Le théâtre de 1960 à nos jours
La décentralisation théâtrale en France
Une direction générale des Arts et LettresLes premières traces d'une préoccupation culturelle au sein des ministères datent de 1945; il s'agit alors d'une direction générale des Arts et Lettres au sein du Ministère de l'Education Nationale. Jacques Jaufard qui en est le responsable confie à Jeanne Laurent la sous-direction des Spectacles et de la Musique. C'est elle qui, jusqu'en 1952, entamera une première décentralisation théâtrale avec la création de cinq Centres Dramatiques Nationaux dans les villes de province où des compagnies se sont implantées depuis 1942.
Le C.D.N. de l'Est, dirigé par Roland Pietri et implanté à Colmar, est le premier à voir le jour en janvier 1947 ; six mois plus tard la Comédie de Saint-Etienne dirigée par Jean Dasté, devient C.D.N. En 1949, c'est au tour du Grenier de Toulouse, co-dirigé par Charles Dullin et Maurice Sarrazin et du Centre Dramatique de l'Ouest, à Rennes, dirigé par Hubert Gignoux, Georges Goubert et Guy Parigot, de devenir centres dramatiques. Enfin, en 1952, la Comédie de Provence installée à Aix-en-Provence, dirigée par Gaston Baty, est le dernier C.D.N. à s'ouvrir sous l'égide de Jeanne Laurent. Entre-temps, en 1951, Jean Vilar qui dirige toujours le Festival d'Avignon, prend la direction du Théâtre National Populaire - Chaillot.
En 1947, Pierre Bourdan est nommé à la direction du tout nouveau Ministère de la Jeunesse, des Arts et Lettres. Cette tentative d'un ministère indépendant échoue rapidement, et quelques mois après, la direction générale des Arts et Lettres réintègre l'Education Nationale.
A Lyon puis à Villeurbanne avec Roger Planchon, à Strasbourg avec la création de l'Ecole Supérieure d'Art Dramatique, dirigée par Suria Magito puis Pierre Lefèvre, à Paris avec le lancement du premier Festival International d'Art Dramatique, des actions théâtrales se mettent en place. A Amiens, à Lille, à Poitiers et à Avignon, des associations des Amis du Théâtre Populaire (ATP) organisent des spectacles, dans ces villes alors dépourvues de structures permanentes. Malgré le licenciement de Jeanne Laurent en 1952, de nombreuses manifestations s'organisent en province. Elles ne bénéficient cependant plus d'aucune reconnaissance ni de soutien financier du ministère.
La création du Ministère
En 1958, Charles de Gaulle, premier Président de la Cinquième République et Georges Pompidou, son Premier Ministre, chargent André Malraux de fonder un Ministère des Affaires Culturelles. L'inauguration aura lieu le 3 février 1959 ; il reste alors à élaborer ce nouveau ministère. Le décret du 24 juillet 1959 fixe ainsi ses missions: "le ministère chargé des Affaires Culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord en France, au plus grand nombre possible de français; d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent". Pour réaliser ces deux objectifs, André Malraux axera sa politique autour des Maisons de la Culture, seules susceptibles de concilier les deux projets. Suivant la piste de Jeanne Laurent vers une décentralisation théâtrale, il tenta de développer ces Maisons de la Culture dans tous les départements.
A la tête de ces "cathédrales du XXème siècle", on trouvera essentiellement des responsables de troupe, hommes et femmes de théâtre. De 1959 à 1966, les M.C. sont imaginées, préfigurées et pour les premières, mises en place ; la première au Havre en juin 1961, puis à Bourges, Caen, au T.E.P., à Rennes, Saint-Etienne, Amiens, Thonon les Bains, Firminy.
Le IVème plan de 1962 à1965 prévoit la création d'une vingtaine de Maisons de la Culture mais le Ministère des Finances ne débloquera pas les fonds nécessaires, ce qui sera à l'origine du départ de M. Moinot de la direction du théâtre, de la musique et de l'action culturelle. Il sera remplacé par M. Biasini qui favorisera lui aussi le théâtre en appliquant une politique d'aide dans quatre secteurs principaux : la décentralisation dramatique (les M.C. en sont un bon exemple), les théâtres nationaux, les compagnies théâtrales, le théâtre privé (création du Fonds de soutien au théâtre privé).
En 1966, un service de la musique au sein de la direction générale est créé et la direction du théâtre, de la musique et de l'action culturelle devient la direction du théâtre et des maisons de la culture, dont Francis Raison prend la direction.
Eté 1968
En 1967, lors d'un colloque en Avignon auquel participent directeurs d'institutions théâtrales et responsables municipaux, des revendications se font entendre en un mot d'ordre : "le pouvoir aux créateurs".
Plus tard, en mai 1968, l'Odéon est envahi par le Living Theater de Julian Beck ; alors qu'à Lyon, 23 directeurs de théâtres populaires et de Maisons de la Culture se déclarent "solidaires des étudiants et des travailleurs en lutte et décident de se constituer en comité permanent".Ils revendiquent une modification du statut des M.C., une augmentation du budget du Ministère, une meilleure répartition des budgets entre Paris et Province et une réforme de l'enseignement artistique... A partir de juin, les négociations s'engagent, mais si le ministère reconnaît le comité permanent et fonde une commission consultative composée de membres du gouvernement et de délégués du comité, les espoirs disparaissent vite et les fruits de cette aventure seront bien minces. Eté 1968, en Avignon, Jean Vilar qui a déjà ouvert son festival en 1966 à Béjart, Planchon, Lavelli, Bourseiller et Jean-Luc Godart, accueille le Living Theater dont les mœurs choquent, alors que La Paillasse aux seins nus de Gérard Gélas est interdit.
Après 1968, crise des Maisons de la Culture
Le sort des M.C. après 1968 est relativement hétérogène. Si Amiens ne connaît aucune crise, et si à Reims, Rennes et Saint-Etienne, les travaux s'achèvent en 1970, ailleurs, des M.C. sont transformées en théâtres municipaux comme à Caen et à Thonon, en Maisons des Jeunes et de la Culture, comme à Firminy. Quant à Chalon-sur-Saône et Nevers, leurs M.C. disparaissent.
Le renouveau de la politique de décentralisation théâtrale
En 1973, il existe encore 9 M.C.
Après cette expérience, le ministère n'encouragera plus que l'édification d'établissements plus modestes, polyvalents. Les M.C. en préfiguration se transformeront en Centres d'action culturelle (C.A.C.), au côté desquels les Centres de développement culturel commencent à se développer.
En 1991, le directeur du théâtre, Bernard Faivre d'Arcier, coiffe du nom de "Scènes Nationales" ces trois types d'institutions vouées aux accueils et à la diffusion. Elles centrent leurs activités sur le spectacle vivant : théâtre, danse, musique, sans oublier les arts plastiques et l'audiovisuel. Il en existe actuellement une trentaine.
Parallèlement, les trente C.D.N., sans compter de nouvelles institutions plus modestes tels que sont les Centres dramatiques régionaux, créés à partir de 1985, forment les principales pièces de l'œuvre de la décentralisation théâtrale sur tout le territoire (même si des disparités subsistent). Sociétés privées, sans but lucratif, elles ont pour mission la création de spectacles dramatiques.
Roger Planchan parlant des débuts de la décentralisation:
http://www.dailymotion.com/video/xe82aq_roger-planchon-les-debuts-de-la-dec_creation