L’image sensible : architectures lumineuses et paysages sonores:
Travail sur la lumière et sur le
son, attention particulière à la présence des comédiens :
caractéristiques des spectacles de la compagnie Louis Brouillard. Ombres et
lumières, sonorisation des voix, musiques et paysages sonores servent la
recherche d’une expérience sensorielle totale.
A la fois richesse de la
recherche des effets spectaculaires et forme d'épure de la représentation. Partant
d’une boite noire et d’un plateau nu, alliance d’une certaine économie de moyens
et magie d’apparitions complexes. Oscillation entre le caché/montré, présence et
pénombre. Toujours pour stimuler la perception du spectateur. (Cherchez des
exemples dans Cendrillon !)
Pas images figées mais vibrations qui mettent le
sens en mouvement. Gommage et brouillage qui aident le spectateur à finir par
lui-même le sens cf Jacques Rancière concept d’ « images pensives » :
« une image qui recèle de la pensée non pensée, une pensée qui n’est pas
assignable à l’intention de celui qui la produit et qui fait effet sur celui
qui la voit sans qu’il la lie à un objet déterminé. »
Ombre, pénombre : « ouvertures
où peuvent s’exprimer les sensations », comme dans la lecture du roman,
favoriser les images mentales, floues , ambiguës mais plus authentiques. Invitation
à compléter mentalement les images. Aussi faire exister un hors champ de la
scène.
Noirs qui ponctuent l’enchainement
des séquences de manière très rapide = dynamique d’apparitions et de
disparitions, rythme qui empêche les images de se fixer tout à fait. Magie. Toujours
stimulation de l’imaginaire du spectateur renouvelant sans cesse son désir de
voir, de voir plus, mieux.
Eric Soyer : talent de
manier la lumière pour créer l’obscurité ; parler de « noir Soyer » comme on dit le « bleu
Klein » : marque distinctive de ce scénographe, éclairages à la fois
naturels et flous : variations lumineuses et effets de contrastes,
profondeur de champs, rapports au cadre de scène et effets de focales, textures
lumineuses différentes.
Utilise aussi la video comme source de lumière et de
matiérage mobile et dynamique ou des voilages de tulles qui agissent comme des
filtres dans cendrillon, la lumière et les reflets sont aussi travaillés à l’aide
de plaque de plexiglas et de miroirs qui conjugués à la video créent l »indétermination
entre réalité et imaginaire : défi lancé au regard du spectateur qui entre
féérie et cauchemar voit soudain l’espace gagner en profondeur et les murs se
mettre à bouger. Effets stroboscopique lors du bal.
Sons et voix : François
Leymarie dès les premiers spectacles puis musiques crées par Antonin Leymarie. Pommerat
écoute beaucoup de musique dans la phase de préparation du spectacle : «
compagne d’écriture », façonner l’espace avec elle, aussi un « liant » :
cohérence narrative, puissance de suggestion de l’imaginaire. Fonction soutenir
un sentiment exprimé ou au contraire apporter une autre couleur sans appuyer le
sens en jeu dans le noir de l’inter scène, elle prolonge souvent l’image
précédente ou anticipe la suivante, tuilage qui soutient l’activité mentale du
spectateur.
Micro Haute définition ( HF) :
permettent aux acteurs de parler selon leur propre intensité vocale sans projeter
leur voix : impression de proximité et de vérité ( plus que de naturel ce
dernier étant toujours une convention au théâtre)
Usage aussi des plays back
récurrent : artificialité déréalise, processus de fabrication
spectaculaire du réel révélé. Tension entre
le visible et l’audible. Etrangeté
Modifications des voix et du rythme, créations de boucles sonores ave
des courts extraits musicaux : oscillation entre reconnaissance et
dépaysement, mêlé à des bruitages réalistes et à des sons abstraits :
brouillage de l’image et de sa réception cf bruit de portes dans Cendrillon
gros plan sonore, glassharmonica, ondes Martenot, clarinette recréent de
manière discordante l’atmosphère cristalline des contes de fée. Joue aussi avec
l’émotion que produisent des airs er chansons connues : cf chanson du
prince
Complémentarité des effets
visuels et sonores produit chez certains spectateurs un effet cinéma, noir
profond comme dans une salle de cinéma, enveloppement par le son, luminosité du
plateau. Comparaison avec le cinéma qui peut aussi être liée à la mise en scène
en montage des séquences avec des cuts d’une quinzaine de secondes accompagnés
de sons. Lumière qui crée des gros plans ou des travellings dans le cadre dont
elles effacent les limites concrètes généralement visibles au théâtre. Perfection
du jeu, rythme très précis, voix très présentes font presque oublier la prise
de risque de la performance théâtrale. ( erreur, trou, panne semblent
impossibles) scène presqu’aussi rassurante qu’une image filmée pour d’autres ,
l’intense présence des acteurs continue d’activer la sensation propre au
théâtre de co-présence et d’instants partagés.
Pour en savoir plus lire Avec Joel Pommerat, un monde complexe de marion Boudier