samedi 9 avril 2016

Figaro machiniste ( article dans l'ouvrage publié par canopé)



Figaro, le machiniste ?

Dans la « Lettre modérée » quand Beaumarchais présente l’intrigue du Barbier , pas de mention de Figaro : «  Un vieillard amoureux prétend épouser demain sa pupille ; un jeune amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme à la barbe et dans la maison du tuteur. »
Héros éponyme du titre semble donc extérieur à la fable, mais un peu plus loin dans La Lettre : » Quant à moi, ne voulant faire, sur ce plan, qu’une pièce amusante et sans fatigue, une espèce d’imbroille, il m’a suffi que le machiniste, au lieu d’être un noir scélérat, fût un drôle de garçon, un homme insouciant » Ce machiniste ( sic) c’est Figaro mais pas d’allusion à son métier de barbier.

Définition de machiniste dans le dictionnaire Furetière : « Ingénieur qui invente et fait construire des machines. Il faut être fort savant dans les sciences mécaniques pour être un bon machiniste »

Machiniste au théâtre : « On donne le nom de « machines » au théâtre à tous les procédés mécaniques à l’aide desquelles ont produit sur la scène un mouvement matériel instantané, et aussi l’effet produit par ce mouvement » (Pougin)

Donc sous la plume de Beaumarchais valeur métaphorique du terme. Figaro a pour tâche de fabriquer l’intrigue et de la conduire comme un machiniste conçoit les machines de théâtre et les actionne. (nécessite adresse, vigueur, force et rapidité toujours selon Pougin)

Le barbier, le pur machiniste :
Cf fin de la scène IV de l’acte I ( celui commenté par Vinaver) A relire.
Figaro décide de prendre les choses en main et prépare le Comte au rôle qu’il aura à jouer comme un véritable metteur en scène. Programme dont l’acte suivant mettra en scène l’exécution. Figaro fabrique donc sa machine, le personnage que devra jouer le Comte mais aussi le canevas de l’intrigue ( l’imbroille) à laquelle il participera. Agencements des situations à venir et progrès vers le but souhaité. Figaro aide le comte à composer son personnage. : directeur d’acteur, courte répétition qui clôt la scène. Sur la demande de Figaro et piqué au vif par les doutes émis sur sa capacité à jouer, le Comte s’exécute et une didascalie intermédiaire précise : « prenant un ton ivre » figaro commente » pas mal en vérité ; vos jambes seulement un peu plus avinées » : remarque éloquente : le corps participe tout autant, plus peut-être que l’intonation de ladite composition ». Péché de l’amateur au théâtre qui se cache derrière les mots et oublie que le corps parle d’abord et peut-être davantage. Il « met le ton » selon l’expression consacrée et qui n’est pas le véritable jeu. Un professionnel occupe d’abord l’espace avec son corps, le texte n’est pas la donnée première mais au contraire le point d’aboutissement de la composition. Leçon de théâtre de Beaumarchais.

 Machine de Figaro résumée ainsi : Acte II scène 2 " endormir la vigilance, éveiller l’amour, égarer la jalousie, fourvoyer l’intrigue, et renverser tous les obstacles » choix de verbes à l’infinitif sans objets visant directement les personnages que l’on peut aisément restituer : les domestiques, Rosine, Bartholo et Bazile respectivement.
+Dernière réplique de la pièce réservée à Figaro : exposer le sens du spectacle qui s’achève comme dans la parabase du théâtre antique.

