jeudi 25 juin 2020

Woyzeck de Buchner mise en scène de Thomas Ostermeier en intégrale

A voir pour les Terminales, cette mise en scène extraordinaire dont nous avions regardé des extraits. A découvrir pour les premières.

Woyzeck

Truffée de nombreuses scènes muettes inventées, composée comme un scénario de film par Thomas Ostermeier et l'auteur Marius von Mayenburg, cette mise en scène physique enrôle l'onirisme désenchanté de Woyzeck, pièce fragmentaire de Georg Büchner (1813-1837), dans une critique sociale du temps présent.

Âgé de trente-cinq ans, Thomas Ostermeier est un metteur en scène de l'engagement. Physique et politique. Chacune de ses mises en scène engage le corps de ses comédiens de manière totale. Chaque spectacle, issu du répertoire ou de l'avant-garde, inspiré par le tumulte de l'histoire individuelle ou collective, convoque l'ensemble du corps social. Son théâtre direct, frontal et ciselé est celui de la quotidienneté : comédie des apparences des couples de la nouvelle classe dominante (Maison de poupée), lutte acharnée des parias des “cités” (Woyzeck), ultramoderne solitude des femmes orphelines de la guerre économique (Concert à la carte), jeunesse perdue et frondeuse en quête d'absolu (Disco Pigs)...

Héritier inspiré de la tradition du Berliner Ensemble de Bertolt Brecht et de la pédagogie de Constantin Stanislavski et de Vsevolod Meyerhold, Thomas Ostermeier a fait ses premières armes en tant que comédien, puis en étudiant la mise en scène à l'Ecole supérieure d'art dramatique Ernst Busch de Berlin. C'est dans le chantier de cette “capitale de la douleur” européenne en pleine réunification qu'il installe en 1996 la “Baracke”, ensemble de préfabriqués abrités par le Deutsches Theater, qui devient le laboratoire de toute une nouvelle génération d'auteurs, d'acteurs et de metteurs en scène. Performances exigeantes et provocantes, dramaturgies et écritures résolument contemporaines : c'est dans la confrontation avec ses “pères” artistiques qu'il obtint la reconnaissance de ses pairs et de la critique. En 1999, alors que s'achève l'aventure de la Baracke qui enflamme un nouveau public, le Festival d'Avignon l'invite à présenter Sous la ceinture de Richard Dresser, Shopping and fucking de Marc Ravenhill et Homme pour homme de Bertolt Brecht à la Baraque Chabran, témoignages remarqués d'un collectif artistique caractéristique du théâtre germanique. Depuis 1999, Thomas Ostermeier codirige la Schaubühne, l'un des principaux théâtres de Berlin, qu'il cherche à ouvrir au public des non-initiés.

En 2001, il présente la Révolution à Avignon, avec la Mort de Danton (1835) de Georg Büchner, pièce d'un éternel « jeune auteur », dit-il, auquel celui qui n'a cessé de monter les textes de la nouvelle génération rêve de s'affronter. Brecht, Ibsen, Büchner, mais aussi Maeterlinck : les auteurs du répertoire dont il transpose les pièces au cœur de notre actualité correspondent aussi bien à l'univers de Thomas Ostermeier que les contemporains qu'il a mis en scène, tels Sarah Kane, Biljana Srbljanovic, Jon Fosse ou encore Marius von Mayenburg, auteur associé de la Schaubühne. La scène allemande et européenne trouve en Thomas Ostermeier une voix possible pour renouveler un théâtre ancré dans la réalité. Celle d'une “vieille Europe” pacifiée mais déboussolée et divisée, qui cherche son chemin loin des promesses éventées du rêve américain. Celle des personnages de théâtre – auxquels Thomas Ostermeier souhaite redonner vie et couleur, afin d'accrocher le spectateur. Il fait le pari de l'art et de l'union, « car le théâtre que nous aimons, dit-il, consiste à réunir, alors que le monde d'aujourd'hui conduit à séparer ».

Voici le soldat Woyzeck, ce personnage torturé de la pièce fragmentaire de Georg Büchner (1813-1837), transposé dans un no man's land de la périphérie des grandes villes européennes. Autres temps, autres mœurs. Si les casernes se sont éloignées de notre quotidienneté, des “cités” se sont érigées, où se perpétuent une hiérarchie et une violence qui n'ont parfois rien à leur envier. Une énergie et une vitalité aussi, héritées de la grande tradition du cabaret allemand, que ce spectacle exalte jusqu'au paroxysme, quelque part entre folie et féerie. Car « le monde est fou ! Le monde est beau ! », s'égosille Woyzeck. Domestiqué par son supérieur, trompé par sa dame de cœur, tourmenté par un médecin lui-même malade de la science expérimentale et de la raison instrumentale, ce pauvre hère que la vie désespère vacille, tourbillonne et déraisonne. Une humanité rageuse rongée par le fric barbote près d'une baraque à frites : bastons brut de béton, mais aussi chaleur et clameurs, chansons et scansions des rappeurs... le cerveau de Woyzeck n'est plus que le siège du chaos humain et urbain. Un meurtre va se commettre, un meurtre comme « nous n'en avons pas eu un pareil depuis longtemps ».

Distribution

  • Auteur   Georg Büchner
  • Metteur en scène   Thomas Ostermeier
  • Scénographie  Jan Pappelbaum
  • Costumes   Almut Eppinger
  • Musique   Niclas Ramdohr
  • Dramaturgie   Marius von Mayenburg
  • Lumières  Urs Schönebaum
  • Interprétation   Erwin Bröderbauer, Bruno Cathomas, Lars Eidinger, Christina Geiße, Ruud Gielens, Josef Hoffmann, Udo Kroschwald, Ronald Kukulies, Paul Matzke, Linda Olsansky, Niklas Polhans, Felix Römer, Mai-Ly Schaparenko, Mai-Nam Schaparenko, Detlev Schmitt, Kay Bartholomäus Schulze, André Szymanski, Martin Winkel et “Patrock” Patrick Schulze, “Rico” Enrico Schwarz, “Sancho” Christian Garmatter, “Hawk” Ralf Habicht et un rappeur français
  • Captation  Hannes Rossacher, Compagnie des Indes