mercredi 20 septembre 2023

Notes personnelles sur le début de la captation de Thomas Ostermeir ( séance du mercredi 20 septembre)

 Captation prise dans la salle à l'italienne de l'Opéra d'Avignon, pendant le festival.

Plans sur la salle et le public des galeries jusqu'au parterre, plein à craquer. Avant scène qui entre dans le public.

Son inquiétant sorte de grondement sourd.

Titre de la captation sur un fond video de nuages grisés qui fait penser à un tableau de  Gehrardt Richter: nuages ( le temps des orages est sensé se terminer avec l'avènement d'Edouard IV mais une inquiétude subsite cf l'hiver de mon humiliation dit Richard dans la version rédigée par l'écrivain Mayenburg)

Espace circulaire fait penser au Globe, théâtre élisabéthain, plan sur le décor au fond une porte en dur dont on verra plus tard qu'elle est composée de deux grands tapis qui peuvent évoquer les tapisseries des châteaux du Moyen Age. Structure métalliques escaliers de fer, coursive passerelle, une porte ouverte à l'étage d'où sort une lumière chaude.

sable sur le sol: piste de cirque. espace qui mélange référence industrielles modernes et nature brute.

Premier personnage qui entre par la sol, homme quarantaine en frac et canne, élégant suivi d'un autre avec manteau de fourrure ( hiver), puis un autre. monte l'échelle à cour sur la passerelle, s'introduisent par la porte ouverte , se congratulent et rient, plans qui les suivent; ambiance virile et chaleureuse, joie. impression que le bâtiment pourrait être une sorte de boite de nuit en périphérie d'une ville dans un lieu un peu désaffecté.

costumes de fêtes, brillant.

élargissement des plans jusqu’à la batterie présente sur scène, plan de batterie insérés dans le montage des scènes: sons électroniques + batterie en direct: rythme à la fois oppressant et dynamique.

Arrivent toujours par la salle des hommes et femmes plus âgés, robes de soirée, flutes de champagnes à la main, toasts à la salle qui fait partie de la cour par ce biais. Confettis qui tombent en pluie dorée, champagne qui tome des cintres: fête spectaculaire. richard le dernier à monter: courbé, fuyant, mal à l'aise, le regard perdu. tenue étrange en contraste avec les autres: T-shirt blanc, bretelles, bosse apparente mais on voit l'artifice.

Les autres se congratulent, occupent le plateau. la caméra n'a pas suivi l'entrée de tous par exemple femme à la robe rayée noir et blanc saisie seulement quand elle est sur le plateau: ex. de choix du réalisateur différent du spectateur;

caméra en plongée qui montre la chute des confettis et la piste jonchée par eux d'en haut. Effet de tourbillons. pas de mots: fêtes, baisers, joie.

Gloucester semble mal à l'aise, réactions presque animales, va sur les bords, s’isole, les autres mangent, boivent, ne s'occupent pas du tout de lui. jusqu'au moment où tous sont au centre, tombe des cintre le fil avec un micro dont Lars Eidinger ( Richard) s'empare sans que les autres semblent le remarquer, léger ralenti de leurs mouvements. sentiment que Richard a besoin viscéralement du micro suspendu , sorte de "doudou" de Richard.

Parle au micro comme en aparté en s'adressant au public, les autres quittent le plateau en passant par la porte du fond. a le temps de présenter Edouard le Roi l'homme avec des lunettes un peu plus âgé.

Silence comme une sorte de ralenti dans le jeu, puis la musique repart intensément. Costume de Richard plus net épaule rembourrée pour faire la bosse et le rendre difforme, casque de cuir.

Adresse au public , grand pan sur le visage de Richard quelque chose de doucereux dans le ton, de mauvais dans le sourie, barbe, bagues dur les dents, parfois tourne en rond sur la piste comme un animal en cage.

les grands plans et la lampe qui se trouve sur le micro permettent de voir les larmes de Richard quand il décrit son physique source de rejet: conscient de sa laideur et profondément malheureux, inachevé, chassé même par les chiens, inadapté au temps de paix barbant et aux jouissances amoureuses. Solitude retournée en noirceur.L’éclairage par-dessus qu'il manipule lui-même lui donne un rictus inquiétant.

quand les autres reviennent, l'orgie est montée d'un cran: certains ont le pantalon baissé sont en slip, se tapent sur les fesses..

"Le bal des maudits

Sur un son rock, puissant et vibrant, la cohorte des comédiens de la Schaubühne traverse la salle du théâtre opéra d’Avignon… Premières sensations sonores bientôt rattrapées par les silhouettes en costumes de soirée d’un monde festif dévolu aux libations et autres formes déréglées de la jouissance érotisée. Et parmi, elles, alors que claquent les pétards et les cotillons, et que se déverse par les cintres une nuée de confettis dorés, une forme disgracieuse, mal habillée, mal ajustée, courbée et bossue : le camarade historique d’Ostermeier, l’ami des quatre cents coups Lars Eidinger qui troque ici son costume d’Hamlet contre celui de Richard. Pas plus lui qu’eux ne renvoient à autre chose qu’un monde de nantis qui hante le monde de la nuit. Ils pourraient être une famille d’indifférents des années trente comme nos contemporains. C’est ainsi, les costards de la Haute sont sans âge. Et dans ce monde de noctambules en goguette, l’œil torve de Richard les « calcule » ces invertébrés dansants. Et se saisissant du micro qui pend au milieu du plateau et se regarde comme le cordon ombilical qui le met au contact de ses pensées profondes, Richard fait entendre vite, et rapidement, son sentiment ou ressentiment à l’endroit des membres d’une famille – pour autant qu’il fait corps avec – qu’il va démembrer.

