Extrait:
Apprendre à jouer debout sur une table
Lorsqu'elle entre à l'ENSATT, École nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, Marie-Sophie Ferdane rencontre Nada Strancar avec qui elle apprend le jeu. C'est avant tout de son regard bienveillant dont elle se souvient :
"C'était une femme qui regardait des jeunes femmes. À l'époque, déjà, son regard tranchait avec ceux qu'on avait pu croiser. […] Elle nous regardait avec une forme d'amour, ce n'est sûrement pas le bon mot, mais elle voulait nous rendre fortes, puissantes. Elle n'était pas cassante, elle était très exigeante, elle nous regardait vraiment. Elle regardait notre corps, elle écoutait notre voix. J'étais très grande, et j'étais toujours assise dans les scènes ou un peu courbée. Elle m'a dit : 'On ne voit que ça. Alors arrête, mets-toi debout, puis la semaine prochaine apporte des talons, et puis tiens monte sur une chaise, et puis tiens monte sur une table.' Elle m'a fait jouer un an sur la table. En disant : 'Il faut te connaître, si tu ne te connais pas, tu te caches.' C'était cette espèce de lucidité en nous demandant d'être responsables. Il faut au moins essayer de se connaître un peu pour pouvoir prétendre faire passer des textes."
Autre enseignement qu'elle conservera pendant tout son parcours au théâtre, le travail obsessionnel de l'œuvre d'un auteur avant le début des répétitions.
"Il y a un autre mot qu'elle disait toujours, elle disait, il faut être obsessionnel. On avait travaillé Marivaux, elle arrivait avec les œuvres complètes de Marivaux, plus tout ce qui avait été écrit sur Marivaux, plus elle nous encourageait à avoir toutes les versions de Marivaux. Et je continue, moi, cette pratique. Elle dit, vous plongez dans un monde, il faut avoir tout mangé pour arriver le premier jour de répétition avec mille propositions à la seconde que vous allez ensuite dégraisser avec les gens en présence."