Pourquoi avez-vous voulu rendre hommage à Jean-Luc Lagarce ? Pourquoi à ce moment-là de votre parcours ? Réponse
Olivier Py a monté Nous , les Héros de Lagarce: sur le site consacré à lagarce
Les Personnages vus par l’auteur
La mère.
Elle joue à la scène également le rôle de l’épouse du père. Elle calcule la caisse après chaque représentation.
Elle essaie de sauver ce qui peut l’être encore de sa famille et de sa troupe. Elle sait que ce mariage qui se prépare n’est pas un bon mariage.
Le grand-père paternel.
Avant, il était le chef de troupe et son père avant lui encore. Il joue les pères nobles et attend la mort. Il voudrait renoncer aux hôtels et rentrer mais il ne se souvient même plus d’où il vient. N’a-t-il pas toujours vécu ainsi depuis qu’il était enfant ?
La fille aînée, Joséphine.
Elle épousera ce soir Raban mais elle n’ignore pas qu’il ne l’épouse pas que pour son talent et sa beauté. Elle veut s’imaginer à tout prix dans les rôles que jouait sa mère lorsqu’elle était jeune. Elle joue là encore un rôle secondaire.
Le fils, Karl.
Il veut partir. Il quittera la troupe, il s’enfuira en Amérique, il ira s’enivrer à Paris, n’importe où, porter des costumes neufs, cesser de jouer les messagers de tragédie et boire du champagne. Ils font comme ils veulent mais dès les fiançailles réglées, il renoncera à sa part.
La fille cadette, Eduardowa.
Elle est la plus jeune, la plus secrète, la plus silencieuse. Elle rêve, on ne sait pas. On l’oublie de temps en temps, elle joue les petits garçons, les enfants, elle fait trois petits tours de piste et on la laisse dans les coulisses sans trop s’occuper d’elle. Elle parle peu, elle les regarde. Elle danse sur une chanson triste.
Raban.
Il joue les héros, les nobles chevaliers. Il épousera Joséphine, il reprendra ce petit commerce de théâtre, il jouera plus tard, à n’en pas douter, les rôles que joue le père. Il s’accommode. Il est arrivé là un jour, il s’est associé à eux et il héritera de la troupe comme on hériterait d’une boutique. Il s’accommode, oui, mais il rêve encore, tout de même, sous ses airs cyniques et revenus de tout, il rêve encore d’aventures romanesques, enlever la belle Madame Tschissik à son mari, s’enfuir avec elle, planter là son tout petit destin, et gagner les capitales et leurs gloires.
Max.
Il est le meilleur ami de Raban. Ils arrivèrent ensemble dans la troupe et ensemble, ils y restèrent. Il regarde, il se moque, il semble ne jamais croire à rien, ne jamais s’impliquer dans aucune histoire, aucun combat. Il fait son travail. Il est libre, il pourrait partir s’il le voulait, il est acteur de complément, ce qu’il dit, mais toute cette liberté, cette absence de famille, cette solitude de ville en ville, sans savoir où jamais revenir, cette liberté de choix, tard dans la nuit, le rend plus drôle encore mais plus désespéré aussi.
Madame Tschissik.
Parce que la mère est devenue trop âgée pour ces rôles-là et parce que Joséphine ne saurait encore les tenir – le pourra-t-elle un jour ? – on engagea Madame Tschissik, reine, tragédienne et premier grand rôle féminin.
Pièce rapportée, bonne actrice et insupportable personne. Elle rêve bien souvent des rôles qu’elle n’a pas connus et rend bien souvent la vie impossible à tout le monde, les autres membres de la troupe, le personnel chargé de les accueillir et parfois encore le public inculte. Raban l’aime en secret, elle ne l’ignore pas. Ses bêtes noires sont les filles de la maison. On lui pardonne beaucoup, on supporte ses caprices de peur qu’elle ne parte.
Monsieur Tschissik.
Le mari. Acteur sans talent, il est le mari de sa femme et on ne saurait engager l’un sans l’autre. Il joue les utilités, les seconds couteaux, quelques traîtres et les employés de banque. A l’entendre, il connut la gloire et le succès sur toutes les scènes de la vieille Europe. Il a un répertoire d’histoires que lui seul veut croire drôles. Ce que dit sa femme, il le répète, mais de toutes les manières, il est de l’avis exact du dernier qui a parlé. On supporte sa vulgarité et sa fainéantise de peur que sa femme, là encore, ne parte.
