dimanche 18 mai 2014

Etude de Cendrillon ( Suite)



Le conte des contes :
Belle mère prend ses rêves pour la réalité, maîtrise logique du destin : le hasard ne peut exister, belle-mère à la limite du « concernement » ( notion psychiatrique), rêve d’un destin à sa hauteur, réalisant l’image qu’elle se fait d’elle-même : mo  je sens qu’il va se passer quelque chose de vrai… imaginaire= celui des contes de fée, archaïsme sous les voiles de la femme moderne, irrationnel sous le matérialisme cf prégnance fantasmatique de l’essayage des robes avec les cordes de Peteris Vasks, étreinte du mannequin, désir du prince inconnu qu’elle a reproché plus tôt à ses filles. Musique de Phil Glass pour la plongée dans la rêverie, suite à la visite du roi, s’imagine que le prince est tombé amoureux d’elle, regard vague, démarche de somnambule.
Deux malentendus du coup qui la briseront : ridicule du costume XVIIIème siècle pour une fête très moderne et déclaration au prince ; inadéquation des faits avec ce qu’elle avait imaginé, mais ne suffit pas tout de suite à briser sa conviction de détenir la vérité : insiste les deux fois, sortie de force. Enfermée dans son rêve, dans le conte. D’où « conte des contes » expression de Pommerat sujet le conte lui-même, où est le vrai ou est le faux ? Où est la vraie vie ? Où est le mythe, le mensonge, l’histoire inventée ? Tous les personnages vivent dans le conte. Belle mère, filles : cf réminiscence subliminale de Grimm  se ferait bien couper le pied pour pouvoir voir le prince avant toutes les autres », père qui rêve d’une nouvelle vie. Très jeune fille aussi survie de la mère, elle a « beaucoup d’imagination » cf chanson du lundi matin l’empereur… pour éloigner les cauchemars.
La fée un peu à part : personnage merveilleux – mais peut surgir tout droit de l’imagination de Sandra !-, n’a pas le monde du conte comme imaginaire, image désacralisée : lassée par l’éternité, refusant d’utiliser ses vrais pouvoirs, rêvant de la vie humaine, miroir inversé des autres personnages : joie normales, premières fois, fragilité.
Roi : imagination aussi, inventeur de la fable pour son fils, fiction initiale qui entraine sans doute d’autres mini histoires chaque soir depuis 10 ans : « un nouveau mensonge pour justifier qu’elle n’appelle pas »
Roi qui se veut une sorte de grand enfant, qui entre chez les gens en se voulant simple « appelez-moi Jean-Philippe, royaume conte de fantaisie cf celui de Fantasio ou le royaume de Popo dans Léonce et Léna. Propre peur d’annoncer la mort de la mère, organise des fêtes, diversion. le roi raisonne en terme sde conte cf deuxième intrusion dans la maison de verre comme s’il avait lu Cendrillon !
Imaginaire du conte aussi dans la tête des spectateurs, jeu avec la mémoire collective, cf costume sdu XViième siècle qui nous renvoie à nos propres images du conte, attentes  initiales, ironie. Discrètes citations : pieds coupés, oiseaux, douze coups de minuit + déplacement des motifs du conte : belle mère perdant une chaussure dans sa fuite ou prince qui laisse une chaussure en cadeau, motif du verre : pantoufle de verre ou vair…

Déplacement du merveilleux :
Conte dans toutes les têtes : décalage du merveilleux qu’opère Pommerat. Il est dans les têtes et Pommerat en retour prosaïse le conte : palais du Roi totalement normal en contraste avec la maison de verre, fée pas créature merveilleuse : fume comme un pompier, rate ses tours de magie, maladroite, brouillonne, se plaint de son statut de fée, ne se sert de ses vrais pouvoirs que pour permettrai à Sandra d’entendre les vraies paroles de sa mère à la fin. Réalisme de la représentation.
Mais étrangeté se glisse ailleurs : nimbe l’espace de la maison, sonorités de musique cf célesta et orgue de verre, images inquiétantes : tête grossie à la loupe, visite des chirurgiens, mode des grandes oreilles, tour des années 50 avec la boite magique, les oiseaux qui se cognent et à la fin ne se cognent plus mais le bruit persiste. Etrangeté de la fin brusque du phénomène sans explication.
Représentation modernisée au réalisme apparent qui désamorce le merveilleux déplacé à l’intérieur de la psyché des personnages : pas cadre narratif conventionnel, resurgit sur un mode plus fantastique : inquiétante étrangeté du familier.
Effet de proche et de lointain : dispositif global de narration de la pièce : voix de la narratrice+ présence de l’homme qui fait des gestes pendant qu’elle parle », mémoire qui rejoint l’immémorial du conte : indétermination temporelle d’où ça parle, indétermination de la source : qui ?, voix italienne Marcella Carrara, étrangeté du récit, langue oubliée revenant comme étrangère, voix qui dématérialise, corps presque disparu, léger transparent comme la plume, fragilité du verre. Distance d’un temps écoulé où se confondent souvenirs réels et imaginaire collectif et archaïque, voix que nous imaginons. Véritable narrateur homme muet que l’on voit sur le plateau «  je peux encore parler mais uniquement avec des gestes » disjonction entre parole et image voix féminine et corps masculin. Mais pas de signes véritables, voix qui permet d’interpréter : risque de l’imaginaire et du malentendu. Mots projetés dans le spectacle comme imagination, défilant eau gré de leur énonciation avec les nuages sur le fond de ciel bleu du mur de lointain. Figure narratrice qui refuserait les mots, victime de leur ambigüité.