Hommage à Jean Vilar sur Culturebox
Jean Vilar (25 mars 1912 - 28 mai 1971) aimait se
décrire comme un artisan du théâtre, pour souligner tout ce qui le
séparait – lui, fils de boutiquiers − du grand spectacle racoleur monté
dans l’espoir du profit. Sa jeunesse en province, où la vie culturelle
est réduite à la portion congrue, en fera un militant de la
décentralisation et du théâtre pour tous. C’est après avoir assisté à la
répétition de Richard III, dans une mise en scène parisienne de
Charles Dullin (1885-1949) qu’au tout début des années 1940, Vilar fait
ses premières armes comme comédien, régisseur et directeur de formation.
Au sein de la Roulotte, il s’initie à l’administration et à la
promotion d’une troupe itinérante ; expérience qui, autant que les
tournées en province, la sobriété des spectacles sous chapiteau,
façonnent le futur organisateur du Festival d’Avignon.
Ce dernier naît sous l’impulsion de René Char et Christian Zervos, séduits par Meurtre dans la cathédrale
de T. S. Eliot, tel que La Compagnie des sept l’avait interprété en
1945. Char et Zervos invitent alors Vilar, qui dirige la compagnie, à
monter en Avignon un spectacle théâtral pour compléter l’exposition
d’art moderne qu’ils organisent au Palais des Papes. Le succès des
créations présentées en septembre 1947 [1]
ne se démentira pas. Sous ces auspices, Vilar est appelé, en 1951, à
reprendre le théâtre du Palais de Chaillot. À sa charge de rénover, avec
le répertoire de cette salle parisienne, le théâtre français. Car dans
l’après-guerre, ce dernier ne trouve en effet plus sa place : comment
considérer un art devenu simple divertissement, au sortir de la
barbarie ?
La création du Théâtre National Populaire, que Vilar dirige
énergiquement entre 1951 et 1963, s’inscrit dans ce contexte de crise.
Vilar, qui affirmait déjà en 1946 qu’on ne peut faire « du bon théâtre »
sans avoir préalablement « fai[t] une société [2] »,
espère régénérer l’individu en l’invitant à une fête républicaine qui
aurait pour cadre le théâtre. Une fête qui constitue un retour aux
sources du genre, dans un souci d’épurement commandé par la situation
historique : « la guerre a fait retrouver non seulement les besoins
premiers de l’existence, mais peut-être aussi une conscience plus claire
de l’existence [3] ».
Pour réunir tout un peuple dans la fête, Vilar refonde une communauté
artistique, dans le lien entre les auteurs, les acteurs, les chefs de
troupes, les metteurs en scène et les pouvoirs publics ; il invite à la
fraternité la France divisée par l’Occupation. Son théâtre sera
national, mais ouvert à l’étranger ; il sera populaire, mais de qualité.
Vilar a donc une haute idée du Théâtre National Populaire − un théâtre
actuel, éthique, qui redonnera leur place aux auteurs et aux acteurs.
Une politique culturelle ambitieuse accompagne ses propositions
esthétiques : pour faire du théâtre une ressource courante, Vilar le
décentralise, adapte tarifs et horaires, crée des liens avec les comités
d’entreprises et les structures scolaires… Autant d’innovations qui,
entre 1951-1963, valent cinq millions de spectateurs à ce « théâtre,
service public [4] ».
Une réussite qui favorise l’institutionnalisation et la
professionnalisation du secteur théâtral, et devient le parangon des
politiques culturelles publiques du second XXe siècle.
http://www.laviedesidees.fr/Jean-Vilar-de-vent-et-de-sable.html
Une émission de France InterLa Marche de l'Histoire sur Jean Vilar
sur la création du festival d'Avignon: