jeudi 29 avril 2021

Molière: cours du jeudi 29 avril: la structure dramaturgique des pièces suggèrent-elles un mouvement vers l'émancipation des femmes?

 

Structure dramaturgique : vers une émancipation ?

Mariage forcé ou empêché dans 3 pièces : décision paternelle imposée aux filles, engage leur corps et leur avenir, nie leurs aspirations et désirs, impossibilité de refuser ce qu’on leur impose.

Mais inversion de ce début  au cours de la pièce:

Tartuffe= récit d’une expulsion

Ecole des femmes : récit d’une fuite

Amour médecin : récit d’un enlèvement

Un mouvement vient mettre une situation de domination à mal, s’agit d’une vraie émancipation cependant ?

A.      Possessions et surfaces de projection

« Rien de plus impertinent et de plus ridicule que d’amasser du bien avec de grands travaux et élever une fille avec beaucoup de soin et de tendresse, pour se dépouiller de l’un et de l’autre entre les mains d’un homme qui ne nous touche de rien. Non, non : je me moque de cet usage et je veux garder mon bien et ma fille pour moi. I,5 Sganarelle même plan détenir une fortune et « posséder » une fille

Quantité d’expression qui traduisent la possession par le père ou le mari : métaphores culinaires d’Alain « Potage de l’homme », Arnolphe « mitonné Agnès pour lui pendant 13 ans »

Vouées par statut et par éducation à la passivité et à la consommation.

+ cire que l’on façonne : forme parfaite que le père ou le futur mari pourra lui donner : Pygmalion. «  Pour se faire une femme au gré de son souhait ».

Pères refusent l’idée que leur fille puisse éprouver du désir pour un homme : aveuglement pour Orgon, stratégie d’enfermement pour Arnolphe, recours à la médecine. «  humeurs putrides tenaces et conglutineuses qui sont contenues dans le bas ventre » Amour médecin II,5 moins un état pathologique de Lucinde que manifestations du désir que la jeune femme éprouve pour Clitandre dans la vision qu’en ont les médecins et Sganarelle pour qui toute forme de désir féminin est considéré comme une impureté.

Mise en scène Braunschweig : détruire l’idée qu’une jeune fille puisse être maintenue en état de pureté parce qu’elle serait coupée du monde. Série de projections video, donnent corps aux pulsions troubles qui agitent Agnès, personnage diamétralement opposé au fantasme d’Arnolphe d’innocence : principale innovation de ma mise en scène : «  Suzanne Aubert fait vraiment exister le personnage comme un vrai autre, avec une vraie identité face à Arnolphe. C’est là que la video apporte quelque chose puisqu’on créée trois petites séquences videos, dont deux qui sont ce que j’appelle « les bulles d’Agnès » des moments où on la voir seule et qui nous donnent un peu accès à son intimité. »

Filles d’abord caractérisée par uen sorte de passivité, docilité, paralysie traduites physiquement au début des pièces : Lucinde déplacé en charrette contraste avec l’hyperactivité de Clitandre, prise d’assaut du père, Mariane qui tient constamment le bras du frère ou de Dorine, Ecole des Femmes : maintien d’Agnès avec calme étrange et visage impassible.

Quand la volonté du père s’impose : action des filles d’autodestruction : Elmire est malade dit Dorine, Mariane annonce qu’elle compte se suicider «  De me donner la mort si on me violente » et Lucinde se réfugie dans le mutisme et la maladie, avec aussi menace de suicide dans les propos de Lisette ;

Agnès conduite à risque puisqu’elle fugue avec son amant et se réfugie chez lui : suicide social à l’époque dont Horace a conscience : il pourrait la déshonorer « Et quels fâcheux périls elle pourrait courir/ si j’étais maintenant homme à la moins chérir ;3v 1414-1415

Placer les femmes dans une situation sans issue qui les  pousse dans leur derniers retranchements et les oblige à se mettre en danger parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’opposer frontalement.

