Analyse dramaturgique de Lioubov
Andreevna :
Mon personnage est Lioubov
Andreevna, c’est la propriétaire terrienne de La Cerisaie, et elle devra la
vendre. C’est une femme veuve, qui a perdu son fils car il s’est noyé, elle est
également la mère d’Ania et la mère adoptive de Varia. Son frère est Gaev.
Son entourage dit d’elle qu’elle est
accueillante et généreuse, elle est également affective et on peut remarquer
qu’elle est estimée par de nombreux personnages : « c’est quelqu’un de
bien », dit Lopakhine (p. 10) ; « Ce que je voudrais seulement, c’est que
vous me fassiez confiance comme avant […] autrefois » dit Lopakhine (p.23).
Varia l’appelle souvent « ma bonne maman » ce qui montre qu’elle la
considère comme sa vraie mère, Lioubov a su jouer un rôle maternel assez
puissant envers Varia, pour que cette dernière se sente à l’aise dans cette
famille. Nous pouvons également retrouver l’attachement de Trofimov envers
Lioubov, lorsqu’il la qualifie de « bonne amie » (p. 74)
On peut voir sa générosité dans la phrase « Douniacha offrez du thé aux musiciens » (p.68)
On peut voir sa générosité dans la phrase « Douniacha offrez du thé aux musiciens » (p.68)
Cependant son frère Gaevla qualifie de « dépravée ». Mais elle semble tout de même entretenir une relation très fusionnelle avec son frère, cela peut s’exprimer par leur réaction qui est la même face à la vente de la Cerisaie. Ils se jurent que le domaine ne sera pas vendu et refusent d’adapter leur chère Cerisaie aux nouvelles contraintes de la Russie en pleine émergence. Mais cela doit également être puisque Gaev était la seule famille que Lioubov avait, avec ses filles, lorsqu’elle a perdu son fils et son amant. Nous pouvons également remarquer qu’ils partagent les mêmes souvenirs d’enfance, ce qui nous amène à croire qu’ils avaient une vraie complicité étant enfant, et que celle-ci n’a pas disparu au fil du temps. Et nous pouvons animer cette pensé avec la didascalie à l’acte IV : Lioubov et Gaev se jettent dans les bras l’un de l’autre et sanglotent, tout bas, de peur qu’on ne les entende.
Elle est également qualifiée de dépensière selon ses propres dires et ceux des autres : (p. 16)
-> « Sa villa près de Menton, elle l’avait déjà vendue, il ne lui restait rien, mais rien » dit Ania. A la page 97 Lioubov affirme son côté dépensier lorsqu’elle dit « cet argent ne fera pas long feu ».
Ranevskaïa est également représentée comme une femme très émotive, elle pleure souvent, nous le retrouvons régulièrement dans les didascalies :
-
« les
larmes aux yeux » p.22
-
« elle
pleure » p.74
-
« elle
sort un mouchoir » p.75 …
Lioubov ne cesse de se
mettre en scène comme un personnage tragique en évoquant le « châtiment »
qu’elle aurait reçu pour ses « péchés » (p. 50), la punition de Dieu (p. 50) et
son « destin » (p. 71).Lioubov ne meurt pas de mort violente, mais elle finit
par perdre la cerisaie. Cette perte est annoncée dès l’Acte I, et les actes
suivants vont voir cette annonce devenir réalité, comme dans une tragédie.
Néanmoins, Lioubov pourrait très bien échapper à son destin et éviter cette
vente en reconvertissant le domaine ou en cherchant à le rentabiliser, comme le
lui recommande Lopakhine à plusieurs reprises dans la pièce. Or, elle ne le
fait pas, parce qu’elle considère cette reconversion comme « vulgaire ». Elle
n’est donc pas soumise à un destin implacable, cependant elle ne fait rien pour
changer le court des choses. Ce comportement représente mal le colossal
attachement que Lioubov a envers cette Cerisaie. Effectivement nous pouvons
remarquer cet amour à de nombreuses reprises. Tout d’abord puisqu’elle y
retrouve tout ses souvenirs, la Cerisaie est la représentation de son enfance.
