Sur France Culture, vous pouvez découvrir Fin de Partie.
Enregistré à l'Odéon Théâtre de l'Europe en janvier 2013, d'après la mise en scène d'Alain Françon
Réalisation : Etienne Valles
Avec Serge Merlin, Gilles Privat, Isabelle Sadoyan, et Michel Robin
«
Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains
s’ajoutent aux grains, un à un et un jour, soudain, c’est un tas, un
petit tas, l’impossible tas » : par la grâce de cette extraordinaire
réplique inaugurale, Fin de partie entre dans l’histoire du théâtre, quatre ans après En attendant Godot,
comme la goutte qui fait déborder un très vieux vase dramaturgique.
Hamm est aveugle dans son fauteuil roulant. S’il ne peut plus voir venir
la fin, il la sent sourdre dans sa tête. Clov, lui, ne s’assied jamais ;
jamais encore il n’a désobéi aux ordres du tyran dont il est peut-être
le fils. Auprès d’eux, accroupis dans des poubelles dont ils surgissent
de temps à autre comme de pauvres marionnettes cassées, Nagg et Nell,
les parents de Hamm – car le vieux Hamm n’est même pas encore orphelin :
à vieillard, vieillard et demi, dans ce monde qui agonise si
interminablement que nul ne parvient jamais à atteindre la position
couchée. Mais aujourd’hui, « quelque chose suit son cours » :
aujourd’hui, «ça va peut-être finir », au-delà de toute fin... Selon
Roger Blin, Beckett « voyait Fin de partie comme un tableau de
Mondrian, avec des cloisons très nettes, des séparations géométriques,
de la géométrie musicale. » Analogie d’autant plus intéressante que
Beckett a puisé une part de son inspiration dans l’univers des échecs,
dont il était un joueur passionné. Cette vision qu’il avait de son œuvre
comme abstraction soumise à des règles rigoureuses, d’ordre pictural ou
logique, explique en partie qu’il en ait contrôlé de très près la
création théâtrale. Ici plus qu’ailleurs, le passage du livre au plateau
est donc affaire d’exécution. Alain Françon, pareil à un chef recrutant
minutieusement son orchestre, a réuni autour du texte des acteurs qui
ont conféré à cette Fin de partie l’évidence et la force d’un classique.