jeudi 8 mai 2014

Synthèse option facultative d'Hugo Kreyder




Carnet de bord : Le théâtre, plus qu’une simple matière, un véritable plaisir

Mon premier contact avec le théâtre se fit quand j’étais au CE2 (je devais avoir 9 ans). Notre professeur de l’époque nous avait donné un livre contenant quatre petites pièces destinées à être lues par un jeune public (dont je ne me rappelle malheureusement pas les noms), et dans notre cas, à être joué. C’était vraiment une expérience mémorable pour nous tous, nous avons pu découvrir les difficultés d’apprendre nos textes, de les jouer en petit groupe puis devant un public (certaines personnes devaient apprendre à vaincre leur trac), pourtant derrière ces contraintes apparentes, quelles joies nous avons eues de nous retrouver tous ensemble, de nous sentir intégrés à une troupe et quelle satisfaction ce fut lorsque nous parvenions enfin à maitriser nos rôles ! La représentation finale fut vécue d’abord  avec appréhension, puis avec un grand soulagement ainsi qu’une immense fierté. Imaginez vous : toutes nos familles étaient là pour nous admirer, nous écouter, ce fut vraiment un moment inoubliable.
Malheureusement je me suis un peu éloigné du théâtre depuis, en seconde, je n’ai pas eu la curiosité de tenter l’enseignement d’exploration, probablement par timidité due à l’âge. Toujours est il que c’est durant cette période que je me suis (re)découvert un goût et des facilités pour parler en public. Plusieurs personnes me faisaient la remarque : « tu devrais faire du théâtre », et, même si l’image qu’ils avaient de cet art était caricaturale, j’ai décidé de les écouter et de m’inscrire à l’option facultative durant mon année de première. Là j’ai eu la chance de tomber sur un groupe très hétéroclite où j’ai pu doucement me trouver ma place. Certaines personnes faisaient plus de 10 heures de théâtre par semaines, d’autres en faisaient depuis des années tandis que certains se retrouvaient presque dans la même situation que moi et n’avaient commencé qu’une année auparavant. Le thème de l’année était le théâtre politique chez Bertolt Brecht, et pour sa dernière année, monsieur Ficher (l’enseignant de l’année passée) voulait finir sur quelque chose de grand : L’opéra de quatre sous ! Très vite nous avons commencé à répéter les scènes et à les visionner, ce qui a fait que la cohésion de groupe a été très forte très vite. Auprès de mes ainés, j’ai pu progresser rapidement et découvrir ce qu’était réellement le théâtre.  J’ai appris que le théâtre ce n’est pas seulement connaître un texte et l’interpréter devant un public mais bien plus que cela : cela nécessite d’entrer dans son personnage, que ce soit dans ses répliques, ses intonations ou ses geste, il faut lui donner une forme, le vivre et le faire vivre et ressentir au public, il doit y croire (malgré le phénomène de distanciation mis en avant par Brecht) pour que le message soit compris. Arrivés au jour J, l’accueil du public fut triomphal, et je redécouvris ce plaisir d’être une partie d’un tout harmonieux et d’être apprécié des foules (c’est assez égocentrique, je sais). C’est ainsi que je m’engageai pour une deuxième année de théâtre.
    Cette année de terminale fut différente, tout en restant dans le théâtre politique, nous avons étudié une manière tout à fait différente d’aborder ce dernier : fini le donjuanesque gangster de Soho menant une vie s’opposant à la bourgeoisie londonienne, désormais c’est au travers de moralités (ou mystères) du Moyen Age réécrites par le dramaturge et prix Nobel de littérature italien Dario Fo ainsi que de la figure du jongleur que nous avons découvert un théâtre populaire, où acteur et scène ne forment qu’un, et qui tourne en dérisions les sujets de sociétés pour pousser à la prise de conscience de cette condition tout en y insufflant une part de « supportable » par l’emploi du burlesque.
