jeudi 10 septembre 2020

séance du jeudi 10 septembre: Tous des Oiseaux dans l'oeuvre de Wajdi Mouawad

 

Nous allons travailler Tous des oiseaux dans la version écrite par W. Mouawad en français. Elle est donc différente de la version scénique qui comportait plusieurs langues, et différente du surtitrage qui était lu par les spectateurs lors de la création du spectacle en novembre 2017 au Théâtre de la Colline.

I. Retour aux origines

1. La pièce dans l’œuvre de W. Mouawad

Tous des oiseaux créé le 17 novembre 2017 à la Colline renoue avec les grandes épopée du Sang des promesse, la tétralogie qui a fait connaitre W. Mouawad.

W. Mouawad est né en 1968, au Liban, où il passe son enfance jusqu’à ce que la guerre contraigne sa famille a quitté le pays. Il vit son adolescence en France avant de connaître un second exil et de s’installer au Québec, à Montréal. Son œuvre est marquée par l’histoire. Cependant il rappelle que ce n’est pas la guerre, mais la littérature qui l’a projeté dans la création.

Il est d’abord comédien puis se tourne vers l’écriture et la mise en scène. Il fonde une première compagnie le théâtre, ô parleur. Puis il dirige un théâtre à Montréal, le théâtre de Quatre Sous. Il créé en 2005 simultanément deux compagnies, Abé Carré Cé Carré au Québec et Au Carré de l’Hypoténuse en France. Il est associé à plusieurs scènes nationales en France. De 2007 à 2012 il est directeur artistique du théâtre français du centre national des arts de Ottawa, avant d’être nommé au théâtre de la Colline à Paris, en 2016. Sa tétralogie, Le Sang des promesses, le fait connaître du grand public .

a) Le sang des promesses

Le Sang des promesses est une tétralogie composée de quatre pièces : Littoral, Incendies, Forêts, et Ciels. écrites entre 1997 et 2009 .

Tous des oiseaux fait écho aux trois premières pièces qui sont de grandes fresques épiques, mettant en scène des communautés confronté à la violence de l’histoire, d’où se détache un individu confronté aux mystères de ses origines. Il s’agit du personnage de Wilfried dans littoral, de Jeanne dans incendies et Loup dans forêts.

Mais il y a un déplacement dramaturgique. Alors que Wilfried, Jeanne et Loup étaient des protagonistes cherchant à résoudre le mystère de leurs origines, David rencontre la vérité presque malgré lui. 

Mouawad parlant du Sang des Promesses

 En savoir plus sur le Sang des Promesses

b) Le cycle domestique

Après les grandes fresques de cette tétralogie, il ressent le besoin de revenir à une forme plus intime. Seuls, créée en mars 2008, et le premier volet du cycle domestique. Le spectacle est écrit mis en scène est interprété par l’auteur, Il raconte l’histoire d’Harwan, jeune étudiant qui peine à trouver la conclusion de sa thèse consacrée à Robert Lepage. L’universitaire se rend à Saint-Pétersbourg pour rencontrer l’artiste québécois qui travaille sur un nouveau solo inspiré du retour du Fils prodigue de Rembrandt. Le chercheur tombe dans le coma, explorant les profondeurs de son âme dans une performance silencieuse où les mots cède la place aux couleurs et à la peinture. 

En savoir plus sur Seuls 

Dossier pédagogique sur Seuls 

le tableau le Fils Prodigue de Rembrandt

analyse du tableau 


 

Six ans plus tard est créé à Nantes Sœurs, s’inspirant de la vie de deux femmes, la sœur de l’auteur Nayla Mouawad, et la comédienne Annick Bergeron.

Le personnage de Geneviève Bergeron, avocate spécialisée dans les conflits internationaux, se rend à Ottawa pour donner une conférence auprès de futurs médiateurs.

Désespérée par une multitude de contrariété, Geneviève saccage sa chambre d’hôtel.

Les dégâts sont évalués par Layla, experte en assurances d’origine libanaise et émigrée au québec. 

En savoir plus sur Soeurs 

On retrouve dans tous des oiseaux certains thèmes abordés dans seuls et sœurs. Comme Harwan, Wahida a fait une thèse. Comme lui, David et Eithan tombent dans le coma. La question de l’identité, de la langue maternelle et de la filiation sont également au centre de ces œuvres.

