vendredi 11 avril 2014

Les contes d'Olivier Py (suite)



Olivier Py s’apparente à un homme orchestre : comédien, auteur, metteur en scène de théâtre et d'opéra et ici auteur/adaptateur et metteur en scène de spectacles pour le jeune public.

Montrer que le metteur en scène ne cherche pas à accentuer le côté irréel, imaginaire, mais plutôt à faire comprendre au public qu'on est bien au théâtre et que tout se joue sur une scène. 

Le décor
Un rideau lumineux : des ampoules électrique allumées sur des châssis, c'est très brillant, très beau. Autour, le noir.
Quand le spectacle commence arrivent sur le plateau les acteurs et un technicien qui déplacent à a vue des spectateurs les châssis montés sur roulettes, dégageant une estrade sur laquelle et autour de laquelle vont jouer les comédiens.
Tout au long des deux spectacles, les changements de décors se feront ainsi à vue et le décor sera modifié par le jeu du déplacement de ces éléments :
- Maison noire pour la cabane du pauvre avec les ailes de moulin ;
- Maison rouge pour le château ;
- Paravents dorés pour les appartements du roi

Un fin film transparent bleu (gélatine bleue) descend des cintres sur la largeur du plateau derrière la jeune fille pour symboliser la rivière qu'elle essaie de traverser, dans La Jeune Fille,le Diable et le moulin , puis dans L'Eau de la vie, quand les frères traversent la mer.
 
Un fin film transparent rouge (gélatine rouge) descend des cintres sur la largeur du plateau derrière le diable quand il décide d'intervertir les messages dans La Jeune Fille, le Diable et le moulin;
- De tous petits morceaux de papiers tombent en confettis des cintres pour figurer la neige ;
- Pas de forêt, pas d'arbre, pas de verger. Aucun des éléments de magie mentionnés dans les contes n'apparaît décor est mis en valeur par les lumières puisqu'elles en sont partie intégrante
Dans La Jeune Fille, le Diable et le moulin, quand le père est dans la forêt, les ampoules baissentde niveau, il fait beaucoup plus sombre sur le plateau. De la même manière, la cabane du pauvre homme est noire et sombre. Le moulin  est figuré par une croix lumineuse qui tourne sur cette cabane noire. Quand la jeune femme fuit dans la forêt, elle se réfugie dans la cabane noire, la lumière baisse sur le plateau.
Parallèlement, quand le père est riche, il y a beaucoup de lumière. L'ange est surmonté d'une étoile lumineuse. Chez le roi enfin, les paravents dorés brillent de mille feux. 

importance du son dans les deux spectacles:
Dans La Jeune fille, le Diable et le moulin, les intermèdes musicaux sont joués en direct sur scène pendant les changements de décor à vue. Sont présents des instruments à vent et des percussions.
l'Ange joue de l'accordéon
On entend des chants d'oiseaux, du vent, du tonnerre. On entend l'enfant pleurer dans la cabane.
Une musique militaire retentit quand le prince doit partir à la guerre, etc. La musique est très présente. Prendre conscience de la distance que le metteur en scène a mise entre les spectateurs et ces
personnages.
Ils sont joués par les mêmes comédiens : Céline Chéenne, Samuel Churin, Sylvie Magand,Thomas Matalou, Benjamin Ritter et Thibaut Fack (régisseur-plateau eau). 
Ils interprètent plusieurs rôles dans les deux spectacles. On reconnaît qu'ils jouent plusieurs rôles. Ils se transforment de façon que le public s'en rende compte ; à aucun moment on ne peut prendre l'histoire qu'on voit pour véridique.
La fanfare : les acteurs sont aussi les musiciens. Chamarrés de rouge, on peut penser à une parade de cirque ou à une fête foraine. La fanfare est présente dans les deux spectacles, moins dans  L'Eau de la vie.
- La comédienne qui joue de l'accordéon dans les deux spectacles interprète aussi l'Ange. On lui met ses ailes sur le dos à vue.
- Les deux frères méchants se transforment en chien et en cochon : ils mettent un masque et une queue dans L'Eau de la vie, c'est ce jeu de masque qui renforce l'effet comique.
- La princesse porte la même robe et la même couronne dans les deux spectacles.
Elle joue également le vieux roi malade dans L'Eau de la vie, on reconnaît très bien sa voix,même si elle est grimée en vieillard.
- Le jardinier dans La Jeune Fille... joue également la mère. C'est un travestissement. Il est habillé de la même façon dans les deux contes.
Il s'apparente à la figure du clown ou du bouffon. Le Diable est habillé tout en rouge. Dans La Jeune Fille, le Diable et le moulin, quand il rencontre le père, il porte un chapeau haut de forme pour cacher ses cornes, mais le spectateur le reconnaît facilement. Seul le père ne semble pas voir que c'est le diable. Cet effet guignolesque provoque l'effet comique.
On attend généralement des costumes d'un conte qu'ils soient ceux des rois, des princesses, des princes, et des pauvres paysans, qu'ils correspondent à l'image traditionnelle de la royauté et de la misère, comme dans un royaume imaginaire.
Ici, seuls quelques éléments des costumes rappellent symboliquement la royauté : les couronnes, le manteau du roi, la robe blanche de la princesse.
À contrario dansL'Eau de la vie les frères sont en costume contemporain.
Olivier Py a sans doute voulu souligner l'intemporalité des contes : cela peut se passer à n'importe quelle période puisque il ne s'agit pas de quelque chose de réel. Ce qui importe n'est pas le temps dans lequel se déroule l'action, mais les symboles

