lundi 6 octobre 2014

Chanson italienne sur les migrants


  Une chanson italienne qui dit tout

Nous sommes les innombrables, redoublés à chaque case d'échiquier, Nous pavons de squelettes votre mer pour marcher dessus;
Vous ne pouvez nous compter, une fois comptés nous augmentons fìls de l'horizon, qui nous déverse à seaux.
Aucune police ne peut nous opprimer plus que nous n'avons déjà été blessés.
Nous serons vos serviteurs, les enfants que vous ne faites pas, nos vies seront vos livres d'aventures.
Nous apportons Homère et Dante, l'aveugle et le pèlerin, l'odeur que vous avez perdue, l'égalité que vous avez soumise.
De toute distance nous arriverons, à millions de pas, nous sommes les pieds et nous soutenons votre poids.
Nous déblayons la neige, nous lissons les prés, nous battons les tapis, nous recueillons la tomate et l’insulte.
Nous sommes les pieds et nous connaissons le sol pas à pas, nous sommes le rouge et le noir de la terre,
un outremer de sandales défoncées,
Le pollen et la poussière dans le vent de ce soir.
L'un de nous a dit au nom de tous: “Vous ne vous débarrasserez pas de moi. D'accord, je meurs, mais dans trois jours je ressuscite et je reviens».
Erri De Luca