Comme dans Seuls, il y a des mots et dessins projetés sur le mur lors de la représentation. 

 

c) Le projet Sophocle

Après ses créations, il éprouve le besoin de retourner à Sophocle, l’auteur qui lui a donné l’envie d’écrire. Il décide de monter l’intégralité des pièces du dramaturge grec « par goût des aventures fleuves, qui charrient avec elle marécages et beauté, paysages, eaux pures et eaux sales, émotions et catharsis ». 

 "J’avais 23 ans lorsqu’un ami m’a conseillé de lire les Grecs. Ce qui m’a frappé chez Sophocle, c’est son obsession à montrer comment le tragique tombe sur celui qui, aveuglé par lui-même, ne voit pas sa démesure. Cela me poussait à m’interroger sur ce que je ne voyais pas de moi, sur ce que notre monde ne voit pas de lui, ce point aveugle qui pourrait, en se révélant, déchirer la trame de ma vie. Révélation du fou que je suis. 

Que serais-je devenu si j’étais resté au Liban ? Ma famille et moi étions partis avant le massacre de Sabra et Chatila en 1982, commis par des milices chrétiennes auxquelles j’avais rêvé d’appartenir dans mon enfance. Aurais-je été parmi eux ? 

On ne peut pas présumer de soi.Cette idée, pour ne pas dire cette conviction, depuis, n’a cessé de creuser ses ramifications poétiques et spirituelles en moi, traversant chaque histoire que j’essaie de raconter. Or, c’est sur cette notion que sont fondées les tragédies de Sophocle, s’interrogeant sur la raison de la douleur et de la violence. La connaissance de soi, non pas comme une invitation à la psychanalyse mais comme un rappel constant de ce qu’est notre juste mesure ni plus ni moins, la communauté politique libérée du totalitarisme et l’expression collective de la douleur, la catharsis, devenant le noyau sur lequel se construira notre civilisation. Sophocle, c’est un vertige. Un souffl e puissant. Une matrice de la littérature occidentale. En lien continuel avec la souffrance, il y est à la fois question d’aveuglement et de révélation.Wajdi Mouawad

Il décide de monter la trilogie Des femmes, composé des Trachiniennes, Antigone et Électre.

Se focalise sur le sort de trois grandes Héroïnes : Déjanire et l’amour, Antigone et la justice, et Electre et la vengeance. Il propose à Bertrand Cantat d’écrire la musique du chœur, ce qui créée une polémique durable.

Puis deux diptyques, Des héros réécriture de Ajax et Œdipe roi. Et Des mourants réécriture de Philoctète et Oedipe à Colonne. 

 Wajdi Mouawad a souhaité s’emparer de l’ensemble des sept tragédies de Sophocle dans une aventure fleuve nommée Le Dernier jour de sa vie, confiant la traduction au poète Robert Davreu. Mais la création d’Ajax a ouvert une opportunité de dialogue, un champ nouveau de possibilités ; un fantasme consistant à “coécrire” cette pièce de jeunesse de Sophocle, non pour le corriger, mais jouer avec, réfl échir par l’écriture même. La disparition de Robert Davreu avant d’avoir traduit Philoctète et Œdipe à Colone, a enclin Wajdi Mouawad à poursuivre cette démarche. L’auteur s’est voué à l’écriture Des Mourants, jusqu’à une réappropriation complète tant dans la forme que dans le sens : écrire soi-même, écrire autrement, comme seule issue envisageable à la mort du poète. C’est ainsi que de Philoctète et Œdipe à Colone sont respectivement nés le théâtre cinématographique Infl ammation du verbe vivre et l’oratorio poétique Les Larmes d’Œdipe présenté à La Colline au printemps 2017.

Wajdi Mouawad et Sophocle 

Tous des oiseaux et d’une certaine manière une pièce nourrie du théâtre du Sophocle puisque l’aveu final d’ Etgar à David, lui apprenant la vérité de sa naissance s’inscrit dans cet héritage sophocléen d’une dramaturgie de la révélation.

Par ailleurs il a composé de nombreux autres textes. La réécriture des mythes antiques occupe une place importante dans son œuvre

Parallèlement il écrit des textes mettant en scène des familles déchirées comme les mains d’Edwige au moment de la naissance, d’autres pièces comme rêve ou assoiffé qui interroge la création artistique.