http://www.theatre-contemporain.net/biographies/Rodrigo-Garcia/
Bio Express Rodrigo García
1964 Naissance en Argentine, à Buenos Aires.
1986 S’installe en Espagne, à Madrid.
1999 Première en France, au TNB, de Conocer gente, comer mierda (“Connaître des gens, bouffer de la merde”).
2001 Premier succès international avec After Sun.
2009 Lauréat du prix Europe Nouvelles Réalités théâtrales, remis à Wroclaw en Pologne.
Rodrigo García habite de jour comme de nuit dans le théâtre où il
répète. En résidence depuis la fin août à Rennes pour accoucher de Muerte y reencarnación en un cow-boy,
la création qu’il présente au festival Mettre en scène, il s’est
installé dans la bien nommée salle d’échauffement. Dédiée au training
des acteurs, elle est devenue son bureau.
C’est là qu’il reçoit, un cigare au bec et un verre de whisky à la main. “Je suis le metteur en scène qui coûte le moins cher en hébergement”,
assène-t-il dans un rire en poussant la porte de la loge attenante.
Dans la pénombre, on entrevoit un matelas à même le sol et un sac de
couchage en vrac. Une vidéo qui passe en boucle donne un aperçu du
chantier en cours : deux types en slip, le corps dégoulinant d’huile,
s’acharnent à coups de pied sur des guitares électriques dans un duel de
solos apocalyptiques. Puis ils entament une chorégraphie au ralenti,
une danse sous mescal inspirée d’un post visionné sur internet. Un pur
échantillon de cette fureur arty dont Rodrigo García aime garnir ses
shows. Depuis le choc After Sun (2001), balade déjantée d’un
couple, baignant dans la salade, les saucisses, la mayonnaise, le
ketchup et tout ce que contient le placard d’une cuisine, Rodrigo García
s’est fait une spécialité de transformer les plateaux de théâtre en
champs de bataille.
Pour comprendre sa propension à voir rouge dès qu’il s’agit de
produits de bouche, on tentera l’hypothèse d’une revanche à prendre sur
son enfance dans un bidonville de Buenos Aires. Entre une mère vendeuse
de fruits et légumes et un père boucher qui le met derrière la planche à
découper à 11 ans, son avenir semble tout tracé. “Dans le barrio où
je suis né, j’étais malgré tout le riche de la favela, car pour leur
commerce, mes parents avaient construit une maison en dur. Mon autre
privilège était d’être le seul à avoir les moyens de me faire payer un
ballon de foot en cuir. J’avais beau être le pire des joueurs et rester
dans les buts, tout le monde voulait jouer avec moi car je possédais le
ballon.”
Celui qui plus tard glorifiera Maradona sur scène et
nommera sa compagnie La Carnicería Teatro (La Boucherie Théâtre) était à
l’époque à la recherche d’une issue de secours. “Je ne sais
pourquoi, mais un jour je me suis dit que la seule solution pour
m’échapper de la boucherie était la littérature. A la maison, les livres
se comptaient sur les doigts d’une main, trois livres de cuisine, le
théâtre de Federico García Lorca, relique chérie par mes parents émigrés
espagnols et, va savoir pourquoi, les oeuvres complètes d’Oscar Wilde.”
Il a 17 ans quand il vole tout Wilde pour l’échanger dans une librairie contre les oeuvres de Borges et Etre et Temps
de Martin Heidegger. Dévorant en secret Schopenhauer aussi bien que
Sénèque, il alterne la fac, les parties de foot et les petits trafics
entre amis. “Au final, j’ai obtenu une licence en sciences de la
communication et publicité. Je suis entré comme coursier dans une boîte
de pub avant qu’ils ne me fassent bosser comme créatif. J’y ai gagné le
montant exact du billet pour partir en Espagne.”
Débarquement à Madrid en 1986. “La période la plus sombre de ma
vie. Je voulais monter des textes et faire du théâtre… Je travaillais
dans la pub et investissais tout l’argent gagné dans des productions que
personne ne venait voir. Par deux fois, j’ai dû jeter mes scénographies
à la poubelle. Ces échecs m’ont convaincu d’essayer d’écrire. J’ai
pondu un texte, Macbeth imágenes. J’en ai honte, mais c’est avec ce pur
plagiat d’Heiner Müller que j’ai obtenu un premier prix d’écriture
(rires). D’autres textes ont suivi.”
Alors qu’il commence à avoir une petite réputation d’auteur,
Rodrigo García opte pour un théâtre physique proche de la performance.