Le combat du bien et du mal
Par la symbolique des couleurs:
- Le blanc autour de la jeune fille, la princesse, l'ange, la colombe évoque la pureté ;
- Le rouge par le sang, la feutrine, le film de gélatine, la maison, la perruque de la mère évoque le diable et le mal ;
- Le noir par la nuit, le sombre de la forêt, le manteau de la Princesse quand elle doit fuir, la figure de la mort.

Par la violence esthétisée:
Dans  La Jeune Fille, le Diable et le moulin , le père coupe les mains de la jeune fille : on ne le voit pas, cela se fait dans la cabane, des morceaux de feutrine rouge figurent le sang qui coule. L'effet de violence est ainsi désamorcé, la violence n'est ici que symbolique.
La mort est représentée concrètement dans  L'Eau de la vie
par un personnage à tête de mort
les dénouements joyeux où tout rentre dans l'ordre.
Le bien triomphe toujours, le diable est toujours vaincu, même quand tout paraît perdu. Dans La Jeune Fille, le Diable et le moulin, les mains de la Princesse ont repoussé, le mal fait par le père est effacé, le Prince retrouve la Princesse et son fils qui ont été protégés.
Dans  L'Eau de la vie , ceux qui font le mal sont punis (les méchants frères) et ceux qui font le bien (le gentil fils et la Princesse) sont récompensés, la vérité vaut mieux que le mensonge, la pureté que l'impureté.

Les questions de l'art et de la mort
Dans La Jeune fille, le Diable et le moulin , les acteurs viennent essayer de divertir la princesse avec des masques de mort :
«Qu'est-ce que l'art? leur demande-t-elle
- Dire d'un mot la mort avec la joie » lui répondent-ils.
Difficile d'interpréter cette réponse:
Quelle définition de l'art peut-on donner ?
Dans  L'Eau de la vie , la question de la mort est au centre de la pièce:
« Que dirais-tu, toi, à un enfant qui te demande-
rait ce qu'est la mort ? » demande le benjamin,
- Moi je ne sais pas» répond le puîné.


La forêt
Profonde, froide, sombre, c'est là que le père est tenté par le Diable.  Quand la jeune fille a les mains coupées, c'est là
qu'elle se réfugie ; la forêt et la cabane de bûcheron sont également les derniers refuges pour la femme et l'enfant afin d'échapper à la mort.

Le temps
Trois années passent entre le pacte et la réalisation du pacte ; trois mois d'absence du Prince après leur mariage puis encore neuf mois(le temps de la gestation). Le prince revient de guerre après plus de 7 ans. Les textes sont donc en partie elliptiques, ces laps de temps divers ne sont pas traités par l'intrigue des contes. Le temps passe uniquement par le texte.

La magie
Le diable fait devenir riche le pauvre homme et sa famille ; la jeune fille trace un cercle de craie pour empêcher le diable de l'emmener, puis mouille ses mains et pleure, afin d'éviter d'être emportée par lui. Les lettres déchirées deviennent des confettis (effet de magie théâtrale).
Les mains de la Princesse repoussent.