Nietzsche publie La Naissance de la Tragédie (1872) à l'âge de
vingt-sept ans. Trois ans plus tôt, il a été nommé Professeur de
philologie à l'Université de Bâle. Deux forces opposées animent la
création artistique, le dionysiaque et l'apollinien. Nietzsche les pense
unies à l'origine, dans la tragédie grecque antique. Le raffinement de
la culture sous l'effet de la civilisation va faire perdre aux Grecs le
sens de la tragédie. Socrate est ainsi l'expression du triomphe de la
rationalité et de la morale, qui correspondent à un affaiblissement de
la vie. L'ouvrage est dédié à Richard Wagner, que le jeune Nietzsche
admire à l'époque sans réserve.
C'est à partir de la musique que la tragédie antique se développe, comme l'indique le titre de l'ouvrage, La Naissance de la Tragédie à partir de l'esprit de la musique.
Nietzsche emprunte ici à Schopenhauer, son maître en philosophie,
l'idée que la musique exprime l'affirmation absolue de la vie. La
tragédie grecque est née des chants en l'honneur de Dionysos, soumis au
rythme du choeur apollinien.
Avec le dramaturge Euripide, qui marque l'avènement de la tragédie
grecque classique, les Grecs oublient leur pessimisme originel.
L'horreur devant le fait d'être né, et devant les douleurs du monde, est
écartée au profit d'une attitude optimiste. Les Grecs sont désormais en
quête d'un idéal humain, accessible grâce à la culture de leurs
facultés intellectuelles et morales, dont la philosophie fait partie.
Ils sont maîtres de leur organisation politique, grâce à la démocratie.
La tragédie d'Euripide fait adopter au spectateur une attitude critique.
Chacun doit se fier désormais à son jugement, et analyser des
caractères ou des idées, plutôt que les ressentir.