Le Mariage : du « machiniste » au « sot métier de mari »

Dans la première scène, après qu’il a compris grâce à Suzanne le danger que comporte la situation équidistante de leur future chambre, Figaro exprime un souhait : Ah ! s’il y avait moyen d’attraper le trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d’empocher son or ! » : programme d’action attraper, piège : machiniste programme qui sera exécuté dans le 5ème acte, à ceci près que ce n’est plus Figaro le maître d’œuvre, mais la Comtesse. Cf la remarque de Suzanne scne 8 de l’acte V «  Venir te prendre au piège apprêté par u autre ».
Fin de l’omnipotence affirmée dans le Barbier « moi, j’entre ici » avec l’insistance sur le « je ». tournure impersonnelle de « s’il y avait moyen » : pas d’action au présent mais un souhait, envisage non l’exécution du projet mais seulement sa conception.  Donc Régression de la maitrise du valet. Progressive dans la pièce. Au début Suzanne confiante : «  De l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère ». fidélité de Figaro à lui-même.
 Illusion de Figaro maître du jeu dans la scène 1 mais dans la mise en scène de Rauck à la Comédie Française en 2007 cette scène se joue rideau fermé, Figaro vient de la salle monte sur le plateau et dialogue avec Suzanne devant le rideau d’Olivier Debré( réalisé et inauguré en 1987) ainsi l’espace que Figaro mesure c’est celui où règne le théâtre, plan avec lequel il joue est une coupe architecturale de la Comédie Française elle-même.

Fin du monologue scène2 reformule le programme de la « folle journée » : »D’abord avancer l’heure de votre petite fête, pour épouser plus sûrement ; écarter une Marceline qui de vous est friande en diable ; empocher l’or et les présents, donner le change aux petites passions de Monsieur le Comte ; étriller rondement monsieur Bazile et… »
Bartholo dira : » ce drôle est toujours le même » mais ce n’est pas si sûr que cela… acte premier s(achève sur l’exécution de la première étape du projet : avancer l’heure de votre petite fête » qualité de stratège et de metteur en scène. Alors que le Comte à dit à Suzanne : «  Tu n’épouseras pas Figaro, la cérémonie dément le maître, Figaro manie avec beaucoup d’adresse la flatterie, le non dit dont la combinaison a pour but d’imposer au supérieur et contre sa volonté une conduite à suivre qui lui est défavorable. Cf  apartés du Comte : «  C’est un jeu que tout ceci » puis «  je suis pris »

Acte II :dialogue Comtesse avec Suzanne, complices de Figaro croient toujours à l’omnipotence de Figaro «  Lui seul peut nous aider » dit la Comtesse dialogue à trois = mise au point d’un véritable complot c’est Figaro qui mène vu le nombre de répliques, volume de paroles. Marques de lorganisation et de la décision : « n’est-ce pas assez que je m’en occupe ?, chef naturel. Conscience dêtre celui qui manipule : «  avec un brin d’intrigue on les mène où on veut, par le nez, dans le Guadalquivir. » autosatisfaction cf Suzanne : « on peut se fier à lui pour mener une intrigue. »
Fin de l’acte Comte : «  C’est ce Figaro qui le smèbe3 mais durant la scène 21 les faits et le jeu démentent cette suprématie supposée.

Règne de Figaro prend fin à la scène 25 de l’acte II «Comtesse : «  Si j’allais moi-même puis « avoir puni sa jalousie, et lui prouver son infidélité,  cela serait.. sc 24 Une machine est entrain de germer, elle prend les commandes. «  soouviens-toi que je t’ai défendu d’en dire un mot à Figaro. » il a perdu tout pouvoir sur la fabrique det la conduite de l’intrigue. Plus le même rôle. Rauck a situé l’entrace qui divise le spectacle en deux parties après cette sc. 25 de l’acteII. + jeu de rideau, retour du rideau devant le quel Figar affirmait sa maîtrise, mais passage de relais à la Comtesse sans qu’il en soit averti.

Début du monologue Acte V sc3 : «  Me voilà faisant le sot métier de mari » Il était à l’extérieur de la fable dans le Barbier, il est au centre dans le Mariage. Pas dans le pur emploi de valet de mêler son histoire à celle des autres personnages intimement.
Barbier = comédie d’intrigue dans la pure tradition
Mariage= comédie de caractère qui lorgne du côté du drame donc mutation esthétique . ( A suivre…)