Captation de la totalité du ballet sur Vimeo
Nombreuses photos à commenter
Avec sa nouvelle création, STIL, le chorégraphe Christian Ubl explore le mouvement artistique né à la fin du XIXème siècle le Jugendstil, initié par les deux peintres Gustav Klimt et Egon Schiele,
pères de la sécession viennoise, transcrivant dans la danse, tableaux
et lumières, entre élégance brillante de l’un et crudité sans fard de
l’autre. Magie pure de l’incipit de la pièce avec une harpe (Hélène Breschand)
aux variations délicates et les évolutions drapées d’ors des danseurs,
oiseaux du plus pur style « art nouveau » nimbés des subtiles lumières
de Jean-Bastien Nehr. La pièce peut être considérée
comme une rétrospective et un hommage à toute une époque : on déchiffre
au fil des micro-saynètes, diverses influences, ici, les voiles d’une
Loïe Fuller, puis la danse néo-antique copiée sur le modèle des vases
grecs par Isadora Duncan, tandis que la harpe prend des accents proches
de l’hymne à Apollon, là, ce sont des tableaux d’Egon Schiele, Le baiser de deux femmes,
ou des mouvements d’ensemble où la mécanique des corps, affranchis de
toute retenue, évoque des transes qui malgré leur violence ne trouvent
pas d’harmonie ou d’apaisement. Interrogation sur les limites de ce que
peut dire le geste lorsqu’aucune transcendance ne l’habite, sur la
liberté, l’exploration de ce qu’est la représentation, de la crudité, de
sa cruauté. La harpiste devient une furie des Enfers, soutenue par son
complice Fabrice Cattalano, aux côtés des danseurs (Marianne Descamps, Bastien Lefèvre, Joakim Lorca, Marion Peuta, Anne-Emmanuelle Deroo, Séverine Bauvais et Martin Mauriès)
qui scandent comme de sauvages incantations des poèmes d’Egon Schiele.
La danse finale légère, exempte d’entraves matérielles, esquisse sans
doute une réponse. Cacher ou montrer ne se réduit pas à porter un
vêtement ou pas, et l’art de Christian Ubl, dans cette pièce baroque,
rappelle l’importance de la rupture artistique et sociétale des débuts
du XXème siècle, qui en remettant en cause les codes de la
représentation ont permis une nouvelle appréhension de l’humain, et un
nouvel angle de lecture du monde.
MARYVONNE COLOMBANI
Mars 2017