Mais je pense également qu’elle peut représenter une figure maternelle pour
Lioubov, comme nous le voyons dans la phrase « Regardez notre pauvre maman
qui marche dans la Cerisaie… en robe blanche ». Ce fut certainement auprès
de La cerisaie qu’elle allait quand elle était triste. D’ailleurs elle le dit
« le bonheur s’éveillait avec moi », ce qui veut dire que cet endroit
était source de joie pour Lioubov. Je pense alors que, Lioubov, malgré tout
cela a voulu partir, puisque comme elle le dit la Cerisaie est synonyme de
souvenir, elle a pu en vivre des bon comme des mauvais. Je pense notamment à la
mort de son fils noyé, qui l’a profondément blessé car c’est à cause de cela
qu’elle a quitté la Cerisaie pour la première fois. Mais c’est aussi pour cela
que Lioubov a essayé de se suicider. Je pense alors que pour elle quitter cette
Cerisaie est synonyme de laisser le passé, de détruire les fantômes qui la
hantaient. Ainsi, pour elle, chaque arbre abattu est une part de mémoire qui
disparaît.
Lioubov commence la scène en étant à Paris,
et revient à sa source en Russie, elle est heureuse de revenir dans son cocon
d’enfance, puisqu’elle y retrouve tous ses souvenirs. Cependant son euphorie
diminue petit à petit puisqu’à la fin de la pièce elle est forcée à quitter la
Cerisaie, comme si elle n’était pas faite pour rester dans cette maison. Elle
passe alors par plusieurs émotions, la joie, l’exaspération et la tristesse.
Mais elle va tout de même réussir à se relever, et surmonter cette épreuve,
elle quittera alors la Cerisaie de façon très humble. Son évolution se voit
alors surtout dans ses émotions.
J’interprète Lioubov dans l’acte IV, et dans
celui-ci nous pouvoir voir qu’une didascalie nous montre qu’elle est
profondément affectée par le fait de quitter La Cerisaie, « elle est pâle,
son visage tremble, elle ne peut pas parler ». Cependant elle commence à
aller mieux, comme nous le montre la didascalie « Mes nerfs vont
mieux », elle fait preuve d’une force démesurée pour oublier son passé et
débuter une nouvelle vie. Elle essaie tout de même de prolonger sa présence
dans la maison, en regardant longuement l’intérieur de cette dernière. Je pense
que c’est dans cette acte que nous pouvons ressentir plus intensément
l’attachement de Lioubov face à la Cerisaie, puisqu’elle exprime « Mon
deuxième chagrin c’est Varia ». Ainsi cela nous montre qu’elle place
l’abandon de la Cerisaie avant sa propre fille. Enfin comme je l’ai dit Lioubov
fini par quitter la maison humblement, comme si elle était déterminée à
recommencer une nouvelle vie, oublier les démons de son passé.
Pour moi, Lioubov est synonyme de fragilité et
de légèreté, mais également d’une certaine naïveté. Cela pourrait être traduit
par le fait qu’elle ne sait pas gérer l’argent, mais également par le manque de
réactivité fasse à La Cerisaie, certes elle est triste, mais elle ne se donne
pas les moyens pour garder sa propriété. Je pense que Tchekhov a voulu la
représenter comme figure de deuil, du fait qu’il souffrait de la Tuberculose
lors de l’écriture de la Cerisaie. Ainsi elle représenterait cette facette, à
travers la perte de son fils, de son amant, de son mari, mais également lors de
la vente de La Cerisaie. Je pense que ce sont toutes ses épreuves, qui font de
Lioubov une femme fragile, et sensible, mais également très affective.
Peut-être a-t-elle besoin de se sentir exister, de sentir aimer, c’est pour
cela qu’elle étreint souvent ses proches.
A l’aide de ce procédé elle enfouit sa tristesse,
grâce au bonheur des autres, grâce à leur compassion.