Les
Bas-Fonds de Maxime Gorki d'après la traduction d'André Markowicz, adaptation et
mise en scène Éric Lacascade ( durée du spectacle 2h40, début à 16H)
Site de la Compagnie
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Sur fond
d’une Russie révolutionnaire, le dramaturge décrit d’une
manière très
réaliste la vie d’un groupe de déclassés, d’exclus, de
marginaux et
de voleurs vivant à la marge de la société moscovite.
D’un monde
ancien en train de disparaître à un monde nouveau qui
n’a pas
encore vu le jour, la communauté des Bas-fonds, parcelle
d’humanité
abandonnée, est à la dérive. Les pires monstres y
surgissent
comme les plus belles chimères. Tensions, conflits,
passions,
chacun lutte avec l’énergie du désespoir pour sa survie et
l’union de
ces solitudes crée une situation explosive.
« Gorki est
un phénomène littéraire, politique et philosophique complexe : autodidacte sacré père des lettres soviétiques, militant
bolchevique émigré après la révolution, vagabond anarchisant devenu
porte-parole de Staline... « Canonisé » de son vivant, accusé après la fin de
l'U.R.S.S. d'avoir été le chantre du goulag, l'homme intéresse plus que l'œuvre,
qui fournit pourtant, dès les premiers récits, la clé de ces contradictions.
Gorki –«
l'Amer » : ce nom de plume, choisi en 1892, traduit bien la source et le but de
toute l'activité de l'écrivain. Celui qui a connu dès son enfance, une réalité
sordide et cruelle aspire à la transfigurer par la raison, la volonté et le
travail, à créer « une vie plus belle et plus humaine ». Dût-il pour cela
mentir, ou semer des illusions. Gorki est l'un des bâtisseurs, et l'une des
victimes, de l'utopie communiste du XXe siècle. Il incarne les révoltes, les
espoirs et les errements de son époque. »
(http://www.universalis.fr/encyclopedie/maxime-gorki/)
Gorki a raconté
sa vie dans une trilogie autobiographique : Enfance/ Ma vie d'enfant (1914), En
gagnant mon pain (1915-1916),Mes
universités(1923).
Une pièce
tragique mais humaniste:
Dans un
asile de nuit, des personnages vivent et se disputent. Tous sont des déclassés ayant
subi des revers et contraints pour survivre de camper dans des locaux
désaffectés.
Dans les vapeurs
d'alcool, ils se côtoient, s'affrontent, se désirent, se trompent. Certains sont appelés
par leur nom, d'autres par leur fonction (L'acteur, Le baron). Un vagabond arrive,
Louka, incarnant la sagesse et la bonté. Il leur rappelle que la compassion est
tout ce qu'il peut leur rester d'humanité. Mais les ressentiments et les
rivalités auront raison de ce discours humaniste. Les « bas-fonds »
représentent à la fois l'endroit interlope
dans lequel
sont confinés et oubliés les personnages mais aussi la condition humaine qui, à force
de renoncements, s'enlise et se condamne.
L'issue de
cette pièce est sombre : les hommes sont un à un écrasés par le sort ou par autrui.
La fantaisie domine cependant et fait la part belle au cynisme et à l'humour
noir.
Les
Bas-fonds illustre aussi certaines préoccupations politiques et sociales de
Gorki. Dans l'acte IV, un personnage, Satine, se lance dans un vaste monologue qui
prend parfois des allures de manifeste. L'auteur, par ce discours politique,
manifeste ainsi sa foi profonde en l'homme.
Éric Lacascade
et l’œuvre de Gorki
Éric Lacascade
est artiste associé au TNB et directeur pédagogique de l’Ecole Supérieure d'art
dramatique de ce théâtre depuis 2013. Après Les Barbares en
2006 et Les Estivants en 2009, c'est la troisième pièce du dramaturge russe
qu'il monte. Il met en avant le caractère violent et particulièrement moderne
du théâtre de Gorki. Ainsi, son adaptation de Les Bas-fonds s'attache à montrer
les enjeux contemporains de la pièce,qui
dépassent sensiblement le contexte de la Russie de 1900. Ces personnages déclassés,
occupant des lieux de services publics transformés en campements de fortune,
pourraient incarner des réfugiés (politiques, climatiques) contraints pour survivre de
se contenter d'expédients. Se posent alors les questions de l'humanité et de l'éthique
:
« Comment
vivre quand l'abîme de la précarité, de la misère et du malheur s'ouvre chaque
jour un peu plus sous nos pieds ? ». Eric Lacascade insiste sur la nécessité de
représenter cette partie marginale de la population qui cristallise les
tensions de notre
société : «
Dans l'état de crise que nous vivons, s'attacher à décrire et à comprendre ces
exclus
permet aussi de mieux nous comprendre nous-mêmes ».
Les
Bas-fonds de Gorki est l'une des premières pièces dont les personnages
principaux appartiennent au sous prolétariat, ce qui était alors
particulièrement novateur.
Interview d'Eric Lacascade sur France Culture
"Je ne sens pas le centre dans notre époque : j'ai donc fait un théâtre de l'époque, un théâtre de la multiplicité."
"J'aime ce réalisme poétique du cinéma français à la Renoir : c'est une des définitions de mon théâtre."
"Dans une pièce à multiple niveaux de lecture, j'ai travaillé à ne pas fermer le sens, pour que chaque spectateur fasse son montage poétique"
"Entre optimisme de la volonté et pessimisme de la raison, Gorki comme moi avons du mal à croire en un homme meilleur."
"D'un théâtre adressé aux dieux on est passé à un théâtre qui s'adresse à l'homme : et aujourd'hui, pour qui est-il ?"
Eric Lacascade, La Grande Table