Situation de violence dans lesquelles elles apprennent l’identité de leur époux non désiré cf recommandations du mariage III,2 (Edes Fe) II, 2 Tartuffe Comment exprimer sans parler tout ce qui les agite lorsqu’elles découvrent ce à quoi elles sont vouées ? cf mise en scène des Maximes par Braunschweig travail corporel évocateur.

B.      Surveiller et punir

 

Objet possédé et jalousement gardé traduit par des scénos qui construisent l’isolement et l’enfermement.

Confinement d’Agnès : cloture du couvent, surveillance d’Alain et Georgette + le « savetier du coin de la rue » « dans la maison toujours il prétend la tenir » « rentrez » Bezace : Agnès dans la trappe, dans les dessous de la plateforme cf Natascha Kampusch. (wikipédia)

Agnès cherche à s’échapper, passe son temps sur le balcon «  intenable » «  Venez, belle, venez/ qu’on ne saurait tenir, et qui vous mutinez » v 1719

Tartuffe : c’est Elmire qu’on cherche à brider, isoler : scandale quand elle reçoit des visites, circulation des personnages entre intérieur et extérieur révélatrice : seuls les hommes vont et viennent librement : orgon rentre de voyage, Tartufe va rendre ses devoirs pieux, Valère rend visite à Mariane, Cléangte entre et sort à sa guise, les femmes sauf Mme Pernelle sont confinées ; les objets entrent par les  hommes dans la mise en scène de Braunschweig : croissants, croix, champagne ou valise d’argent de Valère .

Amour médecin : lorsque Lucinde doit être auscultée, Sganarelle refuse de s’éloigner. Scéno = espace hybride dont les frontières entre public et privé sont floues, dedans dehors, les voisins apparaissent aux fenêtres, maisons mobiles. Maison verte censée figurée celle de Sganarelle apparaît d’une trappe au début de la pièce : impression du père omniprésent lorsque le père chasse sa fille en lui balançant ses peluches, dans quel espace se trouve Lucinde et où pourrait-elle se réfugier puisque son père semble gouverner l’ensemble du plateau, a la fin de la scène s’assoit au bord du plateau comme retenue dans les  limites de cet espace dépourvu de vrai dehors.

Surveillance : Amour médecin, maisons= postes de surveillance, d’observation

Enfermement : Edes femmes : promontoire prison, Tartuffe : vaste salon blanc se transforme en cave, cachot aux issues inaccessibles.

Edes femmes Braunschweig : deux types d’oppression ( enfermement et surveillance) en inventant espace fantasmatique, cage de verre ou vivarium qui fait d’Agnès un animal de laboratoire.

 

C.      Objets désirées et sujets désirants

 

Manière dont le désir agit comme l’élan émancipateur qui fait finalement passé les femmes du statut d’objets désirées à sujets désirants. Corps qui s’éveillent au désir. Cf Ecole des femmes en rapport intertextuel avec  Ecoles des filles 1655 dialogue érotique dans lequel une jeune fille bien informée en matière de sexualité apprend à sa cousine tout ce qu’il faut savoir sur le sujet.

 

Amour médecin : Lucinde capable de ^rendre des initiatives avec Clitandre, elle le déshabille de manière résolue

Début de Tartuffe : moment muet : Mariane et Valère s’embrassent dans la chambre de Mariane, Valère regarde du porno, Elmire et Cléante devisent en buvant.

Ecole des femmes Acte II scène 5, Agnès montre l’endroit de son plaisir, quiproquo dans la robe de mariée qu’Arnolphe lui offre et qui symbolise à ses yeux une promesse de liberté et de plaisir qui se mue bientôt en menace d’asservissement. Manière dont la violence du désir chez les femmes vas se retourner en désir de violence pour les hommes : pulsion où s’affronterait l’attraction sexuelle et le désir de domination. Fait écho à la scène 4 de l’acte V lorsqu’Arnolphe après l’avoir supplié et échoue à se faire aimer la menace d’une gourmade ou de quelques coups de poings violences conjugales aujourd’hui.

 

D . L’émancipation, à quel prix ?