Mademoiselle (l’intendante).
Elle se tait, on ne sait rien d’elle. Elle les aide à s’habiller, à changer de costumes, mais encore, après avoir rangé les costumes dans les malles, elle met la table, elle fait la cuisine, elle lave le linge et elle est bien souvent la seule à apaiser les disputes entre les enfants, à protéger Eduardowa des moqueries des autres, à rassurer Joséphine sur l’amour des garçons. Elle attend son heure, elle répète en silence, elle connaît des numéros secrets, elle pourrait remplacer au pied levé n’importe qui, ce qu’elle imagine.
Elle joue à la scène également le rôle de l’épouse du père. Elle calcule la caisse après chaque représentation.
Elle essaie de sauver ce qui peut l’être encore de sa famille et de sa troupe. Elle sait que ce mariage qui se prépare n’est pas un bon mariage.
Le grand-père paternel.
Avant, il était le chef de troupe et son père avant lui encore. Il joue les pères nobles et attend la mort. Il voudrait renoncer aux hôtels et rentrer mais il ne se souvient même plus d’où il vient. N’a-t-il pas toujours vécu ainsi depuis qu’il était enfant ?
La fille aînée, Joséphine.
Elle épousera ce soir Raban mais elle n’ignore pas qu’il ne l’épouse pas que pour son talent et sa beauté. Elle veut s’imaginer à tout prix dans les rôles que jouait sa mère lorsqu’elle était jeune. Elle joue là encore un rôle secondaire.
Le fils, Karl.
Il veut partir. Il quittera la troupe, il s’enfuira en Amérique, il ira s’enivrer à Paris, n’importe où, porter des costumes neufs, cesser de jouer les messagers de tragédie et boire du champagne. Ils font comme ils veulent mais dès les fiançailles réglées, il renoncera à sa part.
La fille cadette, Eduardowa.
Elle est la plus jeune, la plus secrète, la plus silencieuse. Elle rêve, on ne sait pas. On l’oublie de temps en temps, elle joue les petits garçons, les enfants, elle fait trois petits tours de piste et on la laisse dans les coulisses sans trop s’occuper d’elle. Elle parle peu, elle les regarde. Elle danse sur une chanson triste.
Raban.
Il joue les héros, les nobles chevaliers. Il épousera Joséphine, il reprendra ce petit commerce de théâtre, il jouera plus tard, à n’en pas douter, les rôles que joue le père. Il s’accommode. Il est arrivé là un jour, il s’est associé à eux et il héritera de la troupe comme on hériterait d’une boutique. Il s’accommode, oui, mais il rêve encore, tout de même, sous ses airs cyniques et revenus de tout, il rêve encore d’aventures romanesques, enlever la belle Madame Tschissik à son mari, s’enfuir avec elle, planter là son tout petit destin, et gagner les capitales et leurs gloires.
Max.
Il est le meilleur ami de Raban. Ils arrivèrent ensemble dans la troupe et ensemble, ils y restèrent. Il regarde, il se moque, il semble ne jamais croire à rien, ne jamais s’impliquer dans aucune histoire, aucun combat. Il fait son travail. Il est libre, il pourrait partir s’il le voulait, il est acteur de complément, ce qu’il dit, mais toute cette liberté, cette absence de famille, cette solitude de ville en ville, sans savoir où jamais revenir, cette liberté de choix, tard dans la nuit, le rend plus drôle encore mais plus désespéré aussi.
Madame Tschissik.
Parce que la mère est devenue trop âgée pour ces rôles-là et parce que Joséphine ne saurait encore les tenir – le pourra-t-elle un jour ? – on engagea Madame Tschissik, reine, tragédienne et premier grand rôle féminin.
Pièce rapportée, bonne actrice et insupportable personne. Elle rêve bien souvent des rôles qu’elle n’a pas connus et rend bien souvent la vie impossible à tout le monde, les autres membres de la troupe, le personnel chargé de les accueillir et parfois encore le public inculte. Raban l’aime en secret, elle ne l’ignore pas. Ses bêtes noires sont les filles de la maison. On lui pardonne beaucoup, on supporte ses caprices de peur qu’elle ne parte.
