Dominique Blanc, immense comédienne et sociétaire de la Comédie-Française, publie le livre "Chantiers, Je" dans lequel elle revient sur les pièces ayant jalonné son parcours au théâtre. Elle est, à sa surprise, sujette des cours de théâtre pour l'apparition de la discipline au Baccalauréat.
Rencontre avec Dominique Blanc lien vers l'émission
"Jouer c'est ma vie, c'est là que je me sens exister au plus profond comme être humain"
- Dominique Blanc Comédienne, sociétaire de la Comédie-Française
Dominique Blanc est une comédienne immensément talentueuse et passionnée : sociétaire de la Comédie-Française, distinguée par ses pairs de 4 Césars et 3 Molières, nommée Commandeure de l'ordre des Arts et des Lettres. Enfin pour la première fois cette année une spécialité théâtre sur le travail d'acteur sera enseignée en classe de terminale, 3 rôles emblématiques de Dominique Blanc ont été choisis comme support de cours. Récit du parcours d'une comédienne passionnée de théâtre et du jeu d'acteur.
Dominique Blanc grandit dans une famille à l'éducation stricte, un brin austère où l'on "ne regarde pas son corps et on s'endort les mains sur les draps". Devenue comédienne, elle "s'est totalement affranchie de toutes ces choses", elle savoure et remercie la grande prise de liberté du métier, notamment par rapport au corps féminin.
Avant
cela, la jeunesse se déroule au rythme des moments de vie. Perte de la
foi toute jeune en voyant que ses prières ne ramèneraient pas l'ami
mourant de son père, elle reste païenne depuis. Découverte des chansons
de Barbara à la faveur d'une prescription d'arrêt total de sa pratique
du sport pour cause de scarlatine, "elle m'a donné beaucoup de courage pour repartir dans la vie normale".
Le théâtre et le jeu, une joie magistrale
Son
premier souvenir de théâtre interprété comme tel apparaît également
dans sa jeunesse lorsque son père, jeune médecin sans patientèle,
demande à sa mère de se déguiser pour emplir un peu la salle d'attente. "Je me disais que c'était déjà du théâtre".
Allant
voir une pièce plus âgée, elle s'aperçoit que les acteurs ont l'air
plus heureux que les spectateurs et ressent là une espèce "de jubilation, de joie, de jouissance devrais-je dire".
Ici naît l'idée pour Dominique Blanc de, pourquoi pas, devenir un jour
comédienne. La joie magistrale ne se dément pas aujourd'hui, même en
jouant des rôles durs : "c'est là que je me sens exister au plus profond comme être humain".
Monsieur et madame Blanc ne s'enthousiasmaient pas à l'idée de voir Dominique devenir comédienne, mais la jeune femme les convainc que le théâtre pourrait l'aider à vaincre sa timidité. Adolescente, elle s'inscrit donc aux cours d'expression de Orlan, pionnière du body art, "un être qui vient d'ailleurs, qui va nous donner confiance petit à petit". L'actrice se souvient encore d'un exercice singulier : il consistait à se tenir seul, en tenue décontractée sur le sol, fermer les yeux, penser à soi en tant que foetus et imaginer ce qu'a été la sortie de l'utérus, ce qu'a été la naissance. "Ça peut vous faire du bien". Des thérapeutes contemporains parlent de rebirth.
Un certain attrait pour la douleur
La Douleur
de Marguerite Duras est le texte qui a sauvé l'actrice de la
dépression. L'écrivaine y raconte l'attente du retour d'un mari déporté
en camps de concentration, trop douloureuse pour être conservée en elle,
au risque de se donner la mort. Interrogée en 1985, l'autrice ne sait
plus où et quand elle l'a écrit, se souvient seulement de l'envie de
publier ces textes l'âge venant, comme "un règlement qu'il fallait faire", et de la relecture des manuscrits faite d'une traite les redécouvrant une fois sortie des armoires.
Ce
texte est pour Dominique Blanc l'aventure d'un quatuor entre Duras, le
metteur en scène Thierry Thieû qui propose à Patrice Chéreau de se
joindre à lui et à Dominique Blanc d'occuper la scène. Elle reçut pour
son interprétation le Molière de la meilleure comédienne en 2010.
Reprendre la pièce, défendre à nouveau le texte une dizaine d'années
après la mort de Patrice Chéreau est apparu pour la comédienne comme "la plus belle façon de l'évoquer".
Les
souffrances ou la solitude, états dissuasifs pour beaucoup peuvent de
son propre aveu attirer l'actrice. L'héritage de formation médicale des
parents, médecin et infirmière, pourrait avoir développé "une espèce de passion pour ce qui nous fait le plus mal". Dure au mal, la comédienne avoue aimer aborder ses personnages par cet angle.
Paris, la marche et le cours Florent
Arrivée
à Paris, Dominique Blanc marche beaucoup. Rien ne marche alors elle
marche, pour se détendre, et aussi parce qu'elle n'aime pas le métro.
François Florent a ouvert son cours depuis quelques années, puis sa
classe libre en 1979 s'adressant à des étudiants en art dramatique
n'ayant pas le sou, fatigué de voir des jeunes gens motivés et de
possibles talents ne pouvoir accéder au Conservatoire. Il est le premier
à avoir cru en la future comédienne "tu vas y arriver, tu n'iras pas au conservatoire, mais il y a un potentiel".
Très
pédagogue l'instigateur du cours Florent avait un discours pour les
recalés du Conservatoire. Il demandait à ce qu'on lui lise les noms dans
un Pariscope ou un programme officiel, "Lis les noms, dis-moi, dis-moi" puis il ponctuait de "Pas fait le conservatoire", "Pas reçu !" ceux n'étant pas passés par la case classique. La méthode était factuelle, sa mise en scène donnait de l'espoir.
Écoutez Dominique Blanc, comédienne passionnée et passionnante évoquer son parcours et le métier d'actrice au micro d'Eva Bester.
Le livre Chantiers, Je de Dominique Blanc est publié aux éditions Acte Sud.
Programmation musicale
Jalen Ngonda, That's all I wanted for you
Roisin Murphy, The universe
Nina Simone, I put a spell on you