- Figaro et son modèle : ambiguité de la temporalité dans l’oeuvre
; Révolution
française de 1789 (bourgeoise et anti nobiliaire) ?
Révolution nationale de 1933 (qui est en fait une
contre-révolution) avec ses
exilés antifascistes?
Révolution de 1917 en Russie?
- L’utilisation des personnages de Beaumarchais
: en écrivant cette pièce, il fait
appel à la culture d’un public lettré ; le spectateur
reconnaît le personnage tout en
s’amusant à le voir différent.
- Au début, on retrouve vraiment les personnages de
Beaumarchais à la fin du
Mariage : Suzanne est fidèle à sa maitresse,
Figaro suit sa femme par amour et garde
une attitude parfois désinvolte avec le Comte. Figaro
utilise les mêmes mots face au
garde-frontière que dans le fameux monologue de l’acte V,
qui dépeint sa carrière et
son caractère.
- Suzanne et même Figaro trouvent finalement un certain
avantage à suivre
leurs maîtres, même si Figaro semble soutenir la
révolution au fond de lui. = image
plus subtile et donc plus nuancée du caractère de Figaro
par rapport au portrait
idéalisé légué par la tradition.
- Difficulté du Comte à renoncer à sa superbe et qui vend
les bijoux de sa
femme pour continuer à vivre selon un certain train de
vie.
- A la fin de l’acte I, lorsque Figaro décide d’abandonner
le Comte et la
comtesse, le Comte trouve que Figaro est devenu bien «
bourgeois ».
Il s’agit d’un tournant de la pièce car à partir de ce
moment-là, tout va s’inverser par
rapport à la pièce de Beaumarchais : Les liens entre le
Comte et la Comtesse
semblent plus forts ; Figaro et Suzanne se heurtent
violemment et se séparent. On
retrouve alors le ton et l’imagination des Volksstucke, en particulier avec les
personnages de Grosshadersdorf.
- Dans cette atmosphère, Figaro s’est transformé en
boutiquier aigri qui pense
avant tout à sa clientèle et au tiroir caisse. Il a
renoncé à toute liberté de parole. Figaro, devenu un « philistin », un petit
bourgeois, est paradoxalement moins libre que lorsqu’il portait la livrée au service du Comte. Il
reproche à Suzanne leur exil alors qu’elle regrette son ancienne vie auprès de la
Comtesse.
- L’évolution de Figaro et de Suzanne contraste avec celle
du Comte et de la Comtesse : ils ne sont pas aigris et plein de courage face
à l’adversité.
- Surprise que provoque Chérubin, lui aussi exilé : il est
maintenant tenancier d’une boite de nuit. Ce n’est plus le délicat et trouble
adolescent, mais « un monsieur assez jeune, corpulent, avec un visage au teint
rose qui exprime une brutalité diffuse ». Les romances délicates ont fait place
aux rengaines un peu vulgaires qu’il joue au piano. Ses questions à Suzanne
manquent elles aussi de
délicatesse.
- Insistance d’Horváth à modifier l’image traditionnelle
des personnages de Beaumarchais. = rappelle la technique du dévoilement de
conscience mis en oeuvre dans les Volksstücke de 1930 à 1933.
- La peinture de l’émigration : allusions au phénomène collectif de
l’émigration antinazie.
- Une version primitive de la pièce comptait quatre scènes
supplémentaires, où le thème de l’émigration passait au premier plan. C’est
celle que nous étudions justement. Horváth a dû consentir à l’amputation
de son oeuvre à cause du climat qui régnait à Prague à cette époque, bien
que cette capitale fût l’une des plus favorables aux émigrés antinazis (le
Deutsches Theater de Prague ne voulaient pas s’attirer l’hostilité bruyante
des spectateurs pronazis (les partisans de Heilein) ; ils ne voulaient pas
non plus blesser ou mécontenter les autorités tchécoslovaques. = AUTOCENSURE
- Remise en cause du radicalisme dans la « révolution ».
- Le retour de Figaro et son
interprétation : pas de lien cette fois avec l’histoire, car la révolution qu’a connue Figaro à son retour n’a rien
à voir avec celle de 1933.
- Ambiguité des 4 scènes : peu importe la révolution, ce n’est
qu’un changement
de façade?
Horváth rend suspect le zèle de Pédrille envers le nouveau
régime (voir ses raisons personnelles et exagérées - et non de principe- de
haïr l’ancien Régime).
- Le coup de théâtre de Figaro est ambivalent. Selon lui, la
révolution en est à sa seconde phase, celle où l’on élimine les «
combattants » pour placer les gens « compétents ». Figaro n’est revenu que pour faire
une carrière plus lucrative que celle de coiffeur. Il défend son point de
vue (créer une
nouvelle aristocratie, celle de « l’intelligence ») avec
cynisme. Figaro adapte son discours d’intronisation au nouveau régime.
- En réalité, cette attitude hypocrite lui permet de
revivifier en secret ce que la révolution avait étouffé : l’humanité.
- Il refuse toute discrimination faisant d’une partie de la
population un bouc émissaire.
- Il tente de contrecarrer la « politisation » des enfants
en leur donnant la permission de casser les vitres.
- Figaro devient en quelque sorte le modèle idéal du
révolutionnaire assagi, loin des duretés et de la répression qu’on trouvait dans
le 3e Reich.
- « En rappelant à l’humanité trop politisée que le monde
est fait avant tout d’hommes, il prend aussi une position politique : il
est pour une politique du respect de l’homme ». Compte-rendu du
spectacle dans la Prager Presse du 04-04-1937.
- L’idéologie officielle allemande reposait justement sur la
négation de l’égale
dignité des êtres humains.
Notes d’après FRANÇOIS
Jean-Claude, Histoire et fiction dans le
théâtre d’Ödon von Horváth,Presses
Universitaires de Grenoble, 1978.