Monsieur Tschissik.
Le mari. Acteur sans talent, il est le mari de sa femme et on ne saurait engager l’un sans l’autre. Il joue les utilités, les seconds couteaux, quelques traîtres et les employés de banque. A l’entendre, il connut la gloire et le succès sur toutes les scènes de la vieille Europe. Il a un répertoire d’histoires que lui seul veut croire drôles. Ce que dit sa femme, il le répète, mais de toutes les manières, il est de l’avis exact du dernier qui a parlé. On supporte sa vulgarité et sa fainéantise de peur que sa femme, là encore, ne parte.
Mademoiselle (l’intendante).
Elle se tait, on ne sait rien d’elle. Elle les aide à s’habiller, à changer de costumes, mais encore, après avoir rangé les costumes dans les malles, elle met la table, elle fait la cuisine, elle lave le linge et elle est bien souvent la seule à apaiser les disputes entre les enfants, à protéger Eduardowa des moqueries des autres, à rassurer Joséphine sur l’amour des garçons. Elle attend son heure, elle répète en silence, elle connaît des numéros secrets, elle pourrait remplacer au pied levé n’importe qui, ce qu’elle imagine.
Propos recueillis le 10 janvier 1997, à La Rochelle
Olivier Py, pourquoi ce texte de Jean-Luc Lagarce ?
On ne peut pas répondre à cette question comme on y répond d’habitude, avec un metteur en scène qui choisit un texte parce que ça lui permet d’exprimer quelque chose de son travail. Pour nous, l’origine du projet fait partie d’une histoire, elle est intime. C’est un texte que nous devions jouer, Jean-Luc et moi, c’est pour cela que je me retrouve dans la distribution. C’est un de ses plus beaux textes, sinon le plus beau. Une évidence : il fallait raconter cette histoire ; que ce soit moi qui me retrouve chef de chantier ou Jean-Luc… C’est une histoire qui a presque trois niveaux de lecture : d’abord c’est « comment Jean-Luc aurait lu le Journal de Kafka », toute une fantasmagorie sur les pays de l’Est, un Est de pacotille, romantique, un monde rêvé qui exprime le chaos du monde…Ensuite, c’est le Capitaine Fracasse, en gros, toute la référence au théâtre de roulotte, mais dans un univers romantique. Et puis, le dernier niveau de lecture, c’est une pièce autobiographique. C’est la vie des acteurs en tournée, et quelquefois la nôtre, telle qu’elle était sur la tournée du « Malade imaginaire »(1) . Jean-Luc a écrit les rôles en partie pour les acteurs qui étaient sur cette tournée… La première lecture étant la métaphore de l’autre, et vice versa ; c’est aussi le même exil que celui des acteurs en tournée ; et cela reste éternel. Les acteurs meurent toujours de faim et de froid sur les routes, comme Matamore, et les poètes sont toujours maudits, quand ils sont vraiment poètes. Rien n’y changera jamais rien ! Jean-Luc avait envie de dire ça et c’est évidemment un sujet très drôle, une histoire de famille avec tragédie et dérisoire inévitables.
Avez-vous changé quelque peu le texte et comporte-t-il des indications de mise en scène ?
Je n’ai rien changé au texte et les indications sont plus des respirations… Entre les scènes, il y a un objet qui me fascine et m’inquiète, un objet assez intéressant qui est « trois petits points entre parenthèses » ; alors, là, c’est tout le travail du metteur en scène ! Soit c’est « je ne sais pas ce qu’il faut faire pour passer d’une scène à une autre » ou « il faudrait peut-être un peu de musique ». C’est assez bien résumer ce que serait l’acte du metteur en scène, c’est-à-dire essayer de déplier infiniment ce « trois petits points entre parenthèses ». Moi, je méprise profondément le travail de mise en scène, je préfère de loin le travail du couturier ou de l’éclairagiste parce que si vous mettez bout à bout le boulot de l’auteur et des acteurs, de l’éclairagiste, le costumier, le décorateur, le musicien, l’assistant, et la porteuse de café, je me demande toujours ce que fout le metteur en scène là-dedans, et je défie quiconque de me dire ce qu’est la mise en scène quand il aura retiré tout ce que ces collaborateurs ont fait, y compris la dramaturgie !..
