Autre site intéressant sur l'opéra de Berg, notamment dans la mise en scène de David MC Vicar
Texte sur le personnage de Marie que j'ai lu ce matin dans le dossier bien fait:Carnet Wozzek du CNDP de Reims. Tout est à exploiter dans ce dossier.
dossier musical intéressant avec des illustrations sonores
A propos de la mise en scène de Christoph Marthaler à l'Opéra Bastille
Articles d'étudiants de la Sorbonne sur la mise en scène de Marthaler.
Reprise des mises en scènes vues en photos en cours:
Scénographie chez Marthaler:
"Mettre en scène l’opéra d’Alban Berg, c’est donc prendre à bras le corps
cette écriture noire et ramassée, qui n’a pas perdu de sa violence après avoir
été mise en musique. Pour mieux rendre compte de la bassesse du sujet (mais oui
!), Christoph Marthaler transpose l’action dans la banlieue
défavorisée d’une ville moyenne des années 1990. Les très belles photographies
de Raymond Depardon intégrées au programme suggéreraient Glasgow, mais le
metteur en scène mentionne plutôt Gand. Peu importe. Dans cette ville sinistre
au possible a lieu une kermesse, où l’on aperçoit les enfants jouer à
l’extérieur alors que sous la tente en plastique transparent, les adultes
mènent leur triste vie de débauche.
Disons-le d’emblée : le parallèle de Marthaler fonctionne. Les personnages
sont nettement dessinés grâce à un jeu d’acteur efficace et les costumes d’Anna
Viebrock, d’un épouvantable mauvais goût bien étudié, contribuent à
brosser le portrait d’une société abandonnée par le progrès. La pièce se
déroule sans interruption, selon une mécanique bien huilée, où les références
humoristiques désabusées ne manquent pas. On reprocherait cependant un certain
manque de finesse à ce paysage peu élogieux, où la parodie frise parfois le
grotesque involontaire, voire le mépris de classe. Heureusement, les lumières
saisissantes d’Olaf Winter viennent contrebalancer ce paysage
qui ne proposerait sinon pas grand chose d’autre que de la crudité."
Mise en scène de Kentridge
(...°et William Kentridge, dont les mises en scène ne laissent
jamais indifférents, avec Matthias Goerne dans le rôle-titre
avait de quoi séduire les familiers du Festival de Salzbourg. Yannick Boussaert
y était et avait rendu compte du spectacle qui fait l’objet du présent
enregistrement (Plus
noir que le fond de la mare). Un an après, la version enregistrée nous parvient.
Ni rue, ni maison, ni caserne, taverne ou étang, un décor unique, mouvant,
changeant, où la nature est détruite, réduite à son évocation musicale. William
Kentridge nous a habitués à contextualiser ses réalisations expressionnistes.
Il connaît son Büchner, qu’il fréquentait de longue date, avant de s’emparer de
l’ extraordinaire déclinaison musicale de son Woyzeck. Ici, l’univers
sinistre qu’il peint, joue à tous les niveaux : par le décor, surprenant,
et les éclairages, mais autant par les projections constantes sur un
vaste cyclorama, comme celles sur petit écran de petits films, évidemment en
noir et blanc, de dessins expressionnistes, de cartes, de photos de guerre.
