un mouvement stérile au cœur d’une intrigue entrain de se vider de sa substance. Remplissage dynamique non dénué d’ironie : journaux qui prolifèrent au début, à la fin pantoufles de Lucette jetées et deux hommes presque nus !
Donner la primauté au mouvement. « Extrême limite qui sépare la folle gaieté de la sensation pénible IL chatouille trop violemment les spectateurs et finit par les faire crier. »

Feydeau reçoit la légion d’honneur : sacré roi de la fantaisie débridée et auteur enfin reconnu.
Exploration des milieux poreux aux marges,  tableau de mœurs de l’intérieur d’une chanteuse de café concert : ameublement élégant, piano,  décoration un rien chargée et désordonnée « des bibelots un peu partout »,  milieu composé de personnages mobiles : amant rentier Bois d’Enghien, c’est Lucette qui l’entretient ! comme elle le fait pour  son ex mari Cheneviette, protecteurs variés : Irrigua. Femme d’argent et artiste au grand cœur, Marceline la sœur aigrie, milieu bien vivant qui pose des pb quotidiens cf « la pension du petit »,  perméabilité du salon : aller et venues des visites, intrus : baronne qui cherche la chanteuse, Bouzin auteur de chanson,  deux figures que tout oppose mises en présence dans le salon scène 8
Compartimentation sociale au sein d’un milieu hybride : décloisonnement riche en échanges possibles
Intrigue du Fil conditionné par une double faute : mensonge de Bois d’Enghien sur son mariage, tricherie de Bouzin sur le bouquet, mêle les milieux : Baronne chez Lucette puis l’inverse. B d’Enghien pris en étau multiplie les tentatives de fuite puis confondu publiquement chez Lucette Bouzin est dans une impasse : empêché de faire son travail de clerc par l’irruption d’Irrigua : deux homme désireux de s’élever sans cesse poursuivis par leur position hybride B d’Enghien passé sulfureux Bouzin prétentions artistiques démesurées… destins // qui les rassemblent sur le palier au 3èm e acte, se ressemblent étrangement finalement deux B puis fin idem aussi EIN ;  l’un a cependant un patronyme noble qui fleure la belle campagne, l’autre renvoie au fumier. L’un des deux doit être évacué de la scène et l’effet de miroir réitéré renforce par conséquent une hiérarchie : Bouzin avatar malheureux du rentier, bouc émissaire, n’en sort pas indemne : pistolet de théâtre Bouzin désespéré va jusqu’à presser sur la gâchette : dimension tragi comique : pour Bouzin déshabillé et arrêtée par la police pour exhibitionnisme que les jeux dans l’escalier géant transforment l’élévation en dégringolade cf chez  Deschamps Bouzin se suicide en se jetant du haut de la rampe !