Le conte des contes :
Belle mère prend ses rêves pour
la réalité, maîtrise logique du destin : le hasard ne peut exister,
belle-mère à la limite du « concernement » ( notion psychiatrique),
rêve d’un destin à sa hauteur, réalisant l’image qu’elle se fait
d’elle-même : mo je sens qu’il va
se passer quelque chose de vrai… imaginaire= celui des contes de fée, archaïsme
sous les voiles de la femme moderne, irrationnel sous le matérialisme cf
prégnance fantasmatique de l’essayage des robes avec les cordes de Peteris
Vasks, étreinte du mannequin, désir du prince inconnu qu’elle a reproché plus
tôt à ses filles. Musique de Phil Glass pour la plongée dans la rêverie, suite
à la visite du roi, s’imagine que le prince est tombé amoureux d’elle, regard
vague, démarche de somnambule.
Deux malentendus du coup qui la
briseront : ridicule du costume XVIIIème siècle pour une fête très moderne
et déclaration au prince ; inadéquation des faits avec ce qu’elle avait
imaginé, mais ne suffit pas tout de suite à briser sa conviction de détenir la
vérité : insiste les deux fois, sortie de force. Enfermée dans son rêve,
dans le conte. D’où « conte des contes » expression de Pommerat sujet
le conte lui-même, où est le vrai ou est le faux ? Où est la vraie
vie ? Où est le mythe, le mensonge, l’histoire inventée ? Tous les personnages
vivent dans le conte. Belle mère, filles : cf réminiscence subliminale de
Grimm se ferait bien couper le pied pour
pouvoir voir le prince avant toutes les autres », père qui rêve d’une
nouvelle vie. Très jeune fille aussi survie de la mère, elle a « beaucoup
d’imagination » cf chanson du lundi matin l’empereur… pour éloigner les
cauchemars.
La fée un peu à part :
personnage merveilleux – mais peut surgir tout droit de l’imagination de
Sandra !-, n’a pas le monde du conte comme imaginaire, image
désacralisée : lassée par l’éternité, refusant d’utiliser ses vrais
pouvoirs, rêvant de la vie humaine, miroir inversé des autres
personnages : joie normales, premières fois, fragilité.
Roi : imagination aussi,
inventeur de la fable pour son fils, fiction initiale qui entraine sans doute
d’autres mini histoires chaque soir depuis 10 ans : « un nouveau
mensonge pour justifier qu’elle n’appelle pas »
Roi qui se veut une sorte de
grand enfant, qui entre chez les gens en se voulant simple « appelez-moi Jean-Philippe,
royaume conte de fantaisie cf celui de Fantasio ou le royaume de Popo dans
Léonce et Léna. Propre peur d’annoncer la mort de la mère, organise des fêtes, diversion.
le roi raisonne en terme sde conte cf deuxième intrusion dans la maison de
verre comme s’il avait lu Cendrillon !
Imaginaire du conte aussi dans la
tête des spectateurs, jeu avec la mémoire collective, cf costume sdu XViième
siècle qui nous renvoie à nos propres images du conte, attentes initiales, ironie. Discrètes citations :
pieds coupés, oiseaux, douze coups de minuit + déplacement des motifs du
conte : belle mère perdant une chaussure dans sa fuite ou prince qui
laisse une chaussure en cadeau, motif du verre : pantoufle de verre ou
vair…
Déplacement du merveilleux :
Conte dans toutes les
têtes : décalage du merveilleux qu’opère Pommerat. Il est dans les têtes
et Pommerat en retour prosaïse le conte : palais du Roi totalement normal
en contraste avec la maison de verre, fée pas créature merveilleuse : fume
comme un pompier, rate ses tours de magie, maladroite, brouillonne, se plaint
de son statut de fée, ne se sert de ses vrais pouvoirs que pour permettrai à
Sandra d’entendre les vraies paroles de sa mère à la fin. Réalisme de la
représentation.
Mais étrangeté se glisse
ailleurs : nimbe l’espace de la maison, sonorités de musique cf célesta et
orgue de verre, images inquiétantes : tête grossie à la loupe, visite des
chirurgiens, mode des grandes oreilles, tour des années 50 avec la boite
magique, les oiseaux qui se cognent et à la fin ne se cognent plus mais le
bruit persiste. Etrangeté de la fin brusque du phénomène sans explication.
Représentation modernisée au
réalisme apparent qui désamorce le merveilleux déplacé à l’intérieur de la
psyché des personnages : pas cadre narratif conventionnel, resurgit sur un
mode plus fantastique : inquiétante étrangeté du familier.
Effet de proche et de
lointain : dispositif global de narration de la pièce : voix de la
narratrice+ présence de l’homme qui fait des gestes pendant qu’elle
parle », mémoire qui rejoint l’immémorial du conte : indétermination
temporelle d’où ça parle, indétermination de la source : qui ?, voix
italienne Marcella Carrara, étrangeté du récit, langue oubliée revenant comme
étrangère, voix qui dématérialise, corps presque disparu, léger transparent
comme la plume, fragilité du verre. Distance d’un temps écoulé où se confondent
souvenirs réels et imaginaire collectif et archaïque, voix que nous imaginons.
Véritable narrateur homme muet que l’on voit sur le plateau « je peux
encore parler mais uniquement avec des gestes » disjonction entre parole
et image voix féminine et corps masculin. Mais pas de signes véritables, voix qui
permet d’interpréter : risque de l’imaginaire et du malentendu. Mots
projetés dans le spectacle comme imagination, défilant eau gré de leur
énonciation avec les nuages sur le fond de ciel bleu du mur de lointain. Figure
narratrice qui refuserait les mots, victime de leur ambigüité.