Figaro, le machiniste ?
Dans la « Lettre modérée » quand Beaumarchais
présente l’intrigue du Barbier , pas de mention de Figaro : « Un vieillard
amoureux prétend épouser demain sa pupille ; un jeune amant plus adroit le
prévient, et ce jour même en fait sa femme à la barbe et dans la maison du
tuteur. »
Héros éponyme du titre semble donc extérieur à la fable,
mais un peu plus loin dans La Lettre : » Quant à moi, ne voulant
faire, sur ce plan, qu’une pièce amusante et sans fatigue, une espèce d’imbroille,
il m’a suffi que le machiniste, au lieu d’être un noir scélérat, fût un drôle
de garçon, un homme insouciant » Ce machiniste ( sic) c’est Figaro mais
pas d’allusion à son métier de barbier.
Définition de machiniste dans le dictionnaire Furetière :
« Ingénieur qui invente et fait construire des machines. Il faut être fort
savant dans les sciences mécaniques pour être un bon machiniste »
Machiniste au théâtre : « On donne le nom de « machines »
au théâtre à tous les procédés mécaniques à l’aide desquelles ont produit sur
la scène un mouvement matériel instantané, et aussi l’effet produit par ce
mouvement » (Pougin)
Donc sous la plume de Beaumarchais valeur métaphorique du
terme. Figaro a pour tâche de fabriquer l’intrigue et de la conduire comme un
machiniste conçoit les machines de théâtre et les actionne. (nécessite adresse,
vigueur, force et rapidité toujours selon Pougin)
Le barbier, le pur
machiniste :
Cf fin de la scène IV de l’acte I ( celui commenté par
Vinaver) A relire.
Figaro décide de prendre les choses en main et prépare le
Comte au rôle qu’il aura à jouer comme un véritable metteur en scène. Programme
dont l’acte suivant mettra en scène l’exécution. Figaro fabrique donc sa
machine, le personnage que devra jouer le Comte mais aussi le canevas de l’intrigue
( l’imbroille) à laquelle il participera. Agencements des situations à venir et
progrès vers le but souhaité. Figaro aide le comte à composer son personnage. :
directeur d’acteur, courte répétition qui clôt la scène. Sur la demande de
Figaro et piqué au vif par les doutes émis sur sa capacité à jouer, le Comte s’exécute
et une didascalie intermédiaire précise : « prenant un ton ivre »
figaro commente » pas mal en vérité ; vos jambes seulement un peu
plus avinées » : remarque éloquente : le corps participe tout
autant, plus peut-être que l’intonation de ladite composition ». Péché de
l’amateur au théâtre qui se cache derrière les mots et oublie que le corps
parle d’abord et peut-être davantage. Il « met le ton » selon l’expression
consacrée et qui n’est pas le véritable jeu. Un professionnel occupe d’abord l’espace
avec son corps, le texte n’est pas la donnée première mais au contraire le
point d’aboutissement de la composition. Leçon de théâtre de Beaumarchais.
Machine de Figaro résumée ainsi : Acte II scène
2 " endormir la vigilance, éveiller l’amour, égarer la jalousie, fourvoyer
l’intrigue, et renverser tous les obstacles » choix de verbes à l’infinitif
sans objets visant directement les personnages que l’on peut aisément restituer :
les domestiques, Rosine, Bartholo et Bazile respectivement.
+Dernière réplique de la pièce réservée à Figaro :
exposer le sens du spectacle qui s’achève comme dans la parabase du théâtre
antique.
Le Mariage : du « machiniste » au « sot
métier de mari »
Dans la première scène, après qu’il a compris grâce à
Suzanne le danger que comporte la situation équidistante de leur future
chambre, Figaro exprime un souhait : Ah ! s’il y avait moyen d’attraper
le trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d’empocher son or ! » :
programme d’action attraper, piège : machiniste programme qui sera exécuté
dans le 5ème acte, à ceci près que ce n’est plus Figaro le maître d’œuvre,
mais la Comtesse. Cf la remarque de Suzanne scne 8 de l’acte V « Venir te
prendre au piège apprêté par u autre ».
