samedi 23 mars 2019

Le lego de Pierre André Weitz: scénographie d'Illusions Comiques



 Scénographie de Pierre André Weitz : le lego de Pierre André Weitz

 Si priorité à la Parole, pourquoi pas tréteaux nus ? cf Copeau ou Brook " S’il y a un décor, l’espace n’est pas vide, il est encombré, même s’il s’agit d’éléments de grande beauté. Dans ce cas, l’esprit du spectateur est lui aussi déjà meublé. » qchose de superflu et qui renvoie au théâtre bourgeois.

Py renonce au décor en utilisant le décor. Il peut contenir lui aussi une parole cf définition 34 cf règles d’or de Craig : « Toutes choses naissent du mouvement » in De l’art du théâtre. Les déplacements précis et fluides ne concernent pas que les comédiens. Lignes verticales et horizontales de néons qui dessinent et sculptent l’espace ou aux filtres jaunes, rouges et bleus qui transforment l’atmosphère.

Ampoules fixées aux praticables et tubes de néons montants et descendants des cintres : associer dans un même mouvement la transformation scénographique et le changement d’éclairage: «  chorégraphe d’espace selon Weitz pour bien dissocier de la pratique statique que peut connoter le mot scénographie ; cf Brook : "contrairement au peintre de chevalet qui manie deux dimensions, ou au sculpteur qui en dispose de trois, le décorateur pense avec une quatrième dimension : le temps. Il voit, non pas l’image d’une scène mais l’image d’une scène en mouvement. »
Mais répétitions ont lieu d’emblée dans les décors définitifs dont les acteurs doivent s’approprier le mouvement, praticables sur roulettes : l’espace devient temps, mouvements qui anticipent sur les scènes et mordent sur les paroles des acteurs.
D’où significations des mouvements : exemples: gauche et droite pour la lecture des journaux, ascension pour l’élévation du poète etc, personnage nouveau avec portes créées pour lui par une ouverture des praticables : mère du poète, jeune fanatique élan côté cour incontrôlable p27 + augmentation de volume d’éclairage comme dans une scène de cabaret pour l’entrée d’un numéro.
Autre ex : Balazuc joue Dieu dans le public «  comme un metteur en scène après une mauvaise générale » et c’est quand il dit « je veux m’incarner » qu’il gravit les marches qui lui permettent de monter sur scène. Economie de moyens limpide.

Ex de parole de la matière qui soit à l’unisson de la parole du personnage avec la longue tirade de Girard sur la tragédie : filtre rouge sur le néon, le tragédien pense ne rouge (maquillage qu’a fait aussi Weitz, toge rouge et néon rouge du fond de scène : harmonie entre texte et scéno.

Attention extrême de Py et Weitz à ce qu’ils appellent un « continuum », mystérieuse et profonde unité entre tous les éléments disparates d’un spectacle, Weitz parle de jeu de « correspondances » au sens baudelairien du terme.
«  un continuum qui va de l’ourlet d’une robe jusqu’au mur le plus monumental. Si l’on installe un continuum, c’est lui qui va penser ».

Meilleur gage de continuité=tout construire avec les mêmes matériaux et les mêmes formes de départ. Module de base transformé ensuite, différents niveaux, déplacements qui permettent un jeu avec les hauteurs et les lignes, d’où le terme de Lego : dimension ludique et familiarité, créer peu à peu une œuvre, pièces après pièces. Traits caractéristiques du théâtre de Py au premier coup d’œil.

Ethique et souci pratique en même temps que préoccupation esthétique : recyclage des décors, agencement différents des mêmes modules, moindres frais : fidélité à un univers visuel, prise en compte de la dimension provisoire et éphémère d’un spectacle et résistance discrète à la société de consommation. A Bussang Weitz avait appris à ne rien jeter, même les petits bouts de fil. Sens aigu de l’argent public dont bénéficient les CDN de Py. Le même bois a connu peint et repeint différentes pièces de l’univers de Py : éphémère est le contraire de jetable.

Cf Weitz qui cite Le capitaine Fracasse de Gautier roman du théâtre de tréteaux dont les héros ont leurs costumes et décors pour seul trésor !