“On m’a pris pour un fou. Pendant quinze ans j’ai travaillé dans une
totale incompréhension en Espagne. Heureusement, j’ai rencontré Carlos
Marquerie (qui depuis signe les lumières de ses spectacles – ndlr). Il
dirigeait le Teatro Pradillo, un petit lieu à Madrid “La polémique
était continuelle, mais le public était fidèle et c’est là que des gens
du TNB (Théâtre National de Rennes) ont découvert Conocer gente, comer mierda, et m’ont invité en
1999 à le présenter à Rennes.” Une sortie d’Espagne qui force le succès avec, l’année suivante, le happening lumineux After Sun que tout le monde s’arrache.
L’incompris devient la nouvelle coqueluche du théâtre
européen. S’en suivront des invitations au Festival d’Avignon et au
Festival d’automne dont Rodrigo García fait aujourd’hui figure de membre
honoraire. Toujours en tournée en Europe et dans le monde, Rodrigo
García ne déroge pas d’un iota à son penchant provocateur et ses
spectacles ne cessent de faire scandale. Avec After Sun, il s’attire les foudres de la SPA à cause d’une danse avec un lapin sur Sex Bomb
de Tom Jones. Il soulève l’indignation des moralistes quand il invite
le public à monter sur scène pour retirer son slip et s’en coiffer. “En Allemagne, la moitié des spectateurs ont quitté la salle quand un vieil homme l’a fait.” Une jeune femme tondue en direct sur la scène du Théâtre du Rond-Point durant Et balancez mes cendres sur Mickey
(2006) lui vaut des tribunes dans les journaux pour dénoncer l’offense à
la dignité des femmes et l’obscénité de ce rappel des tondues de la
Libération.
Pire encore, Accidens : matar para comer (Accident : tuer pour manger),
créé à Rennes en 2005, est une performance consistant à couper en deux
un homard vivant d’un coup de hachoir, à le griller et le manger sur
place. “Elle est interdite en Espagne, à Madrid et Barcelone. En
Italie, à Milan, les carabiniers ont empêché que le spectacle ait lieu…”
Enfin, invité au printemps pour recevoir à Wroclaw (Pologne) le prix
Europe Nouvelles Réalités théâtrales aux côtés de Guy Cassiers, Pippo
Delbono, Arpád Schilling et François Tanguy, Rodrigo García, qui
présentait deux spectacles dont la performance du homard, se retrouve en
plein cauchemar : “Ils m’ont accusé d’acte de torture, j’ai passé trois heures au poste de police à devoir m’expliquer avant d’être relâché.”
Des risques du métier qui n’altèrent en rien sa détermination au moment
où s’annonce son retour en force en France. D’abord à Rennes, puis à
Paris, au Théâtre du Rond-Point, où il présente Versus, créé en
2008 pour fêter l’anniversaire de l’indépendance de l’Espagne qui, il y
a deux siècles, se libérait de la tutelle française. Un patchwork qui
réveille les héros de la série Agence tous risques, les fantômes du franquisme et convoque Goya, la place Tiananmen et le 11 Septembre.
Parce que le théâtre de García est d’abord politique, on s’inquiète
de son avis sur la multiplication des scandales politico-médiatiques qui
ne cessent de défrayer nos chroniques. “Je propose que les médias
les cachent. Qu’ils ne diffusent pas ce genre d’informations et que ces
espaces – pages et écrans – ne soient occupés que par des images
bucoliques : des papillons dans les prés, des rivières où coule une eau
cristalline… Il faut prolonger cette occultation des vrais événements
pendant un siècle ou un siècle et demi, le temps d’accepter l’échec de
la démocratie et d’inventer un autre système.” Depuis deux ans que nous n’avions plus de ses nouvelles, Rodrigo García nous manquait. “La loi du marché”, se contente-t-il de commenter.
Source : LesInrocks
http://www.liberation.fr/theatre/2013/12/13/nomination-surprise-de-rodrigo-garcia-au-centre-dramatique-de-montpellier_966342
C'est comme ça et me faites pas chier:
http://www.youtube.com/watch?v=ifcuUXpottY
Le théâtre de Rodrigo Garcia, un autoportrait à la dynamite:
http://recherchestravaux.revues.org/381?lang=en
Le théâtre politique de Rodrigo Garcia:
http://www.academia.edu/698153/Le_theatre_politique_de_Rodrigo_Garcia