L’ANIMALITÉ CHEZ LABICHE
Jean Boillot (metteur en scène*) et Olivier Chapuis (Conseiller dramaturgique**) proposent une interprétation d’Eugène Labiche, sous le signe de l’animalité, Labiche considérant que l’homme n’est pas supérieur ou fondamentalement différent de l’animal.
Le salon bourgeois intervient comme un espace reclus du monde civilisé, permettant d’échapper au contrôle de la société. (...)
En outre, ces personnages de Labiche, souffrent d’un vide existentiel. Bourgeois rentiers, argentés, ils n’ont pas besoin de travailler, étant confrontés à l’inactivité à laquelle ils ne peuvent se résoudre (Cf S. Beckett – En attendant Godot –Théâtre de l’absurde), traversés par de multiples pulsions qui les dépasse jusqu’à les renvoyer à la condition d’animaux, condition originaire où la pulsion a toute sa place.
Le spectateur pourra sûrement entrevoir, dans ce huit clos confiné, les désirs organiques traverser les corps de ces bourgeois. Quelles allures dessinent ces hommes et ces femmes à qui l’on retire soudainement ce qui les caractérisent tant : la civilisation,l’éducation, le marquage social ? Demeurent-ils humain ? Sont-ils étranges et pervers? Tant tous les cas, il s’opère un glissement. Celui de l’homme à l’état de culture (civilisé) à l’état de nature (sauvage).
LE THÉÂTRE DE BOULEVARD
Traditionnellement vu comme un théâtre du divertissement, visant à assurer le consensus au sein d’un public familial, le théâtre de boulevard à tendance à être perçu comme une discipline au service du rire, pas forcément de la réflexion.
Jean Boillot et Ollivier Chapuis ont eu le désir de dépoussiérer cette image du théâtre de boulevard, de prendre au sérieux la légèreté des pièces, renvoyant aux sens multiples des textes de Labiche : malaise social, domestication des pulsions, difficulté du vivre ensemble.
DE LA DAME AU PETIT CHIEN AU MOUTON À L’ENTRESOL
La succession des deux pièces apparait comme une montée progressive de l’expression des pulsions.
Dans La Dame au petit chien, la suggestion est au cœur de la pièce.
Le jeune Roquefavour souhaite faire de Mme de Fontenage, sa Venus, un idéal inatteignable qui ne lui permettra guère d’arriver à ses fins. Jean Boillot et Olivier Chapuis s’inspirent ici du travail de Sacher-Masoch, pour qui le
désir s’exprime avant tout dans l’attente, dans la projection.
Dans Un Mouton à l’entresol, les personnages laissent progressivement libre court à leur animalité, jusqu’à créer une nouvelle normalité à travers les repères de l’animalité (les borborygmes, la nudité).
Cette interprétation apparaît en échos avec le travail du cinéaste Louis Bunuel qui tourne la bourgeoisie en dérision en en renversant les codes (Cf Le Fantôme à la liberté, Le Charme social).