jeudi 24 novembre 2016

la dernière mise en scène de la Tempête en novembre 2016

La  jeune compagnie Dérézo vient de créer sa Tempête au théâtre du Volcan du Havre.

Entretien avec le metteur en scène:
  Entretien avec Charlie Windelschmidt, metteur en scène.

La possibilité d’une île

Normandie-actu : La compagnie Dérézo s’attaque à un grand texte littéraire et à un monstre du théâtre, William Shakespeare. Pourquoi avez-vous choisi d’adapter ce texte ?
Charlie Windelschmidt : L’idée de travailler sur La tempête est née lors d’une résidence en Indonésie. Lauréat 2015 de la Villa Médicis hors-les-murs, j’ai effectué là-bas, pendant trois mois, un travail sur les masques contemporains. En étant sur place, j’ai trouvé beaucoup de correspondances avec la pièce de Shakespeare : l’Indonésie est une île, comme le décor principal de La tempête, et le quotidien des Balinais est fortement imprégné de magie. Constatant ces liens, j’ai proposé à mon équipe de s’immerger dans cette ambiance. Tout le monde est venu à Bali et nous avons commencé sur place les premières lectures et répétitions.
Monter un Shakespeare, c’est un rêve que vous poursuivez depuis longtemps ?
C’est un texte connu et aimé. Mon séjour à Bali m’a donné l’envie de l’adapter.
S’attaquer à La tempête, c’est se confronter à un prologue très connu. Comment met-on en scène le naufrage ?
Nous avons organisé le spectacle en deux temps. La première partie se déroule à l’extérieur et elle est consacrée à la tempête. Cette première scène est très courte et, ensuite, on ne parle plus de tempête. Pour insister sur cet événement initial, nous avons donc choisi de mettre en scène la tempête à l’extérieur. Le public sera en dehors du théâtre, assistant au déchaînement des forces. Puis, dans un second temps, pour marquer le glissement de la tempête météorologique à la tempête intérieure, nous nous rapatrierons dans le théâtre. La première partie est très frontale, spectaculaire et la seconde plus complexe car axée sur les personnages et leurs tourments.

Politique et poétique

On parle d’un prologue spectaculaire. Vous mettez en scène un bateau échoué, une sculpture en métal argenté et doré. Un décor imposant ?
Si le bateau mesure 15 mètres de long, et pèse plusieurs tonnes, il ne faut pas s’attendre à un show à l’américaine. On ne fait pas du spectaculaire, comme peut le faire Royal de Luxe. On détourne, on met en scène un rêve de naufrage, mais le prologue n’est pas une grosse machine.
La Tempête questionne le pouvoir et la liberté, qui sont deux notions chères à votre théâtre.
Le théâtre est un lieu du politique. Je ne veux toutefois pas être référencé comme faisant du théâtre politique. Ce qui domine chez nous, c’est la notion de forain : on amène un côté populaire et ludique. Tout le monde fait la fête. Pour nous, le théâtre est un lieu politique car c’est un lieu d’échanges et de fête. D’ailleurs, les attentats de novembre 2015 ont prouvé que c’était un lieu éminemment politique. Ce qui m’intéresse, c’est de faire un théâtre des sens, pour tous et pas un spectacle pour un petit groupe, pour rester entre soi.
Vous défendez un théâtre politique et poétique.
On essaie d’éviter le consensus. Par le geste poétique, il s’agit de laisser des traces de l’irreprésentable. C’est la spécificité du théâtre : pouvoir avec toute une équipe remettre le geste et le corps au centre du plateau.

L’essence du texte

Vous accordez une grande place aux comédiens ?
Le poétique est induit par le jeu de l’acteur. Nous défendons un théâtre du corps qui sert de vecteur à la parole. Le corps a conscience qu’un silence est aussi important qu’un mot. Le texte est une matière dont doit s’emparer l’acteur. Le théâtre, c’est le lieu des visions et du non-dit.
Le geste prime sur le texte. Néanmoins, vous vous attaquez à un texte majeur de la littérature. Comment avez-vous travaillé la matière littéraire ?
Nous avons travaillé sur la traduction de Jean-Michel Déprats, qui est déjà une adaptation. On l’a repassée à la moulinette de notre équipe. Nous avons procédé à des choix et à des découpes, gommant des digressions que nous ne jugions pas nécessaires. On n’a pas monté l’intégralité du texte, mais on espère en avoir conservé l’essence.