Pourtant l’année n’avait pas débuté d’emblée avec cette perspective, au départ nous avions fait beaucoup d’improvisations seuls ou en groupe, à la fois pour nous découvrir les uns les autres mais également pour établir les fondements de relation entre divers comédiens d’une troupe. Ce qui a plutôt bien marché et qui était très plaisant, puisque l’improvisation permettait de libérer notre imagination. A ce propos, c’est à ce moment que je me suis rendu compte que je voyais ces trois heures de théâtre du mardi après midi comme une véritable parenthèse dans la semaine de cours « normaux », ce qui était plus qu’agréable. Cependant ces exercices ont très vite été orientés vers la pièce, pour trouver des idées de placements, gestes, intonations adéquates. Vint alors l’apprentissage du texte qui, bien qu’entamé très tôt (environ début novembre), se révèlera être non seulement le pari du groupe, mais aussi l’épée de Damoclès menaçant l’harmonie du groupe ainsi que l’avancement de la mise en place du spectacle ; mystères bouffe est composé de 12 mystères, dont nous avons choisi d’en jouer 8, s’ensuit une divisions de la classe en plusieurs petits groupes, ce qui eu certes pour effet de resserrer les liens à l’intérieur de ses groupes, au détriment des liens tissés avec les autres personnes. Les problèmes de textes devinrent très vite des obstacles majeurs pour l’avancement de la mise en scène, car dans chaque petit groupe demeurait toujours une personne en retard par rapport aux autres. Une des scènes les plus travaillées (d’ailleurs la première à avoir été travaillée) est la moralité de la naissance du jongleur. Je mis bien longtemps à en comprendre la raison : du succès de cette pièce dépendait le succès de la pièce entière car tout était annoncé dans cette pièce : le rôle véritable du jongleur, le sens des mystères, l’engagement politique de Dario, passer à côté de cette scène reviendrait à laisser le spectateur livré à lui-même pour le reste de la pièce.
 Tout au long de l’année nous avons travaillé sur une mise en scène d’un Mistero Buffo joué à plus de 20, ce qui fut un véritable défi puisqu’initialement, en jongleur des temps modernes, Dario Fo s’adressait seul à son public et créait un lien avec lui, tout en jouant les nombreux personnages intervenant dans l’intrigue. Ici il fallait réussir à recréer cette complicité malgré la multiplicité des acteurs, pour cela nous avons pensé à une mise en scène en croix où le public serait des quatre côtés de la croix et les acteurs en son centre, comme un jongleur se donnant au milieu d’une foire, les acteurs ne jouant pas seraient contenus dans le public et réagiraient à certains moment pour entretenir une proximité avec ce dernier et tenter de l’inclure dans le jeu. Cependant l’idée de la croix se révéla bien difficile à mettre en œuvre car compte tenu des situations des scènes, bien trop souvent les acteurs tournaient le dos au public, on abandonna la croix, optant pour un patchwork de tapis, cependant l’idée d’acteurs au milieu de la foule a été conservée. Nous avons aussi pu assister à une représentation des 12 mystères mis en scène par Chiara Villa. Bien que certains aspects furent intéressants, comme le départ où les artistes circulent au milieu du public pour introduire le premier mystère, ou alors la complexité du jeu à trois acteurs, nous ne nous sommes que très peut servi de cette mise en scène qui dérangeait notre vision en certains point : parmi les trois personnages, un seul sortait du lot et faisait véritablement jongleur, tandis que les autres n’étaient que de « simples » acteurs (le mot n’est pas à prendre péjorativement), de plus, la scène de la naissance du jongleur, à laquelle nous accordions tant d’importance (et moi plus encore vu que j’y ai un des rôles principaux) n’a pas été jouée mais simplement racontée, or à nos yeux la naissance du jongleur ne doit pas se savoir, elle doit se vivre tout comme son histoire. Mais cet aspect sera plus développé dans l’approfondissement fait à ce sujet.
« A l’heure où j’écris ces dernières lignes, nous sommes à moins d’une semaine de la représentation, le moment est venu pour nous de prendre nos responsabilités et de donner le meilleur de nous même, car oui c’est cela la raison même du théâtre, montrer ce qu’on a de meilleur, et le donner aux autres. Bonne lecture »