Le spectateur
inquiété :
« le trouble » :
un état d’instabilité et d’écoute
Etat de perplexité du spectateur devant la complexité du
réel et des questionnements humains= « trouble » chez Pommerat, « état d’ouverture au sens » « Cet état d’instabilité peut produire de
l’inquiétude et de l’anxiété, mais aussi un état d’écoute et d’attention très
particulier »
Ce qui est visé c’est « le monde intérieur du
spectateur afin qu’en surgissent des réponses neuves, imprévisibles, des
résonances mystérieuses » le trouble active le spectateur. Le sens doit s’immiscer
entre les lignes. Contre la violence symbolique d’un sens imposé et figé qui
immobilise le spectateur au lieu de le mobiliser : inventer un traitement
du visible qui respecterait sa part d’invisibilité. : des images qui
ouvrent des hors champs, des perspectives : inquiétante étrangeté, clair-obscur,
personnages ambivalents, points de vue contradictoires, histoires bancales…création
d’une perplexité stimulante. Restituer l’étrangeté du réel. Théâtre = lieu d’expérience
et d’expérimentation.
Présentateurs et
conteurs : P131
Nombreux dans l’oeuvre : intermédiaires puissants entre
salle et scène. Pas conteur bonimenteur chaleureux, présences et voix souvent
énigmatiques. Appellent à imaginer et comprendre, surprennent, spectateurs
sollicités à participer : apostrophe.
Chaperon Rouge : l’Homme qui raconte vêtu d’un costume
noir et le visage barbu : 1ère apparition, cri d’effroi des
enfants. Ton monocorde et froid : écoute inquiète et curieuse, il fait
peur et séduit comme le loup
Présentateur de « Je tremble » : capable de
nous faire « trembler de joie, et pleurer, de rire, ensemble »
étrangeté ancrée dans le familier cf inquiétante étrangeté ( unheimlich) :
répétitions rhétorique de la comptine rituel connu
Pinocchio : Pierre Yves Chapalain : clown blanc
plutôt menaçant, baigné dans la pénombre et une lumière rouge esthétique
foraine et méta théâtrale met en jeu la paradoxale construction d’une fiction
vraie : parle avec insistance de l’importance de dire la vérité si bien
que l’on commence à s’interroger sur la fiabilité de ses paroles tandis que les
êtres masqués qui composent sa compagnie interroge sur la réalité des êtres qui
occupent la scène.
Cendrillon : narratrice qui doute elle –même de la
fiabilité de sa mémoire, invite le spectateur à mettre en marche son
imaginaire, voix narrative féminine alors que sur scène on voit un homme qui
effectue des gestes évoquant une langue des signes, des mots sont projetés en
fond de scène : histoire, imagination. Les mots qu’ils soient prononcés en
voix off, gestués ou écrits sont des signes à interprétés au risque du
malentendu comme Sandra en fait l’expérience cf « Ce n’est pas simple de
parler et pas si simple d’écouter » la pénombre oblige à écarquiller les
yeux, l’accent italien à tendre l’oreille. Le spectateur doit s’impliquer :
« Si vous avez assez d’imagination, je sais que vous pourrez m’entendre. Et
peut-être me comprendre3
Prise en charge du récit par un narrateur pourrait évoquer
un principe du théâtre épique ( Brecht) mais les conteurs chez Pommerat servent
plus à stimuler une immersion imaginaire qu’à installer une distanciation
critique. La relation narrateur- spectateur réduit la distance entre l’espace
de la fiction et l’événement théâtral : instant présent, instant concret
et imaginaire à la fois.
Dans réunification des deux Corées : présentateur=
chanteur androgyne aux paroles incompréhensibles, chansons qui ponctuent l’enchaînement
des scènes à la manière d’un espace sonore de projections émotionnelle du
spectateur qui est ainsi rappelé à certains émois amoureux indissociables d’un
air, d’un rythme, d’une musique…