jeudi 22 janvier 2015

Un Fil à la patte ; comparaison de scène IV et V acte I

Compte rendu du travail effectué jeudi 22 janvier



Un fil à la patte (1894)de Georges Feydeau entre au répertoire de la Comédie-Française en1961 dans une mise en scène de Jacques Charon. Cette mise en scène sera ensuite reprise et captée au théâtre Marigny en 1970. Jacques Charon,entré au Français à 21 ans, a effectué sa carrière parallèlement dans la Maison et sur les boulevards. Sa mise en scène se ressent de cette double filiation : elle garde les codes (décors, costumes, jeu) du vaudeville à sa création :
apartés adressés au public mais sans clin d’œil appuyé, silhouettes des personnages secondaires vite tracées mais vivantes, et surtout
un sens du rythme et du comique mémorable porté par des comédiens très complices parvenus au sommet de leur art : Jean Piat en Bois-d’Enghien se présente comme aussi bel homme que faible ; Micheline Boudet campe une Lucette gracieuse et élégante qui joue de toutes les armes de la divette, du chant, de la danse, du jeu ; Robert Hirsch en Bouzin construit une figure inoubliable, burlesque et ridicule, allant souvent jusqu’à la pantomime. Micheline Boudet et Robert Hirsch ont d’ailleurs une formation de danseurs.
L’objectif de cette mise en scène est de divertir le public du Français sans appuyer sur le caractère grivois ni sur la satire de la bourgeoisie. André Levasseur recherche un parfum de la Belle Époque. Les décors parodient le style « nouille » en même temps qu’ils rappellent les
décors d’origine : salon au premier acte, chambre aménagée en loge au deuxième acte, avec portes et armoires, comme il se devait pour la plupart des vaudevilles. Rappelons qu’à l’époque de la création les décors appartenant au théâtre servaient pour de nombreuses pièces.
L’escalier de l’acte III, par contre, renvoie à la mode des décors spectaculaires de la fin du XIXesiècle. Les costumes du même André Levasseur – quis’était illustré en créant les décors des grandes fêtes organisées en l’honneur du mariage de prince Régnier et de Grace Kelly à Monaco en 1956, et avait travaillé avec Christian Dior avant d’arriver au théâtre – mettent en valeur chaque personnage : Lucette devient une trèsbelle femme élégante, plus fantaisiste que facile ; Bois-d’Enghien un bel homme fat et Bouzin un ridicule petit-bourgeois à cause, entre autres, des gants dont il n’arrive pas à se débarrasser.
Tout en étant historisante, la mise en scène se veut légère : la critique des mœurs n’est pas l’enjeu, on se situe davantage du côté vaudeville divertissant que de la grande comédie

.
La mise en scène d’Alain Sachs est un exemple de vaudeville tel que le théâtre privé a encore, particulièrement en province, coutume d’en monter.
Le décor respecte les didascalies et se met en place à vue. Il est donc assez léger et peut tourner facilement dans de petites salles ; les
costumes tendent à caricaturer les personnages, ainsi de Marceline déguisée en petite marinière ou de Nini Galant affublée d’un boa rouge qui sent la rue davantage que le salon.
Le jeu est très chargé, les clins d’œil au public sont constants : tout dans cette mise en scène est dirigé non par les enjeux du texte, mais par l’effet à produire, le rire. Nous sommes là en présence d’un vaudeville qui se souvient de ce qu’il doit au théâtre de foire et à la tradition du théâtre dit de boulevard. 



Jérôme Deschamps montre les travers de la société avec légèreté et cruauté, car la drôlerie n’exclut pas le cynisme. Le metteur en scène fait confiance à sa troupe qu’il connaît bien, sachant que chacun y ajoute ses inventions intérieures, pour entrer au mieux dans la
mécanique de Feydeau. Il évite le jeu psychologique
et mise sur la connivence avec les spectateurs en position de « surplomb » : ils peuvent anticiper péripéties et quiproquos et se
laisser aller à un rire cathartique jubilatoire.
Le registre burlesque est parfaitement maîtrisé déjà par Jérôme Deschamps. Il sait aussi trouver le rythme juste avec les accélérations et les enchaînements des différentes vitesses exigées par le texte.