Dénouement fait coïncider la fin du pouvoir absolu des pères avec l’affirmation de la volonté des filles.

Edes femmes Agnès affirme sa volonté : « je veux rester ici » dernière réplique d’Arnolphe qui a tant parlé : Oh ! Onomatopée soudain frappé d’aphasie

Amour médecin : Lucinde veut le contrat tout de suite «  Je veux avoir le contrat dans mes mains »

Tartuffe : Mariane s’adresse au faux dévot pour dénoncer l’hypocrisie de sa manœuvre avec une ironie mordante bien éloignée du ton suppliant qui était le sien auparavant : «  Vous avez de ceci grande gloire à prétendre/ et cet emploi pour vous est fort honnête à prendre » v 1873-1874. Orgon ne peut que faire autre chose que d’accorder sa fille à Valère qui vient de lui porter secours.

Passage cependant d’une domination à une autre plus que libération. Du père au mari, même s’il est amoureux + souffrances et épreuves qu’elles ont dû traverser pour conquérir cette émancipation de la tutelle paternelle.

Agnès a découvert que son fiancé est un imprudent incapable qui n’ose pas affronter son père pour l’épouser et ne répond à sa supplication qu’en reconnaissant son impuissance et sa lâcheté : «  Je ne sais où j’en suis, tant ma douleur est forte » v1725 certes dénouement heureux retrouvailles avec la famille, dans la mise en scène de Bezace Agnès retrouve sa famille et Arnolphe est exclus mais quid de la petite fille qui revient dans le même costume. Dénouement différent chez Braunschweig : préfère s’enfuir par la salle, pleine de défiance et Horace doit la poursuivre, ne rejoint pas ceux qui prétendent lui venir en aide.

« je ne vois pas la fin comme quelque chose de si négatif. A l afin de la pièce, je lui fais fuir le plateau. Que va-t-elle faire en quittant le plateau ? ça on ne sait pas. Mais peut-être l’expérience qui lui a été donnée de vivre pendant ces 2 heures de représentation et pendant cette vie qu’elle a menée jusque là va lui donner des armes pour se battre dans l’existence… Ce qui est sûr, c’est qu’à un moment donné, elle a dit « non » à ce monde-là, et dire « non » c’est le début de l’émancipation. »

Dénouement pour Elmire interroge aussi : dans quel état va-t-elle retrouver son mari ? Orgon libéré ? détruit, Torse nu sous son par-dessus, visage ravagé d’inquiétude hagard paraît plutôt détruit chez Braunschweig.

Plus amoureux ? pas sûr. Avec tout ce que son mari l’a obligé à subir. Peut-on ressortir indemne du piège qu’elle a tendu à Tartuffe : cf v1369 : « Au moins je vais toucher une étrange matière »

Expérience où elle risque de laisser une partie d’elle-même.

 Cf la scène de la table chez Braunschweig Elmire finit par obéir aux ordres de Tartuffe dans un état de sidération jusqu’au moment où il l’embrasse longuement, au cours du baiser quelque chose se passe en elle qui se manifeste par le mouvement de son bras et de son buste. D’abord immobile et contrainte, elle finit par répondre activement au baiser. Trouble que fait naître la scène Elmire subit l’emprise de séduction que lui imposent tartuffe et Orgon, mais semble débordée par son désir. Travail sur la lumière verdâtre dominé par des bruits d’écoulements = entrer dans les égouts de la conscience. Cf Metoo aujourdhui réaction par rapport à cette sorte d’abandon d’Elmire : violence sexuelle s’achevant par le plaiir et le consentement de la victime mais le traitement de la scène renvoie aussi à l’esthétique du cinéma de David Lynch (sur le site de la Cinémathèque ): expression du fantasme d’Arnolphe qui se glisse lui-même dans les ébats. Donc scène très ambivalentes.

Seuls rapports harmonieux entre hommes et femmes au final = rapport frère/sœur : Cléante pour Elimire et Damis pour Mariane. Pas entreprise de domination. mais véritable complicité.