Elles accompagnent les changements de tableaux, tout en traduisant les pensées
des acteurs du drame. Plasticien expressionniste autant que metteur en scène,
il réalise là une union des arts telle qu’auraient pu la rêver les penseurs de
la Renaissance. Sabine Theunissen crée un monde de
laideur, sordide, de désolation et de misère, aux couleurs passées, de boue ou
d’excréments. Un tertre, des passerelles enchevêtrées, une boîte
confinée, sorte d’armoire à secrets, cabinet de curiosités, qui sera aussi le
cabinet du docteur, des objets de récupération, béquilles, bandages, masques à gaz,
lambeaux d’uniformes… Tout concourt à rappeler la Grande guerre et
traduit la décomposition de ce monde. Des lumières chichement mesurées, se
conjuguant aux projections participent à ce malaise, où le réel, l’incertain et
la vision fugace tendent à se confondre. La troisième scène de l’acte III mêle
ainsi les images des danseurs, grandis par la projection, aux personnages
réels, hommes avec masques à gaz et femmes dansant le plus souvent avec des
chaises. Aucun pléonasme ou surlignage : en témoigne la scène où Wozzeck,
halluciné, et Andres, à la tombée de la nuit, rentrent chargés du bois qu’ils
ont coupé (ici de pauvres objets ramassés dans les ruines). Cette scène ne tire
sa force que du chant et de l’orchestre : aucun effet scénique pour traduire
les superstitions, les visions démentes de Wozzeck. Le texte, sa
traduction musicale et le jeu des chanteurs sont magnifiés par cette approche
originale. Le spectacle est épuré au profit du drame.
Mise en scène David McVicar
David McVicar, à qui l’on doit la mise en scène de ce Wozzeck,
l’affirme et tient promesse : il s'agit d'un « cri urgent pour plus de
compassion ». Familier ou non de l’ouvrage, on sort bouleversé. Tout y
concourt : une distribution de haut vol, sans faiblesse, servie par une
mise en scène d’anthologie. Cette création européenne de la production réalisée
en novembre 2015 pour le Lyric Opera de Chicago, ici confiée à Daniel
Ellis, se signale par son intelligence et sa prise en compte
scrupuleuse des indications scéniques. Pour avoir du souffle, la réalisation
n’en est pas moins extrêmement fouillée. Tout fait sens. N’était l’émotion
forte à laquelle nul ne peut échapper, on se contenterait de tourner les pages
de ce beau livre d’images, toujours justes, parlantes, servies par des
éclairages judicieux. Pour autant, l’œil n’est jamais distrait du jeu des
acteurs.
Visible dès l’entrée en salle, toujours présent, même occulté, un imposant
cénotaphe nous donne la mesure du temps, des hommes broyés par la
« grande » guerre. Le large cadre scénique, panoramique, se module
ingénieusement dans les trois dimensions. La hauteur et la profondeur sont
réduites par deux étroits rideaux coulissant latéralement. Les invraisemblables
accessoires, authentiques (la baignoire à roulettes de la première scène) comme
fantastiques (le fardier auquel est attelé Wozzeck, les appareils du cabinet du
Docteur, avec cette pupille grossissante qui nous défie, la voiture du Capitaine)
sont autant de trouvailles bienvenues. Les costumes s’accordent idéalement aux
personnages, du Capitaine, au casque à pointe, au Tambour-Major, roux, en veste
bleu horizon, en passant par la pianiste en turban à plume des années folles.
Les humbles ne sont pas moins caractérisés. Y compris dans les scènes les plus
dépouillées, c’est toujours un régal pour l’œil. Ajoutez à cela une excellente
direction d’acteurs, où tout est vrai, juste, réglé au millimètre, et vous
aurez déjà pris conscience du caractère exceptionnel de cette production.
Pour David McVicar, Wozzeck est un pur, une âme simple, soumise,
superstitieuse, broyée par un environnement sordide. Intensément humain, il
n’est pas ce fou halluciné qui sert de cobaye au Docteur. Son amour, son besoin
d’amour sont essentiels, comme sa solitude, ses incompréhensions. « Il
porte tout le poids du monde sur ses épaules, tourmenté, opprimé, oppressé »,
« le sadisme des autres le plonge dans la démence » nous dit
le metteur en scène. Ce ne sont pas tant le meurtre de Marie puis le suicide de
Wozzeck qui constituent l’aboutissement, quelque horreur qu’ils portent, mais
la promesse de transmission de sa pauvre condition à son fils, dans la scène
ultime, après le bouleversant interlude en ré mineur. Vision cohérente, d’une
grande fidélité au livret, si dense malgré sa brièveté.