Le petit chaperon rouge:
http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Le-Petit-chaperon-rouge/ensavoirplus/
Dossier pédagogique:
http://wheb.ac-reims.fr/ia08artsvisuels/images/stories/lepetitchaperonrouge-dossierp.pdf
Celui du théâtre de l'Odéon:
http://www.theatre-odeon.eu/fichiers/t_downloads/file_741_DA_Cendrillon.pdf
http://www.tandem-arrasdouai.eu/library/documents/le-petit-chaperon-rouge-de-joel-pommerat.pdf;jsessionid=9B264D7542541E2B139ECFB60B5643A5
Caroline Châtelet
Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat
Un conte renouvelé
Pourquoi aller au
théâtre ? Cette question, qui recoupe un faisceau de motivations –
intellectuelles, de divertissement, sociales –, en emporte avec elle une
autre : pourquoi y retourner ? Si les réponses possibles sont complexes
et intimes, il est certains spectacles, rares, devant lesquels ces
interrogations résonnent particulièrement. C'est le cas du Petit Chaperon rouge
de Joël Pommerat, spectacle qui en donnant un caractère acceptable à
certaines difficiles étapes de la vie, en aidant à grandir, en somme,
n'oblitère pas le plaisir de la répétition inlassable du conte. Avec
cette création, le fondateur de la compagnie Louis Brouillard procède à
une réécriture, permettant une focalisation sur les rapports entre le
Chaperon, sa mère et sa Grand-mère. Il est question ici d'amour filial
et maternel, ainsi que de transmission, d'initiation et de tout ce que
le fait de grandir emporte – acquisition de l'autonomie, de la confiance
en soi et de l'autre, indépendance. Dans ce théâtre au dispositif
minimal, essentiel, trois comédiens interprètent cinq personnages.
Tandis que le conteur, présent dès le début sur le côté de l'avant-scène
– position de figure omnisciente qui nous fera traverser le conte –,
endosse également le rôle du loup, les deux comédiennes se partagent
ceux de la grand-mère, de la mère et du Chaperon dans un savant jeu de
passe-passe générationnel. Pas de père dans cette lecture-là, mais une
mère bien occupée n'ayant que peu de temps pour jouer en imitant un
monstre terrifiant. C'est donc autant pour échapper à l'ennui, pour
prouver son autonomie, que, peut-être, pour se frotter « pour de vrai » à
la figure du monstre que l'enfant demande à aller voir, seule, la
grand-mère. Si la fin du conte développe sa propre version, la péripétie
est semblable au canevas habituel : rencontrant en chemin le loup,
celui-ci dévorera aïeule et enfant. Mais Joël Pommerat n'énonce pas de
sanctions définitives et irrémédiables. Révolue, l'époque de Charles
Perrault et l'appel à la moralité des jeunes filles. Après le sauvetage
des deux femmes, l'histoire se prolonge pour se clore sur le cycle de la
vie : devenue grande, le Chaperon (cette fois interprétée par la
comédienne jouant précédemment la mère) rend visite à sa vieille mère
(jouée, elle, par le Chaperon). Une alternance salvatrice, qui fait de
la transgression des interdits un acte constitutif de l'existence. Cette
vision pertinente, Joël Pommerat la met en scène sans gommer la force
du récit. C'est donc bien un conte qui nous est narré, comme ne cesse de
le rappeler le narrateur, avec tout ce que cette fable suppose
d'alternance d'angoisse, d'émotion et de rire. Maîtrisant tous les
artifices théâtraux, Joël Pommerat investit un dispositif scénographique
simple, et tel un prestidigitateur, fait surgir de celui-ci
personnages, atmosphères, lieux. C'est par l'entremise du narrateur que
les personnages stylisés acquièrent leur épaisseur et que les frayeurs
intimes, attirances enfantines et ancestrales pour les figures du
monstre, se déploient. Rien n'est de trop et quoique virtuose, la mise
en scène, fondée sur une économie de moyens, soutient avec subtilité et
puissance le récit. Mais ce que produit aussi ce Chaperon,
c'est une jouissance à voir et revoir une histoire qui en travaillant
les peurs archaïques les apaise, les rendant acceptables et
maîtrisables. Plaisir du conte et de la répétition d'une parole toujours
vivante...
Devant ce spectacle et l'intérêt sans cesse renouvelé de sa découverte me revient en mémoire cette phrase de Sarah Kane : « le
théâtre n'a pas de mémoire, ce qui fait de lui le plus existentiel de
tous les arts. C'est sans doute pour ça que je ne cesse d'y retourner,
dans l'espoir que, dans une salle obscure, quelqu'un me montrera une
image qui pénétrera dans mon esprit en s'embrasant, y laissant une
marque plus permanente que ce moment lui-même. »
Le Petit Chaperon rouge
création théâtrale de Joël Pommerat d’après le conte populaire
assistant à la mise en scène Philippe Carbonneaux
avec Rodolphe Martin, Murielle Martinelli, Isabelle Rivoal
scénographie
et costumes Marguerite Bordat ; scénographie et lumières Éric Soyer ;
suivi de la réalisation scénographique Thomas Ramon ; aide à la
documentation Évelyne Pommerat ; recherche son Grégoire Leymarie,
François Leymarie ; régie son Grégoire Chomel ; régie lumière Cyril
Cotte ; direction technique Emmanuel Abate ; production Compagnie Louis
Brouillard
coproduction
Centre Dramatique Régional de Tours, Théâtre Brétigny Scène
conventionnée du Val d’Orge ; avec le soutien de la Région
Haute Normandie
Maison des Métallos - du 17 avril au 5 mai 2013
Pour citer ce document
Caroline Châtelet, «Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat», Agôn [En ligne],
Critiques,
Saison 2012-2013,
mis à jour le : 13/05/2013,
URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=2602.