dimanche 18 mai 2014

Une lecture de Cendrillon (Notes d'après C. Triau)


L’essentiel du conte : le désir de vivre, pièce sur la mort et sur le tps
Casser le conte et le reconstruire en récupérant les morceaux, le situer dans le monde contemporain, se le réapproprier : motifs que l’on trouve dans le reste de l’œuvre de Pommerat : « réel » et imaginaire, histoires que l’on se raconte, sentiment d’exister, pb d’images de soi.
Concrétisation et reviviscence : redonner de l’étrangeté à l’histoire et la rapprocher du spectateur. :g ommage des clichés édifiants : bonté, réussite sociale, attente du prince charmant..
Figures du conte= véritables personnages, situations scéniques concrètes, quiproquo
Réécriture : dble principe : 1 prendre au pied de la lettre des éléments  tenus pour secondaires ex mort de la mère, deuil qui ouvre le conte, jeunesse de l’héroïne, passage entre enfance et adolescence (différente de la neutralité bonne et soumise de la Cendrillon d’origine)
 Décalages et déplacements de motifs : prince lui aussi ramené à la jeunesse, densification des figures archétypales : cf image de soi et désirs de la marâtre, rivalité des sœurs transférées à la belle mère, père qui a un véritable parcours, fée à l’opposé du cliché.
Pas la quête amoureuse pour Cendrillon, pas la question du temps limité autorisé avec heure fatidique du bal mais questionnement sur la maîtrise du temps et son acceptation.

1.       Un enfant face à la mort

Question du deuil : «  pas seulement une histoire d’ascension sociale conditionnée par une bonne moralité qui fait triompher de toutes les épreuves ou une histoire d’amour idéalisée » désir de vie confronté à son absence.
Intro de la narratrice puis dble scène autour de la mère mourante : trauma initial, malentendu  ( sur le s paroles inaudibles de la mère mal interprétées par la fille)qui lui est lié, qui va conditionner le comportement de Sandra. Première leçon formulée par la narratrice : Les mots sont très utiles mais ils peuvent aussi être dangereux. Surtout si on les comprend de travers (…) C’est pas si simple de parler pas si simple d’écouter. », malentendu pas fruit du hasard malheureux : déni, très jeune fille qui « a beaucoup d’imagination », mort de la mère inconcevable pour elle enfant, pas à la manière d’un adulte. Perte suivi d’un surinvestissement par l’imaginaire + culpabilité de n’avoir pas pris la mesure du drame entrain de se jouer. Processus qu’il faudra dénouer après tout un tps de blocage , résilience : » ta mère est morte et c’est comme ça ». début : insouciance de l’enfance, impatience, protection devant la difficulté de la situation, mais solennité du dernier entretien, père qui vient la chercher, sorte d’arrachement : surgissant de l’ombre, geste perçu dans la représentation comme une violence alors qu’il n’ya aucune brutalité. Panique d’autant plus forte que la très jeune fille avait réussi à maintenir la mort à distance : méconnue, refoulée. Déni de la mort réelle au profit d’une disparition incomplète : mission : préserver l’existence de la mère en y pensant sans arrêt, renversement des rôles mère/enfant, gardienne de sa mère : fiction qui comble l’espace de la disparition définitive. Responsabilité de vie ou de mort. Devient brutalement selon elle une adulte par cet enjeu : première « histoire » qu’elle se raconte ; au-dela de la mort habité par des oiseaux cf oiseaux protecteurs de la tombe chez Grimm
Caractère spectral de cette scène originelle : mère blanche, draps blancs : video que le spectateur ne distingue pas forcément comme telle, à côté très jeune fille en robe blanche aussi, se détachent toutes deux sur un fond uniformément noir : scène fantôme par laquelle il faudra repasser en fin de pièce magie de la fée : entendre les véritables paroles, dénouer le malentendu : poursuivre la vie.


1.       Deuil et mélancolie.
Travail de deuil qui a été longtemps empêché par le malentendu et ses conséquences.
Culpabilité liée à des oublis, souffrance quand la robe de la mère lui est enlevée : se créer des histoires qu’elle projette sur le mur, à nouveau oubli, imagination qui l’emporte, colère contre elle-même, punition : obsession du souvenir, angoisse, culpabilité, désir de punition, auto dépréciation et auto avilissement : « deuil pathologique » Freud cf Deuil et mélancolie 1915 : « humeur douloureuse, désintérêt pour le monde extérieur- quand il n’évoque pas le défunt-, perte de la faculté de choisir un nouvel objet d’amour, abandon de toute activité qui ne soit pas en rapport avec l ’absent » : cf montre, album photo, objet fétiche qu’est la robe.
« autodépréciation qui s’exprime par des reproches et des injures envers soi même, attente délirante du châtiment » formidable appauvrissement du moi.
Scènes de la répartition des tâches ménagères : image de plus en plus négative cf je ne suis pas du tout gentille, c’est moche ça me correspond, si ça se trouve je suis une vraie salope : acceptation des tâches les plus dégradantes. Cf Freud : Dans le deuil, le monde est devenu pauvre et vide, dans la mélancolie, c’est le moi lui-même, défaite dela pulsion qui porte chaque être à s’accrocher à la vie »., dégradation du sentiment d’exister, ou du désir d’être. refus de toute relation intersubjective. Comme si sa mère vivant en elle.
+ adolescence : insolence, virulence de rébellion, radicalité, potentiellement irritante, culpabilisante à l’égard du père et de son remariage prévu.
Dble registre de la violence et du comique quand en butte à l’hostilité de la belle-mère, enfermement tragique ponctué par les sonneries d’à vous dirai-je maman : gags relançant l’irritation de la belle mère ;: jeu avec les registres et contrastes, ambivalence active : touchante et irritante, énervante ! Actrice Deborah Rouach très bien. : spontanéité de la jeunesse et pétrification mélancolique, enfermement de plus en plus grand et résurgences de vivacité. + singularité de la voix : « timbre qui va très bien avec la vitesse de l’enfance, de son urgence » :langue orale ( élisions, expressions) que les micros HF saisissent dans une intimité permettant émotion, dynamisme et retenue. Capable aussi de retrait, présence silencieuse et jeu de regards.