Le rythme est donné, le ton revendiqué. Lars Eidinger, sourire en coin, voix de velours masquée, celui dont personne n’imagine que sa bosse molletonnée abrite un fiel, entre dans la danse et la course au pouvoir."

 Pour le choix du dispositif scénique proche de celui du théâtre élisabéthain même s'il a été plus difficile de le transposer à l'opéra d'Avignon qu'à la Schaubuhne où un petit théâtre avait été construit.

L’approche d’Ostermeier ne se concentre pas uniquement sur le texte et la fable. Le travail préparatoire de la pièce doit, à ses yeux, se fonder sur des connaissances historiques : le metteur en scène se fait ainsi chercheur. Il évoque l’importance d’appréhender l’histoire de la pièce, de son auteur, de la société pour laquelle elle a été écrite et des lieux de représentation de l’époque : « Je crois que les réalités architecturales des théâtres, les arrangements spatiaux, définissent la manière d’écrire une pièce pour la scène, la manière de mettre en scène la pièce, la manière de faire le théâtre et de l’expérimenter »

Ostermeier souligne ici que ce n’est pas seulement un contexte général (social, économique, religieux, culturel) qui est à prendre en compte pour comprendre une pièce mais la matérialité du théâtre dans lequel elle a émergé. Ce lien intrinsèque entre réalité architecturale et création artistique est essentiel pour comprendre le rapport d’Ostermeier au texte shakespearien. Le dispositif scénique créé pour Richard III en 2015 par exemple visait à reproduire dans la Schaubühne le Globe de Shakespeare. Cette reproduction du Globe est importante à plusieurs niveaux : d’abord elle permet un nouvel aménagement de la Schaubühne, qui rend cet espace plus fonctionnel (la salle étant trop grande, il est utile de construire un théâtre plus petit à l’intérieur pour diviser cet espace). 

Deuxièmement, le Globe de la Schaubühne crée une proximité plus importante entre le public et les spectateurs. Pour Ostermeier, il s’agit de reproduire les conditions de représentation de l’époque de Shakespeare. Il ne retient pas du Globe de Londres l’idée d’une représentation en extérieur à ciel ouvert mais une forme en demi-cercle avec étages (et rappelle aussi une scène de cirque, nous y reviendrons), qui permet à tous les spectateurs d’être extrêmement proches de la scène, peu importe leur place dans le théâtre. Cette installation scénique est une étape dramaturgique essentielle vers le texte de Shakespeare. Au-delà de la pièce Richard III, Ostermeier prend en compte l’origine de la représentation du texte. Dans la structure même de celui-ci se trouverait la structure du théâtre dans lequel la pièce doit être produite, comme si page et plateau coïncidaient déjà. 

"

La pièce s’ouvre sur des festivités à la cour d’Henry VI : les fêtards, en smokings débraillés, se hèlent, font sauter les bouchons de champagne sous une pluie de cotillons dorés, au son d’une musique rythmée dont le volume traduit les excès et l’abrutissement d’une cour en perdition. Richard, lui, déplore ce pouvoir oublieux qui court à sa perte, et ourdit son ascension. Il marche sans grâce, voûté, dans une tenue qui détone avec le chic festif des autres personnages : T-shirt blanc, pantalon mal ajusté, chaussures épaisses. Il porte autour de la tête une sorte de bandeau de cuir qui fait penser à une camisole – contenant le peu d’humanité du personnage, lui permettant de faire bonne figure le temps nécessaire à son irrésistible ascension. À moins que ce ne soit un casque de rugby, ou de boxe, figurant l’imminence du combat."

"

Le cirque industriel de la mise à mort

Le combat aura lieu dans un décor d’arènes ; la scène, semi-circulaire et recouverte de sable, convoque par association des images de gladiateurs et de toréadors. Cette scène s’avance dans la salle à laquelle une passerelle donne accès. Il n’y a plus de quatrième mur. Cette disposition, rappelant la structure des théâtres élisabéthains, crée une grande proximité entre les comédiens et les spectateurs, et rend le personnage de Richard très intrusif, d’autant plus que, dans ses monologues, sa voix est amplifiée : l’effet est cauchemardesque, Richard est là, tout près de nous, il susurre à notre oreille le plaisir de la perfidie, il n’y a plus de distance entre lui et nous, il est en nous. Ne sommes-nous pas tous des Richard en puissance ? Le décor participe du malaise dans lequel le metteur en scène veut, peut-être, plonger le spectateur : un mur droit rompt toute perspective ; s’y accrochent des poutrelles soutenant, à mi-hauteur, une coursive à laquelle on monte depuis la scène par un escalier métallique. Très loin des ors et de la pourpre du pouvoir et du théâtre, les comédiens évoluent dans un décor post-industriel, froid, évoquant un entrepôt ou une usine désaffectée. La circulation verticale qu’autorise cette structure permet des déplacements ascendants et descendants, figurant avec justesse les mouvements autour du pouvoir."