Le spectacle Penthésilé.e. s /Amazonomachie est un spectacle ‘indiscipliné’ qui crée une porosité entre le théâtre, la danse, la musique, le chant, et la vidéo. C’était une sorte oratorio.
Il s’agit d’une réinterprétation du mythe de Penthésilée, d’une représentation du rapport de force entre une femme et un homme, la reine des Amazones et Achille, et où se mêlent des enjeux contemporains de la condition de la femme.
De prime abord le titre révèle un parti pris de l’auteur au travers de l’écriture inclusive. On peut y voir la volonté de réécrire un mythe antique et à travers le texte fait résonner le thème des amazones, société matriarcale qui montre la puissance des femme. La réécriture fait que ce mythe soit adapté aux années 2020.
La pièce est une sorte de dialogue entre les Penthésilée (trois en tout, avec la dernière qui joue aussi Achille)et Achille. Mais on peut penser que parfois le public est aussi concerné, qu’on s’adresse à lui directement.
La première Penthésilée était une comédienne conteuse. Elle nous raconte l’histoire de Penthésilée, Reine des Amazones,, figure féminine mythique notamment lors de la guerre de Troie. Sa tribu de femmes guerrières n’admet pas d’hommes, souvent elles ont été victimes des violences de ceux-là. Elles ne vont les rencontrer que lorsque de nouvelles naissances sont nécessaires..La comédienne de Penthésilée était vêtue d’une longue tunique noire et se tenait sur une estrade entourée de bougies...La comédienne était très gracieuse il lui arrivait d’accompagner son ‘discours’ de ses mains, peu de gestes mais intenses et bien dessinés. Le texte est chargé de revendications mais est fait en sorte qu’il n’en paraisse rien, car la diction amplifiée au micro en est extrêmement douce, il n’est pas un pamphlet mais plutôt une œuvre poétique d’une extrême beauté. De plus, la comédienne Lorry Hardel le dit d’une forme subtile, tout en retenue, ce qui rend très bien car ce texte aurait pu donner lieu à une interprétation gueularde. Justement cette façon douce semble décupler la puissance du texte et fait mieux passer le message.
La scénographie embrumée, mystérieuse avec la comédienne qui chante à la manière des inouits comme un chant tribal, fait penser à un hammam, un gynécée, espace réservé aux femmes.
Au milieu se trouvait un grand écran où les paroles d’Achille apparaissaient. Le fait qu’on n’entende pas sa voix peut se comprendre comme quoi trop longtemps les hommes avaient le monopole de la parole et chez les Amazones la situation s’est inversée.
La pièce est donc divisée en deux parties : la première se passe dans le hammam, où Lorry Hardel raconte la rencontre avec Achille, la question du pouvoir y est traitée, de la place de la femme, du devoir de redevenir maitresses de leur histoire et de l’Histoire. Tout commence à la mort de la guerrière. La figure de Penthésilée semble à la fois puissante et fragile, elle ressent le besoin de nous conter ce qui s’est vraiment passé lors de sa rencontre avec Achille, de leur ‘histoire d’amour’ manquée.
Dans la deuxième partie, la brume se dissipe, la ‘conteuse’ descend de son estrade. Achille, lui, descend les escaliers à côté du public, il semble souffrir, il se traine jusqu’à la scène. A son tour, il va se transformer en Penthésilée. Le comédien qui interprète ce rôle est un danseur. Il danse la transformation physique en reine des amazones. Il passe par jouer le cheval, les amazones étant de grandes cavalières. Penthésilée est un corps métamorphosé mi-femme mi-homme mi-animal. Mais aussi guerrière insatiable de brutalité, nous pouvons penser que Marie-Pascale Dubé, l’interprète de chants inouits/ chant de gorge singulier, est à la fois une des amazones mais aussi Penthésilée, son chant faisant penser à un des appels à la guerre. Une autre facette de la reine est celle de la déesse mystérieuse dont le langage semble parfois insondable. Autant de figures pour un personnage si complexe et incarnant les femmes qui veulent s’imposer dans le monde du pouvoir masculin.
A la fin de la pièce, descend des gradins un chœur féminin qui va interpréter des chants sacrés qui sont chanter habituellement par des chœurs masculins. Ces chants qui clôturent cette pièce renforcent le côté sacré, mythique de la figure de Penthésilée, du mystérieux du spectacle mais aussi c’est un dernier acte féministe dans lequel les femmes s’affirment dans le monde musical qui était réservé au masculin.Extrait du texte de Marie Dilasser :
Nous serons dans la vitesse de la lenteur
lente métamorphose
gonflerons
enflerons
en nombre et en tendresse
ouvrirons
pousserons un maximum les parois du temps et de l’espace
les parois de nos corps
serons en expansion dans nos corps
dans le corps des unes et des autres.
Cette pièce m’a touchée d’une manière non-intellectuelle car je n’ai pas tout saisi. Cependant, cela ne m’a empêchée d’être émue par la narration, l’atmosphère particulière qu’il y régnait, des chants de gorge si particuliers ainsi que les lyriques et bien entendu la danse interprétée merveilleusement par Seydou Boro.