mardi 2 avril 2024

En complément du sujet sur le costume de Richard (Mise en scène Thomas Jolly)

 

Les costumes : représenter Richard

Questionnements qui auraient pu vous guider dans votre réflexion:

Relevez tous les éléments de description de Richard dans la pièce. Quelles sont les caractéristiques physiques suggérées par le texte ? À qui ou à quoi Richard est-il associé ?

Proposez une posture, une gestuelle pour donner à voir le personnage tel qu’il est décrit. Quelle incidence ce corps a-t-il sur vos déplacements ?

Dessiner un costume qui représente ce corps monstrueux. Quels accessoires, quels postiches utiliser pour raconter ce corps difforme ? À quelles couleurs peut-on associer Richard ? Quels matériaux utiliser pour traduire le dégoût qu’il inspire ?

 Dramaturgie: Deux types d’indications : d’abord des références à la difformité de Richard (« difforme, inachevé, boiteux, claudiquant, bossu »), et par ailleurs une série de métaphores animales (« porc-épic, crapaud, araignée, chien carnassier »), qui sont autant de versions dégradées du blason de Richard (« le blanc sanglier ), proposer en complément le monologue de la scène III, 2 de Henry VI, Troisième partie, dans lequel Richard fait un autoportrait éclairant. Il y décrit notamment son bras comme « un arbuste flétri » et son dos comme « une odieuse montagne ». Dans la scène I, 3, Marguerite l’invective ainsi : « Toi qui fus marqué à ta naissance », rappelant que le corps difforme de Richard est aussi un signe : il raconte le désordre qu’il instaure. On se reportera à l’étymologie de « monstre » : monstrare, montrer et monere, avertir.

Comment faire exister le corps monstrueux décrit par Shakespeare sur le plateau ? On peut aussi suggérer que ce sont les réactions des autres personnages qui peuvent faire exister le monstrueux.

Outre la difformité et les références bestiales, Richard est aussi présenté comme un être diabolique. Faites la liste de ces références au diable. Par quels éléments scéniques peut-on faire exister cet aspect dans le spectacle ? Les comédiens peuvent-ils intégrer cette donnée à leurs propositions de jeu ?

La difficulté est bien sûr de ne pas tomber dans la caricature. Richard est décrit par les autres personnages comme un « démon », le « ministre de l’enfer », une « créature des goules », « un lévrier d’enfer ». Il plonge l’Angleterre dans le chaos et défait l’ordre naturel du monde. À la fin de la pièce, Richmond met fin au parcours destructeur du tyran. Dans cette perspective, réfléchir aux moyens concrets dont dispose le théâtre (accessoires, dispositifs scénographiques, lumière, propositions de jeu, etc.) pour intégrer à la mise en scène cette problématique importante de l’œuvre.

Les costumes

 Costumes

Décrivez le plus précisément possible les costumes et la gestuelle de Thomas Jolly. Comment la difformité de Richard est-elle traduite ? Quels sont les matériaux employés ? Quel animal évoque-t-il ? En quoi est-il monstrueux ? Que symbolisent les couleurs employées ?

Les matériaux et le maquillage utilisés confondent végétal, minéral et animal. Le personnage est aussi « oiseau de mauvais augure », aux griffes acérées. Richard est un être hybride qui figure le chaos qu’il instaure, la transgression de l’ordre naturel du monde et par la même occasion celui du Royaume. Les couleurs employées sont également symboliques. Ainsi Gloucester, devenu Richard III, porte un costume rouge et blanc qui renvoie aux couleurs des « deux roses », les blasons des deux clans ennemis, Lancastre et York. Il s’arroge donc le rouge des Lancastre, que les York ont vaincus. Par ailleurs, Thomas Jolly semble opérer la fusion du cacodémon médiéval et d’un dieu psychopompe japonais, tel que le manga peut en représenter. La pop culture est l’une des sources assumées du metteur en scène.

A partir des accessoires :

Même si Thomas Jolly aborde son personnage avec empathie, il donne à voir la dimension diabolique que Shakespeare a conféré au personnage de Richard. Ainsi, dans la scène I, 2 avec Lady Anne, c’est à un véritable miracle auquel l’on assiste : les plaies du défunt Henry VI saignent à nouveau pour signifier le sacrilège que Richard est en train de commettre. Avec effroi, Lady Anne le souligne : « Car c’est ta présence qui fait jaillir ce sang / De ces veines froides et vides où le sang n’habite plus. » Thomas Jolly représente concrètement le sang qui coule du cadavre, signe du désordre que Richard initie sur le plateau.

 À plusieurs reprises dans le spectacle, Richard joue avec des croix, avec une désinvolture blasphématoire. 

 Relever tous les indices scéniques, tous les signes que Thomas Jolly utilise dans sa mise en scène pour raconter cet aspect du personnage. On pourra s’intéresser notamment à la scène initiale : Richard sort d’une très symbolique trappe, de laquelle s’échappe une fumée infernale. La scénographie élisabéthaine, qui utilisait déjà ce type de dispositif, appelait d’ailleurs l’espace sous le plateau « hell ». Par ailleurs, Richard semble également doté de pouvoirs surnaturels, lui qui commande aux projecteurs et aux praticables, qu’il escamote à l’envi. De manière très efficace, par le biais des accessoires et de la scénographie, Thomas Jolly fait de Richard à la fois l’ordonnateur d’un piège qu’il met en scène et un « ministre de l’enfer ». Thomas Jolly, qui incarne le personnage éponyme, n’est-il pas aussi le metteur en scène du spectacle ?