vendredi 5 février 2016

Par-Dessu Bord: la version du capitalisme par Vinaver

Je viens de découvrir un article passionnant par Bérénice Hamidi-Kim, spécialiste de théâtre et politique.
A lire pour vos approfondissements absolument.
Article sur le site Thaêtre

L'article contient notamment une interrogation sur la dimension critique, satirique de la pièce de Vinaver à propos du capitalisme.La pièce ne serait-elle pas plutôt pour le capitalisme? Il y sera surtout question des personnages de cadres de l'entreprise.

L'ensemble du site est d'ailleurs passionnant sur les rapports entre théâtre et entreprise et vous y retrouverez des articles sur d'autres auteurs dont j'ai parlé Falk Richter, alexandra Badea et même Magali Mougel, l'auteur d'Erwin Motor Devotion.

Extrait de l'article:
"PDB retrace ainsi un moment précis de l’histoire des entreprises, celui du passage du modèle familial de l’entreprise à la française à l’entreprise multinationale américaine. Toute la pièce raconte, dans un entrelacs typiquement vinavérien, la concomitance indissoluble de différentes crises qui, entreprise familiale oblige, mêlent le professionnel et le privé, selon un procédé dramaturgique qui exhausse la famille de capitaines d’industrie au rang des héros des tragédies antiques. Toutes ces crises portent sur l’évolution voire la révolution nécessaire de l’entreprise Ravoire et Dehaze, leader français de la vente de papier toilette, sous l’effet de la concurrence et plus précisément du « vent […] [qui] souffle d’Amérique »[5]. La première partie de la pièce narre le moment de la crise, la seconde la sortie de crise, une fois le tournant pris. La maison fait d’abord face à une double crise de la vente, du fait de l’arrivée d’un nouveau produit, techniquement supérieur au précédent : la ouate de cellulose, qui rend obsolète le bulle corde dans lequel l’entreprise est spécialisée. Plus cher, ce produit révolutionnaire modifie aussi la nature de la catégorie d’objets à laquelle il appartient : le papier toilette n’est plus, ne doit plus être, un « produit de première nécessité »[6], comme le considérait Ravoire père, plus encore, de ceux que l’on achète tête baissée, un peu honteux, il est – il peut être, il va être – un produit de désir et de plaisir assumés. Cette transformation technique de l’objet est donc tout autant une transformation psychologique du rapport à l’objet, et une transformation commerciale de la façon de le vendre : elle signe l’arrivée en fanfare du marketing venu d’Amérique. Ouate contre bulle corde, marketing contre produit, Amérique contre France, monde nouveau contre monde ancien. Il ne s’agit plus désormais de vendre un simple produit, mais de vendre le désir susceptible d’être attaché à lui. Cette révolution n’est pas sans conséquences en termes d’emplois : qui dit nouvelles techniques de vente, dit adaptabilité des anciens vendeurs et/ou remplacement par de nouveaux. La modernisation est en marche et, comme le dit Benoît, nouvellement nommé PDG :
En ce moment nous sommes en train de racler le fond. […] Et puis nous allons bondir, nous allons cesser de rester assis et adopter une attitude bondissante. […] Et ceux qui n’entreront pas dans la danse et bien ils resteront sur le quai. Ce n’est pas une menace c’est une constatation. Vous avez tous les qualités nécessaires pour vivre l’aventure à laquelle je destine l’entreprise. La seule question c’est : voulez-vous la vivre avec moi[7] ?"