L’homme de demain
Succès encore aujourd’hui du Mariage cf JP Vincent : «
De même que le récit de la Révolution française est comme la tragédie de nos
origines (modernes), la Folle journée ou le Mariage de Figaro est la comédie de
nos origines (modernes). »
Pièce qui n’a jamais disparu du répertoire de la Comédie Française.
Pourtant pas irréprochable au plan de sa construction cf critique Geoffroy en
1802 « cette débauche d’esprit, ce style dévergondé excite encore de temps
en temps le rire de la farce, mais on le méprise après en avoir ri…un mélange
monstrueux de traits d’esprit et de facéties grossières, grotesquement
exprimées » : déplore la composition hétéroclite et ses facilités.
Le rire de Figaro :
Barbier : « Qui t’a donné une philosophie aussi
gaie ? » : « L’habitude du malheur. Je me presse de rire de
tout, de peur d’être obligé d’en pleurer » Acte I scène 3, donnée fondamentale pour le comédien qui aura à
composer le personnage.
« il est jeune, vif, pétillant…gai, aimable et
attendrissant » écrit Jean Pierre Klein, gaieté pas le fruit d’un
optimisme supposé, réponse au malheur, réponse existentielle, volonté fondée
sur le refus des pleurs, lien avec le spinozisme
qui a inspiré les philosophes des lumières du XVIIIème siècle.
Ethique, Spinoza : « Et
ce n’est certes qu’une sauvage/ torve et triste superstition qui interdit de
prendre du plaisir. Car, en quoi convient-il mieux d’apaiser la faim et la soif
que de chasser la mélancolie ? Tels sont mon argument et ma conviction.
Aucune divinité ni personne d’autre que l’envieux ne prend
plaisir à mon impuissance et à ma peine et ne nous tient pour vertu les larmes,
les sanglots, la crainte etc qui sont
signes d’une âme impuissante. Au contraire, plus nous sommes affectés d’une
grande joie, plus nous passons à une perfection plus grande, c’est-à-dire qu’il
est d’autant plus nécessaire que nous participions de la nature divine. »
Cf Rabelais : « Mieux est de ris que de larmes
escrire/ pour ce que rire est le propre de l’homme » Rire de la lucidité.
Dans le Mariage :
Marceline : « le beau , le gai,l’aimable Figaro », « toujours
en belle humeur » « gai, libre et bon » cf présentation des
personnages par beaumarchais : « la raison assaisonnant de gaieté et
de saillies »
Mais peu de moments où l’hilarité de Figaro soit signalée cependant
enjouement perceptible à l’étude stylistique de ses répliques. Perceptible aussi
par le jeu de contrastes avec le personnage de Chérubin qui est d’emblée dans
le registre de la plainte : « Hélas tu te maries » « je
suis si malheureux » etc gémissement,
accablement devant les malheurs, trouble
la Comtesse
Cf Figaro scène 10 acteI, le
Comte vient d’exiler Chérubin en lui confiant une compagnie de son régiment qu’il
doit rejoindre sur le champ, Figaro lui
fait un tableau de sa vie future : » De bons soldats, morbleu ! basanés,
mal vêtus ; un grand fusil bien lourd : tourne à droite, tourne à
gauche, en avant, marche à la gloire ; et ne va pas broncher en chemin, à
moins qu’un bon coup de feu… » Tonalité ambigüe : veut-il souligner
la cruauté du Comte, se moquer de Chérubin. Choix du metteur en scène. Mais rire,
ironie plutôt que plainte. Cf air de Mozart qui va amplifier les souffrances
militaires, air entrainant et martial sans compassion alors que Chérubin est au
désespoir.
Rire= réponse à l’absurdité du monde ? cf échange avec
Suzanne qui vient de lui faire observer que rien de ce qu’il avait disposé n’est
arrivé : « Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite. Ainsi va
le monde ; on travaille, on projette, on arrange d’un côté ; la
fortune accomplit de l’autre. » Acte IV scène 1 « j’aime ta joie
parce qu’elle est folle » lui répond Suzanne. Joie qui n’a pas de raison d’être,
mais qui est un acte volontaire, attitude assumée, voire règle de vie
Choix différent selon
les acteurs : Laurent Stocker ( Rauck) spontanéité juvénile
André Marcon ( Vincent) un bon sens assez terrien
Richard fontana ( Vitez) une élégance désabusée.