Fin de l’omnipotence affirmée dans le Barbier « moi, j’entre
ici » avec l’insistance sur le « je ». tournure impersonnelle de
« s’il y avait moyen » : pas d’action au présent mais un
souhait, envisage non l’exécution du projet mais seulement sa conception. Donc Régression de la maitrise du valet. Progressive
dans la pièce. Au début Suzanne confiante : « De l’intrigue et de l’argent,
te voilà dans ta sphère ». fidélité de Figaro à lui-même.
Illusion de Figaro
maître du jeu dans la scène 1 mais dans la mise en scène de Rauck à la Comédie
Française en 2007 cette scène se joue rideau fermé, Figaro vient de la salle
monte sur le plateau et dialogue avec Suzanne devant le rideau d’Olivier Debré(
réalisé et inauguré en 1987) ainsi l’espace que Figaro mesure c’est celui où règne
le théâtre, plan avec lequel il joue est une coupe architecturale de la Comédie
Française elle-même.
Fin du monologue scène2 reformule le programme de la « folle
journée » : »D’abord avancer l’heure de votre petite fête, pour
épouser plus sûrement ; écarter une Marceline qui de vous est friande en
diable ; empocher l’or et les présents, donner le change aux petites
passions de Monsieur le Comte ; étriller rondement monsieur Bazile et… »
Bartholo dira : » ce drôle est toujours le même »
mais ce n’est pas si sûr que cela… acte premier s(achève sur l’exécution de la
première étape du projet : avancer l’heure de votre petite fête »
qualité de stratège et de metteur en scène. Alors que le Comte à dit à Suzanne :
« Tu n’épouseras pas Figaro, la cérémonie dément le maître, Figaro manie
avec beaucoup d’adresse la flatterie, le non dit dont la combinaison a pour but
d’imposer au supérieur et contre sa volonté une conduite à suivre qui lui est
défavorable. Cf apartés du Comte : «
C’est un jeu que tout ceci » puis « je suis pris »
Acte II :dialogue Comtesse avec Suzanne, complices de
Figaro croient toujours à l’omnipotence de Figaro « Lui seul peut nous
aider » dit la Comtesse dialogue à trois = mise au point d’un véritable
complot c’est Figaro qui mène vu le nombre de répliques, volume de paroles. Marques
de lorganisation et de la décision : « n’est-ce pas assez que je m’en
occupe ?, chef naturel. Conscience dêtre celui qui manipule : «
avec un brin d’intrigue on les mène où on veut, par le nez, dans le
Guadalquivir. » autosatisfaction cf Suzanne : « on peut se fier
à lui pour mener une intrigue. »
Fin de l’acte Comte : « C’est ce Figaro qui le
smèbe3 mais durant la scène 21 les faits et le jeu démentent cette suprématie
supposée.
Règne de Figaro prend fin à la scène 25 de l’acte II «Comtesse :
« Si j’allais moi-même puis « avoir puni sa jalousie, et lui prouver
son infidélité, cela serait.. sc 24 Une machine
est entrain de germer, elle prend les commandes. « soouviens-toi que je t’ai
défendu d’en dire un mot à Figaro. » il a perdu tout pouvoir sur la
fabrique det la conduite de l’intrigue. Plus le même rôle. Rauck a situé l’entrace
qui divise le spectacle en deux parties après cette sc. 25 de l’acteII. + jeu
de rideau, retour du rideau devant le quel Figar affirmait sa maîtrise, mais
passage de relais à la Comtesse sans qu’il en soit averti.
Début du monologue Acte V sc3 : « Me voilà
faisant le sot métier de mari » Il était à l’extérieur de la fable dans le
Barbier, il est au centre dans le Mariage. Pas dans le pur emploi de valet de
mêler son histoire à celle des autres personnages intimement.
Barbier = comédie d’intrigue dans la pure tradition
Mariage= comédie de caractère qui lorgne du côté du drame
donc mutation esthétique . ( A suivre…)