jeudi 6 février 2014

Feydeau par la compagnie Rictus

http://www.theatredurictus.fr/a-quoi-revent-les-poissons-rouges/

Loin des portes qui claquent et du rythme effréné que l’on retrouve habituellement chez Georges Feydeau, c’est à une lente plongée vers les abysses insondables de l’amour que nous convie Laurent Maindon, metteur en scène d’À quoi rêvent les poissons rouges ?.
Ce spectacle réunit en une même histoire deux pièces de Georges Feydeau, indépendantes à l’origine, Léonie est en avance et On purge bébé. De ce lien imaginaire entre les deux pièces, dans le respect du texte de Feydeau, surgit l’histoire d’un couple et son itinéraire depuis l’attente d’un enfant et les promesses de bonheur jusqu’aux conséquences malheureuses d’un traumatisme dont la femme ne se remettra pas. Dans une scénographie contemporaine et une mise en scène épurée, Laurent Maindon fait la part belle au jeu des comédiens. Il propose une lecture décalée d’un texte décrié par certains pour sa désuétude et souligne l’a-temporalité des difficultés de la vie de couple en révélant la férocité sous jacente du texte. Il place le spectateur tantôt dans la comédie, marque de fabrique de l’auteur, tantôt dans le drame, car dans la vie comme au théâtre, « le rire est parfois un exutoire à la folie ».

C’est en cherchant de nouvelles nourritures que celles du théâtre contemporain que je me suis penché sur le répertoire dit classique. A la recherche de nouvelles audaces, dont celle de risquer un regard contemporain sur une oeuvre qui ne l’est pas, une oeuvre qui à coup sûr, dissimule des mystères qui se dévoilent de manière différente selon l’époque à laquelle on s’y intéresse. Théâtre contemporain et théâtre « classique » ne s’opposent pas (puisqu’il faut avoir été un jour contemporain avant de devenir classique), seul le regard du metteur en scène et son travail avec l’équipe artistique saisiront le rapport contemporain à l’oeuvre. Et c’est précisément le but de ce travail : capter ce qui nous renvoie à notre condition d’aujourd’hui en interrogeant un texte qui avait le souci identique à son époque. La première étape s’invite chez Georges Feydeau, en attendant la suivante qui fera halte chez Georg Büchner. Une commande d’écriture est passée à Andras Forgach pour revisiter la pièce allemande, dont le personnage est devenu depuis quasi mythique, Woyzeck. La création mondiale de cette pièce, en langue française, sera présentée à Novi Sad en Serbie dans le cadre des rencontres internationales de mise en scène, avant de tourner en France. Le troisième volet de cette recherche passera enfin par Shakespeare.

« A quoi rêvent les poissons rouges ? »

Ce spectacle est tiré de deux pièces en un acte de Feydeau, On purge bébé et Léonie est en avance. Feydeau est alors au faîte de son écriture et de sa notoriété lorsqu’il écrit ces deux pièces. Aux prises à des difficultés financières, démoralisé et blessé par le déchirement de son couple qu’il a contribué à défaire par ses frasques extra-conjuguaux, Feydeau s’attèle à une série de courtes pièces en un acte où il se plait à dépeindre des situations de couple sur le déclin. La longue observation de ses propres expériences le conduit vers une lucidité féroce et impitoyable. Ces pièces qui s’éloignent du vaudeville traditionnel au profit de comédie de moeurs surprendront à l’époque ses contemporains mais remporteront un vif succès, la scène brandissant un miroir déformant au public.

Pour les besoins du spectacle, j’ai décidé de lier ses deux pièces qui abordent conjointement le sujet de la maternité, de la parentalité et évidemment du couple. Deux pièces distinctes à l’origine que je fais se rejoindre, l’une présentant le couple Follavoine au moment de la grossesse de Léonie, l’autre le situant sept ans plus tard.

L’argument

Léonie, une femme dans la trentaine, est paniquée, pensant que l’heure de l’accouchement est arrivée. Elle secoue tout son entourage, à commencer par son mari qu’elle juge trop attentiste. Sont convoquées belle-mère et sage-femme, mais cela n’empêche pas le diagnostic final de tomber : il s’agit d’une grossesse nerveuse.

Quelques années après, on retrouve le couple plongé dans les affres d’un déchirement perpétuel causé par ce traumatisme. Léonie ne s’est jamais remise de cet enfant qui n’est pas né et qui reste en elle depuis tout ce temps.
La constipation de ce dernier, vécue par Léonie comme une tragédie à venir, va révéler la schizophrénie de cette dernière en présence de Chouilloux, le rendez-vous d’affaires de Julien qui arrive au plus mauvais moment.