L’extrême noirceur de ce texte est absolument délicieuse ; pour moi qui suis plutôt un écrivain illuminé, l’extrême noirceur est un véritable délice… Il faudrait que cette noirceur devienne un sursaut de dignité. Ce monde est en train de mourir et les poètes n’y ont véritablement plus aucune place ; et cette petite société de théâtre est en train de s’effondrer. Mais il y a quelque chose à quoi ils tiennent férocement, c’est à leur malédiction. Cette malédiction n’est pas illusoire, c’est une façon d’être. C’est du romantisme. Mais peut-on faire sans le romantisme ?
On ne peut pas répondre à cette question comme on y répond d’habitude, avec un metteur en scène qui choisit un texte parce que ça lui permet d’exprimer quelque chose de son travail. Pour nous, l’origine du projet fait partie d’une histoire, elle est intime. C’est un texte que nous devions jouer, Jean-Luc et moi, c’est pour cela que je me retrouve dans la distribution. C’est un de ses plus beaux textes, sinon le plus beau. Une évidence : il fallait raconter cette histoire ; que ce soit moi qui me retrouve chef de chantier ou Jean-Luc… C’est une histoire qui a presque trois niveaux de lecture : d’abord c’est « comment Jean-Luc aurait lu le Journal de Kafka », toute une fantasmagorie sur les pays de l’Est, un Est de pacotille, romantique, un monde rêvé qui exprime le chaos du monde…Ensuite, c’est le Capitaine Fracasse, en gros, toute la référence au théâtre de roulotte, mais dans un univers romantique. Et puis, le dernier niveau de lecture, c’est une pièce autobiographique. C’est la vie des acteurs en tournée, et quelquefois la nôtre, telle qu’elle était sur la tournée du « Malade imaginaire »(1) . Jean-Luc a écrit les rôles en partie pour les acteurs qui étaient sur cette tournée… La première lecture étant la métaphore de l’autre, et vice versa ; c’est aussi le même exil que celui des acteurs en tournée ; et cela reste éternel. Les acteurs meurent toujours de faim et de froid sur les routes, comme Matamore, et les poètes sont toujours maudits, quand ils sont vraiment poètes. Rien n’y changera jamais rien ! Jean-Luc avait envie de dire ça et c’est évidemment un sujet très drôle, une histoire de famille avec tragédie et dérisoire inévitables.
Avez-vous changé quelque peu le texte et comporte-t-il des indications de mise en scène ?
Je n’ai rien changé au texte et les indications sont plus des respirations… Entre les scènes, il y a un objet qui me fascine et m’inquiète, un objet assez intéressant qui est « trois petits points entre parenthèses » ; alors, là, c’est tout le travail du metteur en scène ! Soit c’est « je ne sais pas ce qu’il faut faire pour passer d’une scène à une autre » ou « il faudrait peut-être un peu de musique ». C’est assez bien résumer ce que serait l’acte du metteur en scène, c’est-à-dire essayer de déplier infiniment ce « trois petits points entre parenthèses ». Moi, je méprise profondément le travail de mise en scène, je préfère de loin le travail du couturier ou de l’éclairagiste parce que si vous mettez bout à bout le boulot de l’auteur et des acteurs, de l’éclairagiste, le costumier, le décorateur, le musicien, l’assistant, et la porteuse de café, je me demande toujours ce que fout le metteur en scène là-dedans, et je défie quiconque de me dire ce qu’est la mise en scène quand il aura retiré tout ce que ces collaborateurs ont fait, y compris la dramaturgie !..
L’extrême noirceur de ce texte est absolument délicieuse ; pour moi qui suis plutôt un écrivain illuminé, l’extrême noirceur est un véritable délice… Il faudrait que cette noirceur devienne un sursaut de dignité. Ce monde est en train de mourir et les poètes n’y ont véritablement plus aucune place ; et cette petite société de théâtre est en train de s’effondrer. Mais il y a quelque chose à quoi ils tiennent férocement, c’est à leur malédiction. Cette malédiction n’est pas illusoire, c’est une façon d’être. C’est du romantisme. Mais peut-on faire sans le romantisme ?
- (1) Olivier Py créa le rôle de Cléante pour ce spectacle.